DES CAISSES D’EPARGIE. EX TRAIT DES EXTRETIENS DE VILLAGE, $ rier qui n’epargne pas, est sans excuse de neeessite, sans prevoyance de la maladie et de la vieillesse, sans tendresse pour sa famille, sans pitie pour lui-meme. Or, chaque ouvrier est dans Tun de ces trois cas : qu’il s’interroge done, et qu’il se juge ! Francois. — C’est la cependant, vous aurez beau dire, niaitre Pierre, une double objection, generale- ment laite, que les ouvriers n’ont pas de quoi mettre ila Caisse d’epargne, et qu’ils n’y mettent pas ( x ) Mattre Pierre . — Je sais bien qu’on a dit et repetd quo les ouvriers tie gagnent pasde quoi sesuffire, n’ont pas d’excedant, et que* n’ayant pas d’excedan!,ils ne peuvent pas mettre et ne mettent pas a la Caisse d’e- pargne. Ceci n’est pas toujours exact, heureusement. Par exemple, deux freres, tous deux celibataires, gagne- ront chacun 3 francs par jour. Lrnn prend, le diman- die, le chemin de la Caisse ou il depose ses epargnes. L’autre prend, le dimanche et le lundi, le chemin du nabaret ou il dissipe le salaire de la semaine. Qu’il ne disepas ou qu’on ne dise pas pour lui, qu’il y a insuf- fisance de gain ; qu’on dise plutot qu’il y a defaut de couduite. Or, les ouvriers qui mangent leur gain (1) Il est bon de r6pondre deux clioses : la premiere, c’est que lesgros versements se font aujourd’hui par les ouvriers ; la seconds, cost que la tres grande majorite des d<§posants se tire de la classe ouvricre. Aiu&i a Paris, sur trois cent vingt millo ouvriers des deux sexes, il y eu a quatre-vingt-dix mille qui ont des depots a la Caisse d e- pargne, et sur quatre vingt mille domestiques, il y eu a trente-cinq mille, suit un ouvrier sur quatre, et un domestique sur deux. Sur dix mille cordonniers, neuf mille tailleurs, six mille menuisiers, trois mille musiciens et artistes, quatre mille graveurs, etc., il y a encore ane belle moisson d’economies a faire. (Compte rendu de 1844). 14 d’excedant, au lieu de l’encaisser, se comptent par ; milliers. N’importe : les ouvriers de maison, d’auberges, de boutiques, de fernies et de labourage, qui se Jouent&f l’annee„a la difference des autres qui se loueut a la journee, placent avec crapressement, avec surety avec fruit, leurs economies ti, la Caisse d’epargne. Les ouvrieres qui correspondent, parleur etat, aux cordonniers, aux tailleurset autres professions d’hom- ines, prennent le meme chemin, Enfin, grace h la solidite du placement, a leur bonne comluite, & leur moralitti, leur sage pr£- ; vovance, el a la salutaire contagion des bons exein- a[ pies, une foule d’ouvriers de fabrique goutent mainte- ii liant l’utilite des Caisses d’epargne. t 11 cst done vrai de dire que les ouvriers de tons etats, lorsqu’ils sont constamment occupes, suffisam- jnent salaries et pas trop charges de famille, peuvent mettre it la Caisse d’epargne ; et, en effet, ils com- mencent a y mettre d’avantage, ct les registres en font foi. Les Caisses d’epargne sont done aujourd’hui en pleine voie de fructification. Frangois. — J’ai aussi beauconp entendu disputer, dans ces derniers temps, sur le plus ou moins gros interet du capital deposti. Maitre Pierre. — Ti rerun gros interet de son ar- gent, e’est la ce qui occupe le plus les gens des villes. Mais pour les gens des campagnes, ce n’est point la la question. Comme ils sont defiants, l’essentiel pour eux cst d’abord de mettre leur argent en lieu stir, et ensuite de le reprendre a volonte. Lorsqu’ils l’a- massent et qu’ils le caclient, leur argent ne leur pro- duit rien. 11s sont done moins touches de l’elevation 15 de l’interfit que de la solidite da placement et de la facilite da remboursement. L’utilite de ces Caisses est done plut6t dans la pro- vocation h l’epargne, que dans 1’avantage de l’interet. La Caisse d’epargne, ne fat-elle qu’un lieu de depot stir, sans aucun service d’intfiret, qu’il faudrait 1’eta- blir. Les trois quarts des deposants ne l’envisagent que comme un depdt et non comme un jdacement ; et e’est ainsi (qu’on ne le perde pas de vue) que le bienfait de cette institution, pour la societe et pour le deposant, est encore plus moral que positif. L’epar- gne est, avec la religion, le plus grand moralisateur da peuple. C’est de ce point de vue, e’est de haut qu’il faut envisager l’etablissemcnt des Caisses d’e- pargne. Le reste n’est que secondairc. V