m "Tt^" TSGTC' THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF NORTH CAROLINA ENDOWED BY THE DIALECTIC AND PHILANTHROPIC SOCIETIES V781.55 B?17h MUSIC LIB. ^£h This book must not be taken from the Library building. Digitized by the Internet Archive ^in 2013 http://archive.org/details/histoiregeneraleOObonn HISTOIRE GENERALE D E LA DANSE- ISTOIRE GENERALE D E LA DANSE. SACH.EE ET PROPHANEj Ses progres &fes revolutions, depuis (on origine j-ufqua preicnc. A V E C un Supplement de I'Bijloire di la Mufique , & le ParaleLE de la Pttntme (frdela Poejie. Dediec a S. A. R. Monfeigneur le Due d'Or leans , petit-ills de France. FAR M % Bonnet, anenn B yeur des Gag& an L'arUmcnt. A PARIS, Chcx ©'Houry fils , *ue fie la Harpe , devant }& iuc 5. Severih * au St Eiprit. MDCCXXIV, 4vu AlpQbmon & Privilege du Reft A SON ALTESSE ROYALE M O N S E I G N E U R tE DUG DORLEANS* PETIT-FILS DE FRANCE, ONSEIGNEU'R,-. Le gout unherfel queVo- tre Altesse Royale a toujour* marque pour les Sciences & les Arts , & la protection dont Elle fa^orife ant I i 2 15190 vi E P 1TRE, ceux qui les culnveni , me ft prendre la liberie de lui pre~ [enter il y a quelques annees fHiftoire de la Mufique* un des Arts pour Lemuel Elk pmble avoir m une preference ^inclination. L'OuVrage sef rejfentide Con acceuil favorable ^ auquel jai certdinementplus attribue le pieces quil a en dans le Pit* hlic z qua tout autre merite ; ce qui fern pent- etre trouVer extraordinaire a Votre A L- TESSE ROYALE^ qualities de me contenter de lui en & quelle a neanmoins frk en fayeur de /'Hiftoire de la Da nfe, commefoeurde la Mu* Jlque : c'efi une cadette qui ria pas hefoin d'une protection moindre que celle que <-jous ave% accordee a C alnee t pour- paroure a vecagrement dans le monde. P ermette^- lui done ^ MONSEIGNEUR, ni la gravite atta~ €hee a I 'importance des affaires qu'tnJous occupent ^ni lecara~ Bete de Heros quenjousfoute- nex deja depuis long- terns > ne rendent point cette Hifioire in~ digne de ^votre protection y lor£> que MO N- SEIGNEUR, que le- xer cice qui en fait le fit jet y d, fervt aux Rois les plus fages & aux JF/eros les plus illu fires. de I* An ti quite > ajtgnaler leur wye dans les plus grandes 00 cafions de Fetes & de rejouif: fames publiques*, I EPITRE. // eft njrai que ce Trahi duroit re§u plus de hriUunt aune jeune plume 3 que de celle dun Autenrprefyue oBogenai* re i mats perfonne ne setant avifede Femreprendre, ilpour* ra trouver de ^indulgence par la nouveaute de la matiere^ -par le nam refpeBable du Pro* ie$eur y f$ par le %ele infini^ £T le profohd refpeti avec k~ ^uelileft , MONSEIGNEUR, X>E VOTRE ALTESSE ROYALB, Le tres-litimble & tres-obeiffamS fcrvitcur , Bopn, X) PREFACE- A liaifonquieftentre ^jla Danfe &laMufi- que, ma jciU infenfible- tr.ent dans la neceflste de donner rHiftoiredeTune, apres avoir pubhe cellede l'auttc ; & comrre il me pa- rent a propos de pf even it mon Lc<5ieur fur Tordre que j'ai garde dans ceTrai- te , je le fais ici en peu dc mots. Je vas d'abord chercher L'origine de la Danfe dans ies terns lesplusreculez& Uf. PREFJCE.' chez les peuples les plus anciens, & je trouve quel- le y a fait une ceremonie du cuke de ieur Religion 4 ce qui commence a raire connoftre une DanfiSacree qu'on doit regarder c am- ine la plus ancienne de iou- tes. Les Egypnens font les premiers parmi les Payens 3 dom lesPrecres ayent ex- prime par des danfescata- cterifees les My (teres de leur Religion : les Grecs ont encheri fur eux en c® point , com me on le voit dans I'hiftoire de ieurs Co- rybantes j & les Romaic PRFFJCE. xiij les ont imitez , en fa i fane entrcr les dan fcs dans ia ce- lebration de leurs i£r,cs& dans leurs Sacrifices. Les Juifs , a en jnger par les Livres Saints , onr re- garde leur danfe Sacree eomme un don de Dieu, au culte duquel ils Tone employee , quoique Fui~ vant les fentimens des Pe- res de TEglile, leur danfe devant le veau d'or ait paf- fe pour le meme culte que lesEgyptiens rendoient au Dieu Apis, N ous voyons neanmoins que dans la primitive Egli- fe > les Chretiens avoienr, m PREFJCE: conferve une telle venera- tion pour la ceremonie de la danfe Saeree des Juifs, qu'ils s'enfont long terns fervi, a l'exemple de Da- vid & des Levues i mais TEglife ayant reconnu les sbus qui s'etoient gliflez fous les apparences de ce rice 9 eo a defendu I'ufage dans !c creizilmc fiecle, de nr.eme que des danfesBa- ladoircs:cn quoinosRois (e font conFormez dans leurs Qrdonnanccsauien- timent de l'Egiife pour les abohr. De cctte darife Saeree, )c reviens a celle des L*ce- PRFFJCE. x ^ Hemoniens inftituee par Ucurgue , a celle des 5a- liens par Numa Pompilius, a etile qua rtxempledes Prophetes, Its Mahome- tans celtbrenr encore au- jourd*'hui»pour les porter a rencoufjafmc : je palTc de- la acellesquilubfiftencen Efpagne,en Portugal, &£ meme encore dans qucl- ques Provinces de France, ma.lgre les dtfenfesdtlE- glite & contre les Ordon- nances de nos Kois > cc qui dans les Synodes a donne lieu a agiter fi I'on devoij: feparcr les Maitres a dan- £e£ de la Communion des Srvj PRE'FJCE* Hdeles, corame on a faie lesComediensj feparation qui auroit eu lieu,, fi You n'cuc juge jLcxercice de la D.a.ofe d'nn-e vraye utiiite pour I education delajeu- nefle & pour La polkefle d.es mceurs de la vie civile. De la danfe Sacree, je .viens a la Danfe AftronomL que , qui a pris naiffance chez les Egypriens > elle fuc inventee par les plus anciens Aftronomes, teis que Promethee , Atlas , Prothee , Endimion, &c. Sc condftoit ,au rapportde , Lucien , a. donner une idee lies mouvemens des corps ceieftes,' PRFFJCE. xvij fceleftes , & de la puifTance des influences des Aftres fur le monde ele'mentaire : fon ufage paiTa chez les Caldeens , les Grecs , & les Perfans,quijoignirentfes precepres a ceux de la dan~ fe Sacree pour le cultedes Planetes } apres les avoic deifiees Ceslorresde dan- fes etoient fi majeftueufes & (i graves, qu'elles impri- moient dans l'efpric des Peupies des fcnrimens de refpecl: pour les Dieux. On pcucjugcrdupouvok qu'elles avoienc fur l'ef- pnr des Payens*, pari'cfret des danfcs des Bacchantes? e xviij PREFACE. dont Bacchus employa les charmes plutot que la for- ce pour fubjuguer ies In- diens : il ecablic a fori re- tour en Egypce la Danfedes Feftms,q[\i a rapport a nos Bals dc ceremonie pour les rejouiilances publiquts 5 quoique Philolhate en at- tribuc I'invention a Co- mus , com me Dieu des Feftins,defquelsle Bal fai- foit I'accomphucmcnt de la fetechez iesGrecs D10- dore i'attribue audi a Ter- pfkorcla premiere Dan- feu fe des Mufes. On regarde encore les Egyptiens comme ies pre- PREFJCE. xix hiiers inventeurs de \'0r- chefegrapbie > ou arc de de- core par divers caraeteres touces fortes de danfes fur le papier , comme les Mu- ficiens ont fait les airs par des notes de differences va- leurs. Apres la more de Bac- chus , les Bacchantes en quaiite de fes PiecreiTes, fous pretexte de rendrca ct Dieu des honncurs con™ venables, inlttcuerent,a ce. que die Heroiote, Livre fecond,les Bacchanales, quietoient desFetesou les Danjts Lafaves prirenc leur ongine. eij xx PRE'FJCE. Les Grecs done les mceups ecoient tres-corrompues, les adopterent btentot, 5£ un de leurs Pretres qui connut dans les ToCcans beaucoupd'agiliEe, fe fer- vit d'une troupe de gensde cette nation de Tun & de rautrefcxe,quiexcelloienc deja dans les danfes. lafci- "ves > pour ailer porter a Rome, dans un faubourg delaquellcilss'etablirent, les ceremonies prophages de cette Fece. Tite-Lwe nous apprend qu'onlace- lebroit la n'uit aux flam- beaux tons les mois de I'an- nee , & que les hommes & PRE'FJCE. xx; fes fernmes qui y etoienc admis , & qui avoicru en- core quelques reftes depu- deur, y alloient malquez. Mais le Senat informepac la fuitedu terns des defor- dres qui fe commettoient dansla celeb* anon decette fete , I'abolit ious peine de more Fan 6 68 de la Fonda-* tion de Rome. Un iemblable motif rrc abolir fous i'empire de Ti- bere , lesSaru males, infti- tuces en l'honneur dc Sa- lurne , parce que les danfes ,jqui s'y eroiencintroduites eroient devenues crop li- centieufesj & i'on bannic xxij PRE'FJCE. de&ometouslesMaitresde Danfe > pour avoir compo- fe dcs Danfes Nuptiales, qui exprimoient toutes les ii- bertez de 1'amour : ce qui a fait dire a Cornelius- Ne- pos que desle terns d'Au- gufte les domains regar- dosent deja la Danfe coni- me un art qui peut con- tribucr au dereglement des moeurs , en quoi ils ne s'ac- cordoienr pas, dit il,avec les G ecs, qui I'eftimoiene neceflaire pour lapohteiTe de la vie civile & 1'exercice du corps. Je fais voir que les Re- mains, pourfededomma- r PRFFJCE. zxii) ger des iuppreilionsde ccs fetes , inventerene fous lempire de Neron , dc$ Maicarades ou des Bals roafquez, dont nous avons retcnu l'ufage pendant le Catnaval,&y avons ajoute des regies pour eviter les deiordres qui peuvent arri- verdans Lcsailcmblecs no- cturnes : je fais audi quel- ques,defcriptions des Bals de cereroonic donnez dans les Cours de l'Europe,avec des preceptes pour leur uiage 9 cornme je les ai vu obferver en France &C dans les Cours Euange- tes. xxiv pretjce: Et comrne les lnftitu~ teurs des diftcreeces dan* j fes , leur avoienc donne on leurs norris propres , ou eeux dcschofcsdu-'eUes ex- primoient j ce font des cir- confhnces que je n'oublie point dans leu-r . hiftoire , parce qu'elles en font le fondernent. G'cft ainfi que j apprens €e que c'ecok que ies- Or?, gyes parroi les Danjes Bacr cbiqucs , ce que c'etoit que la DanfeduPrejfoir par mi les Veni^ngeuis j comment Cere* enfeigna ies Danfes Rujiiqws convenables aux JLaboureurs pour iui ten-. PREFACE.- xxv 8re des honneurs divins, 8c pour les delaffer de leurs travaux par des fetes inno- cences apres les femailles &* la moiflbn : comment 1c Dieu Pan & les Faunes apr prirenc aux Bergers les Danjes Champ etres au fori de la fluce & des chalu- meaux, qui firenc depuis par tie de la ceremoniedes feces celebre'es en llion- neurdecesDieux. ]e rapelle chez lesLacede's moniens 1'invemion de la Danfe Militaire qui fe praci- quoicaufondelafluce,dan- fedontilsfurentrcdevables a Caller & Pollux, & par i ixv} PREFACE. laquelle ils setoient reri- dus invincibles, jufqu'au jems qu'Epaminondas Ge- neral de Tarmee des The- bains, leur en eut enfeigne rufagcpourvaincrealeus; tour les Lacedemoniens. Et je fais voir comment les contre-danfes qui font coirnnc les concre-fugues dans la Mufique, furent trouvees par Dedaleiilen, donna les premiers precep- tcs a Ariane > ce qu'Home<- re decrit dans les cartou- ches du Bouclierd'Achile, parce qu'ellcs fervoient de fon terns de divertiflement aux peuples de la Grece, PRE'FJCE. xxvi| bu il s'etou forms a l'exem- ple de Dedalcjdes Maitres de Danfes, qui erab'iirent des regies & des preccpces pour perfeclioner les dan- fes pubiiques. C'eft du melange de toutes ces danfes que les Grecs compoferent ia Tbeatraie & les Balers, dans le motif que leurs repre- fencations ferviroient a la correction des mceurs , par des caracteres qu'ils don- noienc a ces danfes , par le nioyen defquels, a ce que nous apprennenc Platon 6c Lucien , ils exprimoient V toutes les actions humai- iij Sivnj PREFJCE. lies, comme un Peintre an- roir pules reprefenter dans tin tableau ; ce qui ecoit parvenu chea eux a un eel degre de perfection , que leurs Pantomimes repre- fentoienc en danfant &c par des geftes , des hiftoires toutes entieres tres fenfi- bles aux fpectaceurs. Je defcends de-la dans les [ raifons qui ont por- te les Peres de L'Eglife a. condamncr les danfes ; la principale etoic le rapport qu'elles avoient avec les ceremonies , les coutumes, &lesdi(ToluEionsdu Paga- aifme > mais furcoue ies ^ PREFJCE. xxk- danfes Baladoires, contre iefquelles l'Eglife ne s'eft recriee, que parce qu'elles occupoient les jours de Fe- tes la populace dans les places publiques, a paffer. un terns qui devok etre eonfacre au Service divin , ai'occafionde quoi je fais mention des lanes pe'rilleux qui ecoient eQ PREFJC2 it* sge parmi les Geans avant ie Deluge , au rap- port de Berote , & meme de$ danfcs Gigantefques. £c je terminer mon Trai- te par la Danje naturelk de quelques Eletncns & de quelques animaux qui tre- pignent air ion des inftru- jnens > independament de ce qu'on en a die d'O rphec Ifcd'Amphion. L'hiftoirc de la Danfe Sacree en particulier aa- joitdemande unc meilleu- re plume , par la dignite de fon fujet qui n'apoinc en- core ere traice. Pycagore , Platon , Lu- i iiij xxxij PRE'FJCE. cien , & Athenee nous oni donne feulement uneidee generaie de la Daofei Mearfitrs en a plus parle dans Ton Traite de i'Or- chcftre ; mais cela eft fore different: d'une Hiftoire fuivie de cec Arr,de laquel- le j'aurai eu au moins le merite de l'lnvention. XXX12) APPROBATION De M. I'Abbe Richard^ Doyen des Ch amines de C Eglife Roy ale & Col- legiale de Ste Opportune a Paris 3 Prienr- Seigneur de I* Hopi'tal^ &c B Cenfeur- Royal. J*Ai lu par ordre de Monfcigncur k Gardg des Sceaux un Manufcrk qui a pour ti- tre Hifioire Generate de la Danfe Sacree & Frophane ,fon origine , fes progres > & fes revolutions , avec le Pavaleie de la Peintuff . C^» de la Pee fie , & le Supplement de l'Hi~ finite de laMufique ,p&Y M- Bmnet 9 ancieft JPayeurdes Gages du Parlement. On eft anjourdhui fi fort prevent! contre la Danfe , a caufe des defordres qu'elk a faits dans la fucceiTion des terns , & par la corruption des rnoeurs , que perfonne nc s'eft encore avife d'en donncr THiftoire, dc peur de paroitre ks autorifer : on ne faic Bieme aucune diftin&iondcla Danfe Sacree d'avec la^ Danfe prophane. Mais quand on -veut remonter a fon origine , on revient bie-ntot de 1'idee que Ton a prife 5 on trou- ve que la Danfe a etc inventee chez ks Egyptiens pour reprefenter le mouvement des Aftres, & cbez ks Juifs pour rendrc plus venerable le cuke de la Religion II n'y a perfonne qui ne facbe que David fuivi d'une troupe de Levites qui danfoient avec lui , accompagna ainfi TArche d* Alliance depuis la maifon d'Obededon oil elk etoil en depot, jufque dans jerufakm L'uiags en a palfe dans la Loi de grace f Ton a danfs dans les Fetes des Agape s & dans 1'Eglife Grecque & Latinc , julctu'ati XIII fieel© qu'il fur aboli a caufe des abus qui s'y glif- ferent.- Le Cardinal Xiireris le fit revivrg dans ia Catbcdrale de Tokde, en rcrablif- fant Ja Meffe des Mufarabes avec kins ce- remonies. On danfe encore en Italic , en -Ef- pagne & en Portugal ,dans les Eglifcs & aux Pioceffions les purs de grandes Fires &dc : icjouHlances pub iqucs ordonnees paries Souverains. Pareilles ceremonies fe prati- quent par des pcrfonncs de Tun Be de lautre fexe en Provence & en Languedoc , avee Soute forte d'inilrumens qui accompagnene la Mufiquc. Les plus grands Rois du mon- de fe tout fait un plaifir de danferquelque* Ibis fur le Theatre , meme avec leurs fu« jets. Ces beaux traits qui annobliffcnt la Dan- fe, merkent bien d'etre cents dans uo corps d'hiftoire. 11 n'eft pas etonnant que V Auteur de ce Manufcric , apres avoir rap- port& tant de chofes fingulieres & trcVcu- iieufes,ait auili deplore l'abus qui s'eM glide dans la fukc. Comrne il n'a oubli^ aucune notable partieularite , il a cru qu'a- pres avoir donne Thiftoire de la Danfe Sa- crce des Egyptiens ,des Grecs , des Juifs & de TEglife Latine , il devoir bien donne r auffi 1'Hiftoire de la Danfe prophanc , de k Danfe Theatrale , des Feces Baladoires r legenferakmeae 4e tous ks ^lifFerciisarufe lies que Tes Pantomimes Icautres gens de ccttc profclTion ont invcntez pour avoir it Targcnt II tie !ui reftoit plus qu*a fairc J'e- loge de la piere & du 2clc des Cornmunau- tez EcclefiafVcjues Seculiercs & Regub'eres r qui ne fouffrem qu'avec peine Tancien u(a- ge de loner des halies & des places publiques a des troupes de Danfcurs de corde , Bala- dins % Sa-itiuba.nqi.ies , farceurs, & autres Bouffons cond^mncE par les Couciies , pax les Ordonnances de nos Rois , & par les Ar- rets des Cours > parce que le jMagiftrat plus humain , toujours attentat au bien pu- blic , les rcdere , feuiement ad duritiam cor<* dis , pour des railons de politique neceflai- ies au gouvernement M Bonnet r/en par le qu'en Hiftorien ; il n'entre point dans cette difcution , il la laiiTe aux Cafuiftes Etanr oblige de rendre mon jugement fur fon Li- vre , j'ai eu la rr-eme attention. Lc caractere que j'ai l'honneur de porter , xn'auroit empeebe de le faire, fi )2Lyds cm que lc temoignagc que je rends fur cet Ou- vragc, eut tir6 a confequence contrc la bien<* fiance & la circonfpedion que je ne dois jamais perdre de vuc L'Auteur a ajoutfc a f Hiftoire de la Danfe , un Paralele de la Peinture & de la Pocfie , avec un Supple- ment a l' Hiftoire de la Mufiquc , qu'il a donnce il y a quelques annces Ces agrea- bles productions de fon genie ont beaucoup de rapport avec la Danfe , & meritent d'e- tre imprimees dans le m£me volume > s'il plait a Monfcigncur le Garde de$Sceau& d'enaccorderle Privilege A Park le vingt* deux May 172 3. VAbbe Richard, Cenfeur Royal. , PRIVILEGE DV ROT. LOUIS par la grace de Dieu Roy da France & de Navarre j A 110s Ames & fcaux Confeillers les Gens tenansnos~Cours de Parlement , Maitres des Requetes ordi-* uaires de notre Hotel 3 Grand Confeil, Pre=* voft de Paris, Bailiifs , Senechaax » leurs lieutenans Civils , & autres- nos Jufticieri qu'il appartiendra , Saluc. Notre bien am© le fieur Jacques BcnneT Nous ayant fait rcmontrer qu'il fouhaiceroit faire imprimez & donner au Public un ouvrage de fa com- pofition qui a pour titre 1 Hifloire generah de la Danfe ydepuis (on origine jufq^apts'* fent , s'il Nous plaifoit lui accorder nos ILettresde Privilege fur ce neceflaires. A ess Causes, voulant favorablemeLt traiter ledit Sieur Expofant , Nous lui avons permis Be permettons par ces PreTentes de faire impri- mer ledit Ouvrage ci-deffus enonce en tels volumes s forme , marge , caracleres , con** jointement ou feparement, & autant de fois que bon lui fembiera ; & de le vendre,fairs vendre & debiter par tout ootre Royaume, pendant le terns dedix annees cbnfecutives^ a compter du jour de la darte defdites Pre- fentes. Faifons defenfes a toutes fortes de jefflfonnes , de quelque qualk6 & condition, KXXVlj ^u'elles foient , d'en introduce d'lmpreiTion 6crangeredans aucun lieude notre obeiffan- ce j com me auffi a tons Libraires , Impri- mcurs 8c autres , d'imprimer , faire impri- /; .mer , vendre , faire vendre , debiter ni con- trefaire ledit Ouvrag;e d-delTus fpecifie en tout men partie,nid'en faire aucunsextraits fous quelque pretexte que ce foit , d'aug- mentation , correction , changement de ti- tre , ou autrement , fans la permilTion ex- preffe & par ecrit dudit fleur Expofant , ou de ceux qui auront droit de lui , a peine. de confiscation des exemplairesxontrefaks 5 de : quinze cens livres d'amende contre chacun des contrevenans , dont un tiers a Nous , un tiers a l'H6tel- Dieu de Paris , l'autre tiers audit (leur Expofant,&de tous de pens,dom> mages ..& interests. A la charge que ces Pre- fentes fer.ont enregiftrees tout au long fur le Regiitre de la Communautc des Libiaires&: Imprimeurs de Paris , Qc ce dans trois mois de la datte d'icelles ; que rimpreiTion de ce Li.vre ferafaite dans notre Royaume,& non ailleurs, en bon papier & en beaux caracte- reSjConformement aux Reglemens de la Li- brairie 3 Et qu'avant que de Texpofer en vente , le Manufcrit ou Xmprime qui aura lervi de copie a rimpreiTion dudit Ouvra- fera remis , dans le meme etat 011 l'&ppro- bation y aura cte donr.ee, es mains de notre tres-cher & feal Chevalier-Garde des-Sceaux de France le iieur Fleuriau d'Armenon- ville , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliotheque pu- ■Jblicjue 3 un dans celle de notre C.V Louvre & un dans celle de notre ttes- chct ,§c feal Chevalier Garde des Sceaux de Fran« ce Je fieur Fleiriau d'Armenonville; le tout a peine de nullite des Prefentes Dm contenu defquelles vous mandons & enjoi- gnons de faire jouir Jed it fieur Expofant oia iesayanscaule , pleinement & \ aiiibiement, fans fouffrir qu'il iear foit fait aucun trou- ble ou empechernent. Voalonsque la copie defines Prefentes qui fera imprimee tout au long au commencement ou a la fin dud; Livre , foit tenue pour duemenr fignifiee , $c qu'aux copies collationnees par Tun de bos anies &feaux Confeiliers 6c Secretaires, fbi foit ajoutee commc a l'Onginal .: Com- jnandons au premier notre Huiilier ou Ser- pent defaire pour ['execution d'icelles tons A&es iecjuis & neceifaires , fans demander autre perm^dion 5 5c nonobftant elameur de Haro , Charre Normande, & Lettres a ce eoatraiies ; Car tci eft notre plaifir. Donne a Paris le quatt rieme jour du mois de Juia fan de grace 172.$ ; & de notreReene le 8 e . Far le Roy en £onConieil,S'^ > CARPO T, Regifire fur le Reviflre V, de la Commii- &aute de<> Lihraires& lmfri?nems de Paris, gage 2.74 , »°, jfo, co iformement aujs Reglttntns , $» notament a I* Arreft lu Con" fell du 1 $ Aouft 1703. 4 Paris le I £ Jtt'm 1 7 1 1 e BALLd RD > Syniic % ft AAWft &ft& MM TABLE PES CHAPI TRES, CHAPITRE T^ E U Danfeengt- PREMIER. X Jr neral , -fmvMt Common des Anaens , P a g e l CHAP. II. De la danfe Sacree des Hibreux , des Chretiens dans lapri~ mitive Egliji y & des Pay ens , de- pais fori orlgme j afqu 'a prefent y 3 % CHAP. III. Des mouvemens de la Danfe par rapport aux aWons ha- maines\ fuivant les precept es des Egypt' ens & des Greet, 5$ CHAP. IV. De la Danfe des Baiets des Anciens & des Alodernes , avec cjuelqucs descriptions des plus fin gu- Veres , & de Corigine de la danfc T heat rale , 70 Table des Baiets reprefentez, dans les Cours de /' Europe , depuis la reftatt- ration des fpeUacles environ I'att 1450 ,/ufijuen 17 %y til TABLE DES CHAP* CHAP. V. De I'ufage de U Danfc grave & feriettjc 3 convenable aux Bah de cenemanie , 1 1 z ®d$ de la Danfe 5 qui a remporte / le Roy ; 1 3 g CHAP. VI. De I'origine des Balsmaf- cjue^y 146 CHAP. VII. Des Spetlacks des Dan- feurs de corde ,' de V Art Gym- naftlque 3 & des fauts perilleux , 161 CHAP. VIII* De la Mujlque natu- relle attribute a Dieu comme I* A li- te ur de la Nature s i$z CHAP. IX. De la Mwfique Element taire attribute aux Efprits Aeriens xfr aux Oracles de V Antiquiti ,195 PAralele de la felnmre & de la, Poefie y x 1 3 HISTOIRB H ISTOIRE GEN ER. ALE D E LA D AN SE SACREE ET PROPHANE: SON origine, fes progres 5C fes revolutions. CHAPITRE PREMIER. De la Danfe en general , fuiv&nt I' opinion des Ancient. L n'y a point d'Hiftoire touchant les Sciences & les Arts , qui ne renfer- me quelques inftru&ions avantageufes pour la fociete civile. Ceft dans cet efprit que je trake de A % ' V HlSTOfRE GENERALS celle dc la Danfe , dont nous n'avons eu jufqu'a pre'fent qu'nne connoiffan- ce tres-confufe : ce qui fait qu'on ne la regarde plus aujourd'hui que com- me un art (implement utile au diver~ tiflfemeiit public e , 8c meme , fuivant .f opinion de PEglife ., commc un art contraire aux bonnes mceurs. Cepen- dant je yais faire voir qifelle doit foa origine a plufiexirs Divinitez & aux jplus grands hommes de. PAntiqnite \% plus recule'e * 5 les premiers Legiila- teurs s'eii font fervi pour la perfection des moeurs, les Sacrificateurs & le$ grands Pretres ont employe la Danfe facree aii cuke le plus coniiderable de la Religion-,- ' comme nous ie voyons encore aujourd'hui dans celles des Juifs & des Mahometans , & les plus grands He'ros de PAntiqiiite Pont re- gardee cpmme le premier element de Fart de la Guerre. Ce n'eft pas la faute des Inventeurs de Part de la Danfe , fi par fucceffion de terns fon ufage a etc corrompu par les attraits du luxe & par la corruption des mceurs -, ce qui fait que PEglife Pa regarde'e depuis comme un art plus di- ds i, a Danse; $ gne de lamolefle des femmes quedu courage des hommes. Neanmoins Homere , pour nous prouver combien les Dicux aimoient la Danfe , dit que Vulcain forgea des ^Automates , ou figures d'or , qui dan- foient toutes feules •, ce que Dedale imita depuis en bronze : on le croit auffi l'inventeur des Contre-danfes. La Danfe eft teilement unie a la Mufique, qtfon ne peut faire en ge- ireral un beau fpe&acle, fi elle n'eft de la partie. C 5 eft un art auquel les Grecs ont donne le nora de Chorogra- Jihic propre a exprimer les actions &C es paffions humaines , par des pas eompofez , par des fauts cadencez , &c par tous les mouveniens du corps , loutenus 4 e bonne grace , &c confor- me a la evidence <$.es inftrumens. C'eft auffi ut}£ des premieres inftrudtions que4*on donne a la jeunefle , pour for- mer le corps & reveiller 1'efprit ; elle pcut auili tenirfon rang parmi les pre- miers elemens de la vie civile : les An- ciens Pont meme reeardee dans fon origine , comme une eipece de mifte- fe & de ceremonie , puifque Luciexi Aij - 4 Kxsroisii -geneuale' affure que parmi les Egyptiens & Ie3 Grecs , il n'e'toitni fete nicere'monie complette ou la Danfe ne fat admife. Platon nousapprend menie , en tra- §ant Pide'e d'une Re'publique parfaite, qu'il faiipit qu'on cfonnat (es premiers foins a regler le corps , avant que de former Tefprit par Pe'tude des Scien- ces > qu'on apprit la Mufique pour re- gler la voix, & la Danfe pour donner a toutes fes anions un air noble , de> gage ,.& unegrace qu'on nepeut ac- querir fans cet exercke* Il ajoute que la jeuneffe e'tant ordi~ nairement emportee, parce qu'elle a le fang chaud & des efprits de feu , il eft bon de lui donner de Pinclination pour la Danfe , & de regler par la ju- fteife de Pharmonie lesiaillies qu'il fe- roit mal-aife' de retenir fans les pre- cedes de ccs deux arts. Ainfi Platon les confideroit comme un remede ou difcipline pour parvenir a la vertu , parce qu'il pretendoit qifils fervoient encore a moderer quatre paffions les plus dangereufes , fjavoir la joie , la colere, la crainte , &la melancolie-s les dreux premieres le temperent ex* DE LA DANSE. J £n adouciflfant leurs faillies par des mouveuiens compofez 5 fuivant les regies de Part i les deux autres paf- fions y en rendant le corps fouple 8c leger. Ainfi la Danfe prophane ri'a pas feulementpafle chez les Anciens pout un fimple divertiflement, mais audi pour une efpece d'emde & duplication ne'ceflaire , pour re'glcr tous nos mou- vemens &merne nospaffions les plus dominantes. Il ajoiite que les Le'giila- teurs introduifirent des fetes , des fe(- tins, des fpe&acles , des feuxde joie , (k desjeux innocens , pour augmen- ter les rejouiflfances publiques , entre- tenir les peuples dans la foumiflion , 3c delafler quclquefois Tefprit des Princes & des Magiftrats de leurs oc- cupations ferieufes. Il dit encore que c'eft pour cela que les Dieux memes inftituerent des jours de fetes , afin que les peuples puflent joindre des di- verriffemens honnetes au culte qu'ils leur rendoient 5 & qu'ils leur avoient envoye Apollon, Venus, Mercure, Ceres , Bacchus , & les Mufes 5 pour kur apprendre a danfer , furtout lies Panfes facrees. Cet exercice e'tok C% A iij 6 HlSTOIRE CEKERALB cftime chez les Anciens y qu'une per* fonne de Pun on de Pautre fexe qui ne fcavoit pas danfer , pafToit pour n'a- voir point eu d'education dans fa jeu- neffe : c'eft pourquoi les Legiflateurs He regarderenr point non plus la Danfe comme un fimple ainufement. Les Egyptiens qui paflfent pour Pint des plus anciens peuples du monde , 5c pour avoir eu les premiers la con- noiffance des Sciences & des Arts , fi- rent de leurs Danfes des liieroglifes cPa6tion 5 dont les caradleres femblent avoir ere irnitez dans le Traite de la Chorographie de Feuillet Maiftre de Danfe I imprime a Paris en 1 7 o o.. lis en avoient auffi de figurees 5 pour ex- primer leurs mifteres. Piaton qui fut leur difciple & leur admirateur 5 ne put affez louer le genie de celui qui le premier avoit mis en concert & en danfe Pharmonie de PUnivers & tons les mouvemcns des aftres 3 exprimez par la danfe aftronomique : il con- clut de-la qifil de voit etre un Dieu ou un homme divin . Les Interpretes de Sophocle., d'En- dpide &c d*Ariftophane , qui font k$ DE LA DanSEV J premiers Poetes * qui ont introduit chez les Grecs des choeurs de Mufi- que & des Entrees de Balet dans les Entra&es , nous ont decouvert les mifteres que Platon n'avoit pas expli- quez fur ce fujet s ils difent meme que les Egyptiens avoient des danfes qui repre'fentoient les mouvemens celef- tes & Pharmonie de PUnivers. C'eft aulli Popinion de Lucien fur Porigine de la danfe aftronomique : il ajoute que c'eft pour ceia qu'ils danfoient en rond autour des autels 3 parce que tous (es mouvemens font circulates •> 8c con/ide'rant Jes autels comme le Soleil place au milieu du ciel , ils toiirnoienc autour pour reprefenter le Zodiaque ou le cercle des Signes,, danslequel le Soleil fait fon cours journalier ils fauverent la vie a Jupiter $ parce que Saturne qui de'voroit fes enfans , n'entendit pas fes cris lors de fa naiffance. On attribue encore a Minverve ou Pallas l'invention d'une danfe appele'e Memphhlque, pour celebrer ladefaite des Titans : Athenee nous apprend cue c'etoit line danfe guerriere au fori des inftrumens militaires % elle fe fai- foit en frapant des e'pees&des jave- lots contre les boueliers. Pinclare die auffi qu'Apollcn fut nomine le San- teur par excellence » & oue Bubo, Cratine &:Callian ont auili parte dans PAntiquite pour de fameux Danfeurs &: Sauteurs. Par la fuite des terns les plus hon- netesgens cultiverent la fimple Danfe en Crete , convenable a la fociete .ci- vile : il fe forma des Maitres pour Pin- ftruefcion de cet Art 5 deforte que la Danfe devint le paffe-tems non feule- ment des perfonnes de condition, mais auffi dupeuple. L'on tientque ce fut une grande louange pour Merlon 4'avoir ete appele ban Danfcur par 12. HlSTOlRE GENERALE Homere, pour marquer ks gratids ex- ploits dans les combats ; car il y etoit ii f^avant , qu'il en etoir efti'me 5 non ieulement des Grecs , mais encore des Troyens fe$ ennemis* Pyrrhus -acquit encore beaucoup'de gloire par Pinvention de la danfe Pyr- rique , qui fe faifoit au fen des trom- pettes , des tambours y des cimbales , ou choc des boucliers & des jav-e- lots § elle fervit auffi d'inftrudtion aux jeunes guerriers pendant le iiege de t Troie. Les Lacedemoniens qui ont e'te les plus belliqueux de toute la Grece , apres avoir appris Part de la danfe mi- litaire de Caftor & Pollux , la culti- verent av-ec tant de foin , qu'ils n'al- loient plus a la guerre qu*en dan fan t au fon de la flute s* deforte que Pon peut dire qu'ils doivent line partie de leur gloire a la Danfe & a la Mufique : la JeunefTe ne s'y exercoit pas moins qu'aux armes s la Danfe finiflfoit tous les exercices : car alors un joueur de flute fe mettant au milieu cPeux, commen^oit le branle en jouant Sc danfants ils. le fuivoient en bel orclre fim xa Danse. fry avec centpoftures guerrieres & amou* jreufes > la chanfon memequ'ils chan- toient , empruntoit fon nomdeMars & de VetiiiSjCprnme s^ilseuiTente'tede la partie. 11 y avoit une autre danfeattribue'e a Venus , ou il paroit qifelle difoit, #4vancez„ le pied, rnes enfans y & trepi~ gneZ a qui mieux mieux \ comme (i Venus eut voulu donner a la jeuneffe des preceptes de ce bel Art. La meme chofe jfe pratiquoit a la danfe qu'on ^ppelle Hormus , qui e'toit un branle compofe de filles 8c de gar^ons , ou le gar^on menoit la danfe avec une con- tenance fiere v & les filles le fuivoienc avec des pas plus doux &: plus modef- tes , comme pour faire une harmonic de deux vertus, qui marquent la force & k temperance, lis avoient encore une autre danfe de filles qui fe faifoit nuds pieds , pour ne pas dire toutes nues y qui e'toit celle de l'innocence y Sc qui fut caufe du premier enleve- ment d'Helenc par Thefee Pan £ 8 5 4. du Monde , pour fatisfaire fon amour. Les Grecs avoient des ce tems-la Pufage des Contix-danfes,qu'Home^ 14 HxstoirE generals' re rapportedans le bouclierd'Achil- le : l'on y voir Dedale giii femble y •€xercer la belle Ariane , & deux Sau- teurs qui font a latete^qui fontdes fauts perilleux : line autre troupe de jeunes gens danfe encore an raeme endroit la danfe de I'hym^n , coming ctant a tine noce % deforte qifil femble Le Cordacs re'pond a nos Gaillar- des , Voltes , Paflepieds, &c Gavottes 5 le Cycmms repond a nos danfes cntre- melees degravite & de - gaiete, -comme la Bouree 5 la Ducheffe , & nos Bran- les ; &c YEmmelie repond a nos danfes graves & fe'rieufes , comme la Cou- rante , la Pavanne > la Sarabande , qui -expriment la noblefle de la Danfe. Strabon nous apprend auffi que dans Pile de Delos on ne faifoit point de facrifices fans y employer la Danfe Sc la Mufique j on y voyoit des chceurs de jeunes gallons , oii les principaux menoient la danfe au fon de la flute , •on de la lyre. Les Indiens qui adoroient le Soleil dans POrient, & dans line partie des Indes Qccidentales , n'avoient point d'autre cuke que la Danfe au chant des hymnes,pour marquer leurs ret pe£te DE LA DaNSE. 17 jpe&s a leur Divinite 5 au lever & au coucher du Soleil , comme s'ils vou- loient imiter pa^-la le branle de ce bel aftre : ces fortes de danfes e'toient ca- ra&e'rifees felon les principes de l'Af« tronomie* . Ce qui fe pratique encore aujour- d'hui dans quelqiies Ifles de la mer du Sud , 011 les infulaires adorent la Lu- ne , & changent leurs chants & leurs danfes en lamentations , quand ils la voient obfcurcie par les nuages , 8c flirtoutdans le terns dese'clipfes. Les Ethiopiens alloient an combat en danfant an fon des trompettes & des cimbales ; & avant de tirer leurs iie'ches , qui e'toient range es^utour de leurs tetes en forme de rayons, ils fail- toient & danfoient,comme pour eton- ner Pennemi. On croir que les Egyptiens en in- vcntant la fable de Prothe'e Roi,ou fa- meux Def in d'Egypte , ont voulu re- prefenter un excellent danfeur qui faifoit cent poftures differentes, &; dont le corps fouple & l'efprit inge- nieux fijavoit .tout contrefaire & tout imiter fi adroitement ., qu'ii fembloit 1$ HlSTOlRE GENERATE devenir ce qu'il imitoit. Les Egyptieng ont fait auffi confifter le veritable ca- radere cTun bon Pantomine ou d'urt parfait Danfeur, dans limitation de Pro thee : nous n'en trouvons point dans Phiftoire qui Payent furpaffe. Il y a auffi apparence qu'Empufe dont il eft parle dans Suidas & Anfto- phane , etoit une Danfeufe excellente^ & qui changeoit comme de figure par des attitudes & les mouveraens iurprenans de fadanfe : c r eftpourquoi Euftathius Pa fait paffer auffi pour une efpece de phantome. La fable de Priape nous apprend qu'il e'toit un Dieu belliqueux & fa- meux Danfeur, qui ay ant recu leDieu Mars des mains de Junon , etant fort jeune , mais ruftique , groffier , & tres. vigoureux , lui apprit Part de la Danfe avant Pexercice des armes , pour un prelude de la guerre 5 & qu'en re- compenfe on confacroit darts le tem- ple de Priape la dixme des de'pouilles vouees au Dieu Mars , apres le gain des batailles. D'ailleurs il femble,dit Lucien^que ksDieux ont vouludiftinguer routes DE LA DaNSE* I9 chofes en deux> en la paix & en la guerre , & faire de la Danfe 8c de la Mufique le /imbole de la paix. Socrate , le plus fage de fon terns, 1 au jugement des Dieux memes , n'a pas feulement loucla Danfe , comme line chofe qui fert beaucoup a donner la bonne grace , mais il voulut encore I'apprendre dans fa vieillefle , d'Af- pafie celebre Danfeufe & tres-verfe'e dans les fciences & tant il admiroit cet exercice 3 quoiqu'elle ne fut pas de fon terns dans la perfection oil elle eft parvenue apres : il fouhaittoit l'avoir appris des fon enfance j il enjoignoit aux peres de donner cetre inftru&ion a leurs enfans , comme un des pre- miers ele'niens de la vk civile. Ce n'eft pas qu'avant fon terns il n r y ait eu des Corograpbes & des Auteurs qui euf- fent ecrit fur ce fujet , & rapporte To- rigine de toutes fortes deDanfes , les noms des compositeurs , & ceux des Danfeurs,qui avoient excelle aux fpe- clacles 5 dans la pratique de cet Art ° % mais qui ne font point venus jufqu'a nous , conime bien d'autres fur les Sciences- & les Arts a qui ont ete per* Bij. ZO HlSTOlRE GENERALE dus par le malheur des terns & par Pin- vafion des Barbaras : ce qui fe confir- me par le Di&ionnaire hiftorique de Mi de Furetiere , a la lettre ore. Il y a , dit~il,un Traite curieux fait par Thoi- net Arbeau, imprime a Langres en 1 5 88 , intitule Orchefographie : e'eft le premier on peut-etre le feul qui a note & figure les pas de la Danfe de fon -terns par des cara&eres, de la meme maniere qu'un Muficien note le chant & les airs ; on rie le trouve plus , ou du moins il eft devenu fort rare ; a plus forte raifon ceux qui ont ete fairs far cette matiere depuis trois on quatre mille ans par les Egyptians, hs Grecs & les Latins : mais j'ofe dire qu'il eft furprenant que M. de fure- tiere qui a lu les oeuvres de Platon , n ? ait pas fait mention de ce qii'il rap- porte au fujet des cava&eres hierogli- fifties fiiventez par les Egyptiens pour la description de la Danfe, comme on les trouve dans la C orographic de Feuillet , dont ;e parlerai plus araple- nienfi II eft bon de fjavoir que Thoi- nkt Arbeau etoit Chanoine a Langres, a' ce que m'a dit M. de la Monnoye, DE LA DaNSF. Xt Be PAcade'mie , qui a eu ce Livre en fa Bibliothe'que affez long-tems ; il croit qu'il a paflfe dans la Bibliotheque dn Roi. On trouve encore quelques An- teurs qui parlent de la Danfe de la Grue , invente'e par The'fe'e , apres avoir tue le Minotaure qui gardoit 1'entree du labyrinthe du Roi Minos : on la nomina ainfi, parce que les dari- feurs fe fuivoient file a file en faifant des e'volutions , comme font les grues quand elles volent par bandes. On croit auffi que la danfe des La- pithes ou Phrigiens,qui fe faifoit dans la debauche an fon de la flute , pour celebrer quelque vi&oire, fut inven- tee par Pirithoiis ; comme elle e'toit trop pe'nible, elle ne fe pratiquoit plus que par les Payfansdes le terns de Lucien. La danfe des Mataffins ou des Boil- fons eft encore des plus anciennes 5 les danfeurs etoient vetus avec des corcelets 5 des ir> oirons dorez, des fon- nettes aux jambes , avec Pe'pe'e & le bouclier a la main : ils danfoient avec des contortions belliqueufes : on %Z HXSTOIRE GENERALE nous en a donne quelques reprefenta* tions dans des Entrees a l'Opera. Platon y dans te$ loix y en parlant des Danfes r approuve les unes 8c con- damne les autres i il les divife en uti- les &c agreables ; il en bannit les def- honnetes ,, comme celle des Tofcans^ compofees de poftures lafcives Sc in- decentes 3 que Ton danfoit aux fetes Saturnales & Baccanales ? & telles que les danfes Nuptiales chez les Remains du terns de Tibere. Il dit encore qu'il y a trois parties dpminantes dans Phomme •, Pirafci- ble y le concupif dble y & le raifonna- ble : que le Pantomine les reprefente routes trois % Pirafcible > quand il con- trefait le Ririeux ; le concupifcible , quand il fait Pamant paffionne j & le raifonnable , quand il exprime une pailion moderee. dCes Romains ? a Pexempk des An- ciens , avoient coutume cPaller fou- haiter la bonne annee aux grans Sei- gneurs j avec des accompagnemens de mufique 3 des danfeurs & des danfeu- ies •> il y avoir une danfe particuliere pour ce jour-la,, au dire de Virgile :. DE tA DaNSE» 2$ cliaque fete avoit la fienne. Elks etoient accompagnees de feftins &c d'illuminations publiques , avec tou- te forte d'inftrumens > elles e'toient fuivis de grandes libertez nocturnes , qui tenoient des Saturnales 3 des Or- gies , & des Baccanales* Celle du premier jour de Mai fut enfuite celebre'e par toute Pltalie : la jeuneflfe de l'un & de l'autre fexe for- toit des villes en danfantau fon des inftrumens , pour aller chercher des rameaux verds * ils les pofoient de- vant les portes de leurs parens & de leurs amis x qui les attendoient avec des tables garnies danstoutes les rues, quie'toient illuminees le foir 3 ou Pon danfoit des danfes publiques s deforte que ce jour-la il n'etoit pas permis 5 fur peine d'amende , aux gens de quel- que age &c de quelque qualite' qu'ils fuflent , de pareitre fans avoir quel- que fleur ou quelque branche de ver- dure fur foi. Mais comme ces fortes de fetes cauferent quelque defordre dans Rome , clles furent aholies fous le regne de Tibere i ce que l'Eglife a reearde auffi dks ee tems-la comme tine y '&" %4 HlSTOIRB GENEfcALE partie de Pongine des danfes baia~ doires. La danfe facre'e des Saliens ou des Pretres de Mars 5 ne laiffa pas de fub- ififter encore long-tenis dans le temple de Mars ; j'en parlerai plus au long dans fon lieu. Tibere fit encore chaffer tous les Maitres de Danfes par un Arret du Se~ nat 5 a caufe des danfes lafcives & Keen- tieufes qui corroinpoient les moeurs de ce tems-la ; furtout la danfe Nuptiale, qui exprimoit toutes les libertez de 1'amour conjugal. Domitien chafla meme du Senat quelques Senateurs 5 pour avoir publi- quement danfe de ces fortes de danfes ; par rapport au refpedt que les Ro- mains avoient encore pour la danfe Sacree j &c les danfes graves & fe- rieufes. Ciceron reprocha a Gabinius horn- me Confulaire , d'avoir danfe en pu- blic : ce qui fait voir que des ce tcms, la Danfe avoit deja perdu fa reputa- tion originelle dans Rome, autant par la prophanation des danfes Sacrees, que par la corruption des danfes pu- bliques j BE LA DaNSE«\ f"j bliques ; &c Pon vit chez les Remains routes les Danfes vitieufes trioinpher de la purete dc de Pinnocence des premieres Danfes des Juifs 5 des Egyp* tiens &c des Grecs. Ce n'e'toit pas feulement a bien danferque lesAnciens faifoient con- fifter Part de la Danfe , mais en ce que l'Oracle de la Pythie avoit prononce, qu'il falloit qu'un bon Danfeur ou qu'un bon Pantomime fe fit entendre aux fpe&ateufs par fes mouvemens , de meme que fi le Gomedien parloit : ce qui fut prouve devant Demetrius Philofophe Cynique , qui difoit que cc n'e'toit qu'une fuite de la Mufique , a laquelle on avoit ajoute' des geftes & des poftures , pour faire entendre ce qu'elle jouoit > maisqu'elles e'toient le plus fouvent vaines 8c ridicules , dc qu'on fe laiflbit tromper a la mine & a Phabit ., aide des geftes & de Phar- monie. Alors un fameux Pantomime du terns de Neron , qui avoit le corps ibuple& les geftes excellens,pria Z)c- metrius de ne le point condamner fans Pavoir vu jouer fon perfonnage ; de- forte qu'ayant fait ceffer les voix & C %6 HlSTOXRE GENERALE les inftrumens dans le fpe&acle , il reprefenta devant lui 1'adultere de Venus & de Mars , ou e'toit exprime le Soleil qui les de'couvroit , Vuicain qui leur dreffoit des embuches, les Dieux qui accouroient au fpe&acle , Venus toute confufe 3 Mars etonne & fuppliant 9 &c le refte de la fable repre- fente avec tant d'art & d'expreffion , que le Philofophe s'ecria qifil croyoit voir la chofe meme, & non pas fa re- prefentation , & que ce Pantomime avoit le corps & les mains parlantcs , comme un Comedien qui s'exprime par la voix. Lucien rapporte qu'un Prince de Pont etant venu a la Cour de'Neron, & s'etant trouve a un fpectacle ou ce fameux Danfeur reprefentoit lesTra- vaux d^Hercule > encore qu'il n'en- tendit rien de ce qu'on cliantoit , il ne laifla pas de comprendre toutlere'pit par I'a&ion &c par les geftes du Panto- mime : ii pria mcmc 1'Empereur 9 en prenant fon conge , de lui en faire prefenn & comme Ne'ron s'etonnoit de cette demande , c'eft , dit-il , que j^ai pour voifins des Barbares dont per- 3DB LA DANSE. I7 fcnne n'entend la Langue , & votre Pantomime me fervira de truche- ment pour leur fake entendre par gef- tes mes intentions. Il eft a croire que ce fameux Pantomime etoit Sicilien , cette nation ayant excelle pour les geftes , comme on le verra ci-apres* Ainfi la perfection de cet art eft de contrefaire fi i>ien ce que l'on joue , qu'on ne fafle ni geftes nipoftures qui n*ayent du rapport a lachofe qu'on repre'fente , & furtout qti'on garde le cara&ere de la perfonne , foit d'un Prince,ou de quelqu'autre que ce foit > ce qui fit dire encore a un etranger de confideration qui n'avoit jamais ^flifte a ces fortes de fpe£tacles , ne^ voyant qu'un feul Danfeur avec des mafques & des habits differens pour reprefenter un Ballet , qu'il falloit que dans un feul corps il y eut plufieurs ames. J'ai vu dans un fpe&acle a la Foire S. Germain , un Pantomime Tofcan qui changea fon vifage dans cinq ou fix Entrees , conforme aux caradteres de ks danfes > & plus nam- rellement que s'il avoir eu des mak ques (aits expreSo Cii 2.8 HlSTOlRE £ENERALE En un mot cet art , dans PAntiqujV te , confiftoit a exprimer les moeurs &C routes les paffions humaines , & a contrefaire le joyeux ? le trifle ? lepa- cifique , Pemporte , & les deux con- traires , dans la representation d'une Piece tragique ou comique fur le Theatre ; car le Pantomime eft tout feul plufieurs chofes > & fe change comme un Prothee. Eunapius Hiftorien a cru, aufll- bien que quelques autres , que Hie- ton Roi de Siracufe &c de Sicile ? dan? la LXXV. Olympiade, donna occa- fion aux danfes figurees 3c aux geftes de Pantomimes dans I'ltalic jparceque <:e Prince foupgonneux ayant defendii aux Sicilicns de fe parler , de peur qu'ils ne confpirafTent centre lui , il les accoutuma infenfiblement a faire entendre par Acs geftes , des mouve- mens , & des figures ? ce qui ne leur etoit pas permis de fe dire les unsaux iiutres : du-moins voyons-nous enco- re aujourd'hui que les Siciliens paf- fent pour les meilleurs Pantomimes de toute 1'Italie. IAifage de fe faire entendre par fignes eft deve#u fort 6 E X A D A N ~S*« *£ foflfliet A la Cour du Grand-Sfcigneur £c i celle d'Eipagne , ou i] ft fait fou- ve::: des dialogues tore nuclligibles par tcs doigts feutetn^nt* Lc meme Etmapius a die agrcuble- medtque I'amc danioit dans lesyeux, paiCC qtfil eft peu tk paffions qui ne s'exprimen: par leurs cnbuvemens 6c qui dc deviepnent fenfiblbsXes Grccs appetoieni les babiles Danfeurs/rjyi- • r;.;' • CT .:. /*a main, parcequ'its exprimoient p.irlcurs geftcs les mifte- res dc la AatUie. Athcnec , Livre 14 , capMttc que les fl qui out pane pom des , avoient cotj d'exettet b. feitfieflci a la&anfc 'age dc trentc ans. Dfcs fenfknee . ih (aifbicnt a c La Muff- que & !c> exercices , A chantei les k dc fetes Dibux &lcs Uatan- farmcr cfc bonne Keurc a z8c ila vectu : ccs hymnes & ces chanfims on teui ap u sioit A danfei fur les modes dc r ?•: dc pr: : 'oxr:c ; X tons lesans, am Orgies, lis danfoientfur des Theatres publics des Baler? au ion Ciij |0 HlSTOlRE GENERALE des flutes , pour faire voir qu'ils pro* fitoient en ces exercices. Les Entre'es de ces Balets etoientproportionne'es a 1'age &aux forces de chacun ; deforte qu'il n'eft pas fnrprenant que cette nation ait pafle pour produire les ineilleurs Danfeurs de la Grece. Quant aux perfections du corps pour bien exprimer la danfe,les An- - ciens vouloient que le Danfeur ou le Pantomime he fut ni trop gras ni trop maigre , qu'il eut le corps ferine & fouple tout enfemble , pour fe pou- voir arreter tout court ou tourner en un inftanc, & qu'il eut beaucoup de pr^fence d'efprit pour Pexecution da fujet qu'il reprefqnte > tel que nous Savons vu de nos jours dans unnom- me Dolivet 3 qui danfok dans les pre- miers Balets du terns de Louis XIV. Mais pour celui qui compofe les Balets 5 il faut , diknt les Anciens , qu'il foit d'une profonde imagina- tion y verfe' dans THiftoire comme dans 'la fable , & grand Naturalifte ou bon Phyficien , pour cara&e'rifer les paffions , comme il eft rapporte plus au long dans Lucien , au chapi- DE LA DaNSE. ?t tre de l*i Danfe 3 ou les curieux peu- vent le voir. lis trouveront v au dire de cet Auteur 3 qu'il faut etre univer- fel pour exceller dans la composition dcs Balets. La fnite nousfera voir que les Auteurs qui ont parle de Partde la Danfe , n'ont point porte leur imagi- nation au-dela de Petendue de fon excellence ,. a la coniiderer dans toil- tcs fes parties 3 ce qui paroitra fort oppof e a Popinion du vulgaire* Murfius rapporte dans ion Traite cPOrchefographie , qu'il y avoit deux cens fortes de danfes en ufage chez les Grecs. Voila a pen presceque I'Hiftoire nous a conferve fur Porigine de la Danfe des Anciens , & ce qui m'a fci> vi de canevas pour en compofer PHi- ftoire ge'ne'rale , que j'ai tache de met- tre en ordre par Chapitres , pour la rendre adlS complette qtPintelligible : j'ai crii faire plaifir au Le6leur , en lui donnant d'abord tine ide'e generate d^s danfes de PAntiquite ; fans quoi j'aurois commence' le premier Chapi- tre par la danfe Sacree , comme la plus refpedable , furtout par rapport Ciiij 52 HlSTOIRE GENERALE a celle des Juif s , qu'ils ont regardee comme un don de Dieu pour l'em- ;>loyer a fon culte y &c ce qui a meme ?afle , au fentiment des Anciens, pour .'ormnz de toutes les Danfes rant fa* o crees que prophanes y qui ont etc in- vente'es depuis la creation du Monde ? comme jevais lefaire voiiv CHAPITRE XL De la Danfe Sacree des Hebreux , del Chretiens dans la primitive Eglife 9 & des Pay ens , depuis fon origin^ jufquaprefent* 3'Ofe avancer ici , apres Pitagore 8c Lucien , que la danfe Sacree a ete jnventee autant pour reprefenter en quelque maniere le mouvement des Aftres , que pour le culte de la Reli* gion 3 d'un terns imme'morial. Les Sa-' crificateurs ou Grands-Pretres des Juifs, des Egiptiens , des Caldeens &C des GrecSjfurentles premiers qui com- poferent des danfes cara&e'rife'es , pour les employer au culte de la Reli- gion x fuivant leg attribute des Divi- DE LA DanSE. 5| nirez qu'ils adoroient : alors les grands Sacriiicateurs a la tefe da Sacerdoce^ danfoient une danfe car after ife'e aa chant d*un hymne qui exprimoit les voeux dupeuple. L'Hiftoire fainte nous fait voir eombien la danfe Sacree etoit en ve- neration chez les Juifs ou les He- breux , pour la celebration de leurs fetes , fuivant la loi qu'ils en avoient re$ue de Dieurelle confiftoit parmi eux a danfer des danfes cara&e'rifees aux chants des Cantiques , des Hym- nes &c des Pfeaumes a la louange de Dieu , compofez par le Sacerdoce* C'eft cequiafairdireaS. Gre'goirede Nazianfe, en parlant de la danfe de David quand on porta l'Arche d'Al- liance , qu'elle e'toit un miftere qui nous exprimoit la joie &Pagilite avec laquelle nous devons aller , quand il s'agit de la gloire de Dieu. Le premier a&e de Religion oil les Hebreux employerent la danfe Sa~ cre'e , fut apres le paflage de la met Rouge, Pan 2545 du Monde. Moi'fe & fa foeur Marie formerent deux grands choeurs de Mufiqne , Pim 4'homraes &; i'autre de femsnes , &c 54 HlSTOlRE GENERALS des troupes de Danfeurs & de Dan- feufes , pour danfer line maniere de Balet ou d'a<5iion de grace > fur Pair d'uii Cantique contenu au 1 5 chapi- tre de PExode , pour remercier Dieu d'avoir delivre fon peuple de la per- fecution des Egyptiens^ik: de la deTaite de Parmee de Pharaon au pafiage de la mer rouge •> ce ne fur pas le premier mi* rack que Dieu eut fait en ieur faveur. Depuis ce terns-la ils inftituerent quantite de fetes pieufes ou ladanfe e'toit admife, entre autres celle des Tabernacles qui fe celebroit tons les ans , feus des fenille'es dreffecs dans la campagne : cette £ite etoit en grande veneration parmi eux 5 comme ii pa- roit au chapitre- 1 1 de PExode : ils la celcbrent encore a pre'fent % chacun drefle fa tente dans fon jardin , s'il en a , faute devoir un temple aujour- d 9 hui dans nul endroit du monde. Il n'y a point de danfe qui ait fait plus de bruit dans Punivers par rap- port au culte de la Religion , que celle que firent les Ifraelites dans 1c de'fert , pour Iionorer le Veau d'or, ou Pidole qu'ils avoient faite des joyaux d y or du peuple 5 a Pexemple des Egyptiens qui r>E la Danse. 55 adoroient Hdole ou le bceuf Apis> qui paffoit chez ces peuples pour uneDi- vinite: c'eft ce qui a fait dire a S. Gre- goire que plus la danfe faite pour l'a- doration du Veau d'or, a eteconfide- rable parmi les Israelites , plus elle a paffe pour etre criminelie devant Dieu , parce qu'elle etoit faite a limi- tation de celle desidolatres.L'on fcait auffi avec quelle rigueur Moifepunit les auteurs de cette profanation. Ontrouvedans le fecoiul Livre des Rois, chap. 6 , que David (e fit ua honneur d'accompagner PArched'al- liance , en danfant avec la troupe des Levites depuis la maifond'Obcdedom oul'Arche etoit en depot , jufqira je-* rufalem \ cette marche fe fit avec fept corps de Danfeurs au fon des harpes .& de tous les inftrumens de Mufique eiimemoiic de xa Danse; 37 *de la fortie d'Egypte & du paflage de la mer Rouge ; c'eft pourquoi on la celebroit a la campagne fous des feuil^ lees 3 comme je 1'ai deja die Apres leur captiyite , ils inftitue«- rent ceile de Lancenie 9 c'eft-a-dire de dedjcace ou reftauration 5 qui e'toit une fete cele'bre chez les Juifs > elle fut in- ftituee par Judas Machabe'e Pan 3889 dii Monde 5 en 1'honneur du re'tablif- fement du Temple de Je'rufalem ., fui- vant Jofeph , Liv. 1 1 , qui dit que cette fete fut celebre'e pendant huit jours comme une rejouiflance publi- que , qui confiftoit en danfes aux chants des Cantiques & des Hymnes a la louange de Dieu , avcc des feftins publics, & autres plaifirs honnetes, pour Paccompliflement d'une fete fi folemnelje, Les Juifs Pont ce'lebre'e tons lesans le % 5 Novembre , jufqu'a la deftru&ion du Temple de Jerufa- lem par Tite 5 Pan 1 7 % de Jefus-Chrifh Cela fait voir cue la danfe Sacree e'toit en grande veneration parmi les Juifs &£ les He'breux. II eft fait mention dans les defcrip^ tion des Temples des Juifs 3 dont on 3 |8 HlSTOlRE GENERALS vu jufqu'a trois , celui de Jerufalem , ■celui de Garifim on de Samarie , &c ce- lui qui fut bati a Alexandrie par le Grand-Pretre Onias ; qu'il y avoir une efpece de Theatre /ju'ils, ^ppe- loient Choenr, & qui etoit deftine pour les Muficiens & les Danfeurs dans l*e- xercice de la Religion. Le nom de Chceur eft demeure a cette partie des Eglifes Romaines ou les Pretres chantent 8c font leurs ce- remonies i & ou Pon danfoit audi quelquefois il n'y a pas fort long- terns, aux chants des Cantiques & des Hymnes de rejouiffance : cet ufage avoit commence des la primitive Egli- £e. Le Pere Menetrier rapporte meme avoir vu. dans quelqucs Cathedrales les Chanoines danfer en rond avec les les enfans de Chceur , furtout le jour de Paques. Scaliger nous apprend en- core que e'eft par rapport a la danfe Sacre'e que les premiers Prelats fu- rent nommez en Langue Latine Pra- fkles a frtfilizndQ , parce qu'ils corn- men^oient la danle dans le choeur de leurs Eglifes , oomme faifoienr dans les Jenx publics chez les Grecs 5 ceux DE LA DaNSE. 39 qui menoient le branlede la danfe aux feres de ceremonies. L'Hiftoire des Ordres Monaftiques du Pere Heliot nous donne encore ,une comrade de 1'origine de laffanfe facre'e dans la primitive Eglife > il dit qu'il s'etablit pluiieurs Congregations d'hommes & de femmes au commen- cement de la Religion Chre'tienne* qui fe retiroient dans les deferts , a l'e- xemple des Therapeutes > pour eViter la perfe'cution des Empereurs Ro- mains •, & que les premiers Chretiens s'aflfembloient dans les hameaux les Dimanchcs & les Fetes , pour danfer en rond en chantant des Pfeaumes , des Hymnes & des Cantiques a la louange de Dieu ; ce qui fe confirme auffi par 1'apologie que Tertulien fit en faveur des premiers Chretiens 3 aa fujet de ces Danfes Sacrees. Nous voyons encore que S. Gre- goire de Nazianze ne reprochoit a Ju- lien l'Apoftat que le mauvais ufage .qu'il faifoit de l'exercice de ladanfe Sacree avant fon apoftafie , lui difant au contraire : S'il faut que tu d^nks aux rejouifTances publiques , danfe r 40 HlSTOIRE GENERALE tant que tu voudras , mais danfe com- me David pour honorer Dieu > & ne danfe pas des danfes diffolues , com- me celle d'Herodias & des Paiens. Le^gjanfes contre lefquelles S* Chri- foftome & quelques autres Pe'fes de PEglife ont declame avec tant de cha* Jeur , etoient ou des danfes payennes inftituecs pour le cuke des faufles Di~ vinitcz j ou les Chretiens ne fe pou- voient trouver fans facrilege •> ou des danfes fcandaleufes qui infpiroient le vice 6c la debauche : ce font celles que nous connoiflbns aujourd'hui fous le jaom de danfes BaUdotres , & contra lefquelles les Payens memes ont de- clame ouvertement s ce qui eft bien different des danfes graves & ferieufes qui impriment le refpedl: dans Tame des fpe£tateurs. Cell pourqnoi j'ofe dke apres un Auteur celebre, qirtl faut itre bien de mauvaife humeur pour e'crire , comme ont fait quelques Auteurs , que c'eft un crime a un Chre'tien que de danfcr, mcrae des danfes modeftes , puifque 1'Ecriture- Sainte n'en condamne que Pabus. Les danfes graves & innocentes ont tou- jours de i a Dans?. 41 jours etc admifes aux rejouinances pub(iques & aux fpe&acles,& elles out p.uu nicnic trcs-uu!cs DOUC lYdu- cation de la jcuneflc chez toutcs lc^ Nations , poui pcrfedionner la vie ci- vile. La flJte des Agapes 011 fed ins dc chaj -ire , fur encore lnilituce chins la primitive Egiife, en ttUtnoitc de la Cene de Jcxus-Cbrift avec fes Apo~ trcs, avant fa more, & pour cimencer ['alliance des Chruiens converris dii Judajfinc 5 avcc CCUX qui venoient du Paganiffne % les fairc manger enfem- ble , & diminuer infeniil-lement par- la I'averfion qu'ih avoient eue les uns pour les amies : lis riches en faifoient l.i (kpenfe % 8c y convioicnt les pau- vjres j quelques faints Do&eurs les ont rcg ardecs commc les noces de l'E- glife* II eft vrai qu'il s'y etoit gliujj des alms des Ie terns memc de S.Paul, COmmc il paroit //. Chor. chap. 1 , oil )\m voit qu'il travailla a les fuppri- mcr: mais les abus ayant recommen- ce, cetteccremonic fut abolie prelcjuc partout It Sacerdoce , Tan 310 , par lc Concilc dc Gangref , on dumoina D 4-2 HlSTOIRE GENE RALE refornaee jufqu'au Pontificat de Gre- goire le Grand, qui les fupprima en- tierement au Concile de Carthage , au grand regret des pauvres Chretiens qui regardoient cette fete commeune confolation dans leurs miferes : l'on ne laiffa pas de la faire encore a (Sue- ret le Jeudi-faint , mais fansaucun des abus que S. Paul a condauinez. Apres la conftru&ion des premie* res Eglifes Chre'tiennes , les Chre'tiens les plus zelez avoient coutume de s'affemblei la nuit , la veille des gran- des fetes , au-devant des Eglifes, pour danfer en rond au chant des Hymnes & des Cantiques du Saint dont 1'on folemnifoit la fete , & particuliere- ment aux quatre fetes folemnelles de 1'anne'e: mais dans la fuite des terns les Chefs de PEglife s'apper^urent des defordres 8c du fcandale que les aflfem- blees nodturnes caufoient a la Reli- gion y de meme que les danfes qui fe faifoient dans les Cimmetieres fur la foffe des morts , outre les danfes bala- doires employe'es pour les premiers jours de Pan, & du mois de Mai, dont j 5 ai parle dans le chapitre precedent. BE tA DANSEr 4J, qui tendoient a ia corruption des moeurs , &c caufoient beaucoup de de- fordre parmi la populace. Le Pape Za- charie Pan 744 fit le De'cret que je rapporte icipourles abolir dans toute Pe'tendue de l'Eglife Romaine , 8c toutes les danfes qui fe faifoient foul les apparences de la danfe Sacree. Decret dn Pape contre les danfes Ba~ Udoires* j> Quiconque les premiers jours de » Janvier & de Mai , fuivant la cou- » tume & fuperftition des Gentils , » feftoyera les calendes dudit mois de " Janvier , a caufe du nouvel an , ou » la fete du premier Mai a caufe du )5 renouvellement du Printems , ou 55 dreifera la table dans fa maifon , 33 avec force viandes & lampes, ou 33 cierges allumez ,011 quiconque ofe- 33 ra loner des Chancres ou Joueurs 33 d'iiiitrumens , &c former des danfes 33 par les rues & les places publiques , 33 qu'il foit excommunie' & regarde « comme un impie. Neanmoins par fucceffion de terns ces fortes de danfes & les danfes Sa~ Pij 44 HlSTOlRE GENERAtE crees ne laifferent pas de reprendre racine en France : Pabus s'en trouva fi confide'rable, que les Eveques firent des conftitutions Sinodales dans le douzie'me ilecle , pour les abolir au- tant qu'il fut poffible v comme nous le voyons par la conftitution de Gdon Eveque de Paris , qui fit un comman- dement expres aux Curez & aux Pre- tres de fbn Diocefe , d'abolir Pufage des danfes nodhirnes , & d'en empe- cher la pratique dans les Eglifes , dans les Cimmetiere.s &c aux Proceilions publiques^ Ces conftitutions ont ere' plufieurs fois appuyees par des Edits de nos Rois , Sc pour la defenfe des danfes Baladoires qui fe faifoient par les peu~ pies les Fetes & Dimanches dans les places publiques , aufli-bien que la danfe des Brandons qui fe faifoit au« tour des feux le premier Dimanche de Careme , dont Porigine vient dti Pa- ganifme. Neajimoins malgre les foins de PEglife pom* detruire ces abus, Pon voyoit encore vers le milieu du fiecle precedent a Limoges, a la fetedeS. Martial Apoore du Limouiin^ lepeu- DE I A D'ANS-Er 4 f pledanfer en rond dans le chaurde TEgiiie de ce Saint, & qu'a la finde chaque Pieaume ; au lieu de charter Gloria Pdtri , ils chantoient le langa- ge du pays , S*i*i Marcean prtgas -per nous % & nous tplngaren per ve-us y c'eft-a-dire , S. Martial s priez pour nous, cc nous danferons pour vans: cette coucume s'eft depuis abolie. Limoges n?eft pas le ieul lieu en Prance ou Pulage de la danie Sacre'e fubiiiie encore , furtout en Provence , aux Proceilicns iblemnelles \ quoi- rai'il femble que Dieu memc ait vou- lu reformer cet abus par one punirion divine , (bus le regne de Charles V , Pan 15-75 , au rapport de Mezeray, qui dit ciren Fiance lepeuple tut ar- tacue d'une paiiion maniaque ou nhrenefie inconnue a tous les fieeles precedens : eeux qui en etoient at- taints ie depouiiloient tout nuds , le mettoient une couronne de flews iur la tete , & le tenant les mains par ban- des , alloient daniant dans les rues & dans les Egiifes , chantant 6c tour- novant avec tant de roideur, qifils en tomboient parterre hors d'halei- 46 HlSTOIRE GENERAtE ne •, ils s'enfioient fi fort par certe agitation , qu'ils euffent creve fur la place , fi on n*eut pris le foin de leur ferrer le ventre avec de bonnes ban- des. Ce qui eft encore furprenant , c'eft que ceux qui les regardoient avec attention , etoient bien fouvent epris de la meme phrenefie 3 que le vulgai- re , dit Mezeray , nomma la danfe de S. Jean, On crut auffi qu'il y avoit de Poperation du diable , parce que les exorcifmes les foulageoient : la plu- part de ces gens-la n'etoient nean- moins que de la lie du peuple , de Pun & de l'autre fexe > le mal fut plus grand en Flandres qu'ailleurs. Cette punition a bien aneanti en France les danfes qui fe faifoient les Dimanches & les Fetes devant les Eglifes 5 joint a PArreft de la Cour du Parlement du 3 Septembre 1667, qiieje rapporte ici pour faire voir Pattention de nos Rois pour la fuppreilion des fetes &C des danfes Baladoires en France* BE LA DANSE. 47 jiRRE ST dela Cour de Parlement* portant que conformement aux Or- donnances , & a t "Arrefi donne en la Cour dts grands jours le i+De- cembre 1665, Us d*nfes publiques appellees fetes baladoires , & autre •s JemblableSydemeurerontfiipprimees: avec defenfes a tons Seigneurs hauls Jttfiiciers , tant Ecclefiaftiques que Seculiers , & a leurs Officiers y de Us permettre , nifouffrir que Us F ai- res & Marchez. foient temts es Fe- tes foUmnelles. A Farts I' an 1 6 6 7 * Extiaic des Rcgiftrcs de Parlemcnt. % r* Ur ce qui a ete remontre a !a m i3 Cour par le Procureur General Eft du Roy , que fuivant & conform^- m ment aux Ordonnances , par Arreft o> donne en la Cour des grands jours m le 14 De'cembre 166 $ ^les danfes ft publiques & fetes appeiees baladoi- p res introduites par quelques Sei- L gneurs hauts Jufticiers pour avoir 5> pretexte d'en tirer un tribut hon- »3 teux de leurs Jufticiables pour la m permiilion d'kelles > auroient ete 43 HlSTOlRE GENERAil w entierement fupprimees pour les: » de'fordres qui s*y commettoient or- al dinairement y dc defenfes faites de » tenir Foires & Marchez dans I'ei ** tendue du reffort defdits grands » Jours es jours du Dimanche , Fetes « du Patron , & autres Fetes annuel « les & folemnelles : & comme la *> qualite des jours defdites Fetes an- 3> nuelles 3c folemnelles tfaui'oif etl 3> regie par ledit Arrreft , les Com- *? miflaires departis es Provinces def- *» dits grands Jours pour ^execution 33 des Arrefts qui y avoient ete don- 33 nez , auroient trouve que fous-pre— » texte de ce 1'on continuoit en quel- *> ques endroits defdites Foires 8c » Marchez es memes jours qu'aupa*- 33 ravant \ requerant y etre par la »> Cour pourvu , & que ce qui avoit *> ete regie par ledit A rreft pour le ref- » fort de la Cour des grands Jours , d 5 fut execute' dans tout le reiiort de » la Cour- Veu ledit Arr eft du iJ 33 Decembre i la *» matiere mife en deliberation. L A *> COUR aordonne & ordonne que » ledit Arreft du 1 4 De'cembre 1 6 65 » fera exe'cute' dans tout le reflbrt d'i- »> celle > ce faifant 5 conforme'ment aux a> OrHonnances , feront & demeure- » ront les danfes publiques appelees *> Fetes Baladoires 8c autres iembla- *> bles , fupprimees : Fait de'fenfes a » toutes perfonnes d'en faire aucunes, >j & a tous Seigneurs hauts-Jufticiers, *> tant Eccle'fiaftiques que Se'culiers , » & a leurs Officiers de les permettre, 35 ni de fouffrir que les Foires 8c Mar- w chez foient tenus es Fetes Solem- w nelles de Paques , Pentecote , de » tons les Saints, Noel, S. Sacre- *> ment , de la Vierge,de 1'Afcen/ion, »> Circoncifion , Epiphanie , Diman- » ches , & Fete du Patron , a peine de d) cent livres d'amende , tant contre 53 chacun des contrevenans , que les a> Seigneurs qui les auront foufFert, ;» 8c les Officiers qui ne les auront a> empechez •, 8c fi aucunes Foires & *> Marchez echeent efdits jours , fe- 3> ront remifes a autres fubfequens ; £ |Q HlSTOlRE GENERALE *> Ec a cct effet fera le prcfent Arreffc a. Id & publie aux Prbnes des Mefles M Paroiffiales de chacune Egliie du aj reffort de la Com* : Enjojnt a tons 33 Curez d'en faire les publications , 55 & aux Subftituts du Procureur Ge- 33 neral des lieux d 5 y tenir la main, & 33 d ? en certifier la Cour dans le mois. m Fait en Parlement le 3 Septembre Mais l'Efpagnc&le Portugal ont retenu jufqu'a present Ptifage des dznfes Sacrees dans leurs Egiifes , & furtout aux Proceilions les plus So- lemnelles -, il y a meme des Theatres expres pour ces representations. Le Cardinal Ximenes retablit de font terns dans la Catedrale de Tolede Pancien ufage des Meflfes folemnelle's des Mufarabes, nation Arabe , 8c qui furent les premiers Chretiens en Ef- pagne qui mirent la danfe Sacree en grande veneration pendant le Service divin. C'eft encore un ufage qui fubfifte en Efpagne & en Portugal , toutes les veilles <^e$ Fetes de la Vierge y les fil- les s^affemblent le foir devant les poi> "de la Danse* Jf tes des Eglifes de Notre-Dame , & y paffent les nuirs a danfer en rond 3 en chantant des Hymnes & des Canti- ques en l'honneur de la Vierge ; ce qui e'toit fort commun parmi les Chre- tiens dans la primitive Eglife , comme je l'ai deja dit. Oeft en partie du cuke de la Reli- gion des Hebreux & de celle des Ido- latres , que Mahomet a e'tabli Pillage de la danfe Sacree dans la fienne , parce qu'elle n'eft exerce'e dans les Mofque'es que par le Sacerdoce , comme on la voit encore aujourd'hui obferver par les Dervis & autres Re- ligieux Turcs ; entre autres la danfe du Moulinet, qui fe fait en tournant d'une fi grande vitefle au fon de la flute, qu'on les voit tomber dans leurs Mofque'es comme s'ils etoient yvres morts : cependant ils obfervent cette ce'remonie avec beaucoup de deVo- tion , pour imiter leur fondateur non> me Menela'us , dont l'hiftoire fabu- leufe dit qu'il tourna miraculeufement de cette forte pendant quatorze jours de fuite , au fon de la flute de Hanfe fon compagnon 3 & tomba dans une Hi] ? 5& Hi stoi re -gene-rale cxtafe quilui prodaifitdes, revelation^ adniirables , pour l'etabliffement de P.Ordres de Dervis. Ceux qui ont Id V Alcoran , f^avent qu'il eft rempli d'une infinite de fables qui ne font pas mieux fondees ni mci ns incroyables que Porigine de leurs danfes Sacre'es, Neanrnokis cPautres pretendent que cette danfe Sacre'e des Dervis eft re- gardee parmi eux comnie la difcipline que fe donnent nosReligieux 5 parce qu'elle eft auffi penible que violente. hes Perfes,& Its Indiens qui ado- roient 1c Soleil , ne faifoient point de ceremonies pieufes oii la danfe Sacree ne futadmife *, ce qui eft encore con- iirnie par Averanl florentln , fuivant qu'il eft rapporte dans la Bibliotheque choifie de M. Leclerc > Tome XXIL pages 2. 8 , 2 9 , 3 5 , & fuivantes , qui nous affurequela danfe Prophane tire auffi fon origine de la danfe Sacree , par rapport a fcs mouvemens 5 (qs ca- dences &c(es figures, enoncez dansle ..premier Chapitre 3 dont le peuple par lafuite des terns fe fervit pour compo- ser des danfes convenabies aux r-e* jouiffances publiqiiese. BE LA DANSE. 11 eft encore a preTumer que c'eft de la danfe ^ Sacree & tumultueufe des Corybantes ou Pretres de Cibelle , que les Bacchantes & les Satyres one tireleurs danfes Bacchanales en Phon- neur de Bacchus y ay ant beaucoup de rapport a celle des Corybantes , qui , au dire des Poctes ancieiisy favorife- rent la confervation cle Jupiter lors de fa naiffance ^ ce qui marque auffi la profonde antiquite' de la danfe Sacre'e dts Idolatres ou des Payens. Pkagore qui paroit avoir eu quel- que idee d'une Divinite incre'e , a era que 1'origine de la danfe Sacree e'toit fondee fur ce que Dieu e'toit regards par les Grands - Pretres comiiie utl nombre mifte'ricux , & comme luie harmonie qui vouloit etre honoree par des cadences mefure'es : c'eft fur ce fbndement que les Sacrificateurs etoient perfuadez que la Divinite -qu'ils acloroient en danfant , les agi- tbit interieurement par de certains tremouftemens qu'ils appeloient fu- rcu^ faerie ; de meme queries Pro- phetes , qui par le fon des inftrumens ie fentoient quelquefois infpirez de PEfprit divin* E iij J4 HlSTOlRE GENERALS Ces fortes de danfes confiftoient a tourner & retourner en cadence au- tour des Autcls qui etoient ifolez ; d'autres fe faifoient en rond autour des Trepieds facrez qui fervoient aux oracles & aux facrifices qui fe fai- foient en Phonneur des Divinitez : c'eft pourquoi les Latins donnerent a la danfe Sacre'e les noms de Saltatio & Tripptdwrn. La danfe des Proceffions fe faifoit avec une marche cadencee an chant des Cantiques , en conduifant les vi- ftimes a Pautel pour les facrifices : alors le grand SacriHcateur a la tete du Sacerdoce,danfoit une danfe ca~ radierife'e au chant d'une Hymne qui exprimoit les voeux du peuple. Les Perfes & les Indiens qui ado- roient le Soleil , comme je Pai deja dit , n'avoient point d'autr^ culte pour honorer cet Aftre , que la danfe qui fe faifoit fur de petites montagnes au le- ver & au coucher du Soleil , a limi- tation de fon branle & de ks mouve-- mens harmoniques , comme il paroit en parcourant le Zodiaque. Virgile rapporte dans fon Eneide ^ DE LA DANSE. 5| Liv. IV. que dans Pile de Delos on tie faifoit point de facrifice a Apollon fans la danfe , & que cette Divinite venoit fouvent fe nieier dans la danfe . parmi. les Pretres , pour temoigner fa fatisfadtion : mais Pon pent bien juger que c'etoit Line rufe des Sacrifi- cateurs pour fe'duireles peuples 5 com- me il paroit dans Apule'e en parlant des danfes qui fe faifoient en Phon- ncur de Venus 7 ou il fait danfer cette Deefle au fon de la flute & de la lyre , a la cele'bration des noces de Pfiche. On feait auffi que les Philofophes &c les Poetes de Pantiquite fonnoient ccs fidtions pour rendre ces fortes de ce- remonies .plus refpe&ables aux peu- ples. La danfe Sacree etoit encore admi- fe dans les fune'railles des Pay ens, comme on le voit dans Platon , Livre 1 1 de fes Loix , en parlant de la pom- pe funebre des Gouverneurs d'Athe- nes : il dit que ceux qui formoient le convoi e'toient vetus de blanc > il y avoit autour du cerceuil deux rangs de quinze fil!es qui danfoient , 3c une autre troupe de jeunes garcjons qui E iiij fff HlSTOiRE CENERAlE pre'cedoient le corps > en danfant arf Ion des flutes & d'autres inftrumens a Tufage des pompes funebres •, les Pretres chantoient alternativement des Hymnes & des Cantiques en 1'honneur du de'funt : il y avoir dans ces convois des femmes d'une extre- me vieillefle & ve'tues lugubrement , qui faifoient les pleureufes y elles e- toient payees a proportion des larmes qu'elles repandoient. BanfcSa- L'hiftoire Romaine nous fait voir crfec des q Ue Nutria Ponipilius , apres avoir SfilitnSi ijjg d^ c } ar ^ Roi des Romains Tan 4 o de Rome , inftitua une danfe Sacre'e en' 1'honneur du Dieu Mars , par l'e- tabliffement de douze Pretres dan- feurs qu'on nomma Saliens , qui fu- rent choifis parmi la noblefle la plus illuftre ; its avoient pour habillement - des hocqtietons en broderie, & un plaftron d'airaih par-defliis , tenant des boucliers d'iine main & des jave- lots de 1'autre , lorfqu'ils alloient en danfant par la ville de Rome une dan- fe compofee expres , & chantanr des hymnes en Phonneur de Majs. lis jouiffcient d\m revenu tres-con£de^ £>E LA DanSE. ff fable y au rapport de Titelive > Livre premier. Quelques Auteurs ont crii qu'on leur donna le nom de S aliens* a caufe dti fel qu'ils jetroient dans le feu , qui fautoit & petilloit fur Pautel y lorf qu'on bruloit les vidtimes. Toutes les danfes Sacrees des Payens , dit encore Platon , n'etoienc pas feulement des adtes de Religion parmi eux \ elles e'toicnt audi mifte- rieufes , parce qu'elles exprimoient les cara&eres des Divinitez pour qui elles fe faifoient, & dont le cuke etoit en grande vene'ration. Pour finir ce chapitre, je dirai que la danfe Sacre'e des Hebreux confiftoic a danfer des danfes compofe'es au thant des cantiques , y 8c deshymnes a lalouange de Dieu, ainfi que les pre- miers Chre'tiens l'ont fait a leur imita- tion dans la primitive Eglife , &c que pour celle des Payens elle paffoit pour tin a&e mifterieux dans le cuke qu'ils rendoient a leurs Divinitez ° y e'eft- pourquoi elle n'etoit exercee que par ceux qui avoient caraftere pour les ceremonies de la Religion. Pour la danfe Aftronomique * elle 5§ HlSTOIRB GENERAJLB a ete confondue dans les premiers terns avee la danfe Sacre'e., parce que les Sacrificateurs dans Pantiquite e- toient audi profonds dans 1'Aftrologie que dans 1'Aftronomie , qui fervoient de fondemens a la Theologie des Pay ens 3 furtour parmi les Caldeens , les Egyptiens , les Perfes,& les Grecs* CH A PIT RE IIL Des mouvernens de la Danfe far rap* port aux Actions humaines , fmvant les priceptes des Egyptiens & des Grecs. * IEs Anciens qui cut juge que la re* , prefentation des Balets etoit une inaniere d'inftrudtion pour la regie des moeurs , en imirant par les mouve- mens de la Danfe toutes les addons humaines, onf donne des pre'ceptes pour les cara&e'rifer par la difference des mouvemens que les pailions nous ii ipirentr Ceft ce qui a fait dire a Plutarque que le Baler eft une Poefie muette * DE LA DANSEr f^ qui parle ; parce que fans rien dire 5 il s r exprime par les geftes & par les inouvemens : c'eft ce qui s'appelle f^a- voir parler aux yeux , & toucher le coeur par des expreffions patetiques 3c muettes. Voici ce qu'en dit encore Sidonius Appollinaris : CUufis faucibus & h- quente gejiu , nutu , crure y genu , ma- rat , ratatu , toto m fchernate veljemel latebit. Cela nous apprend encore la diffe- rence qu'il y a entrc la danfe des Ba- lets & lafimple danfe , qui n'exprime rien , & qui obferve feulement une j.ufte cadence an fon des inftrumens r par des pas oupar des.paffages fimples ou fieurez , foutenus de bonne grace , jfuivant les regies de Part. The'ophrafte , dans fon Traite de la Mufique , a dit qu'il y a en nous trois principes des mouvemens de la danfe ; le plaifir , la douleur , & un inftin£fc divin. Le plai/ir 6c la douleur prodtii- fent des mouvemens au-dehors > com- me la fizreur divine qui eft un motive- ment furnaturel, eft oblige^ de fe faire fentir par des traniports extraordinai- GO HlSTOIRE GENERALS res , l'ame ne la pouvant recevoir qu'elle ne fe repande fur le corps : e'eftpour eela que les anciens avoient des airs & des chants convenables aux pailions. Ce font ccs mouvemens qui font ie plaifir , dit encore Plutarque , parce quebien que nattirelkment nous n'ai- mions pas- a voir les emportemens desfurieux > ni le defefpoir 5 & les ac- tions violentcs des perfonnes a qui la douleur fait s'arracher les che- veux , ni les extravagances des fous & de ceux qui font pris de viii y ne'an- moins nous aimons a les voir repre'- fenter par des Balets &c dans un ta- bleau , parce que limitation a pour nous un charme fecret, qui fait qtle la peinture des chofes les plus horribles 8c les plus monfirueufes , quf feroient capables de nous efrayer ii nous les voyions au naturel , nous plait 3c nous touch e agreablement 3 fans faire ccs mauvais effets : les enfans meme en qui la raifon n'agit pas encore, font touchez de ccs imitations. Auffieft-ce jufqu'a l'ame que paflfe le plaifir qui vknt de la reprefentation j &c c*eit ce BE LA Da : NSE. 6t qui fait que Phomme feul eft capable d'etre touche des fpedtacles. Cell le propre cie la Peinture & du Balet d'imiter & de reprefenter toutes fortes de fujets: mais le Balet a cet avantage fur la Peinture qui n'a jamais qu'un mouvement , toutes ces figures demeurant toujours dans la meme fi^- tuation y au lieu que le Balet eft une fuite de mouvemens fucceffifs : tous les perfonnages d'un tableau font im- mobiles ; & s'ils femblent fe mouvoir par les charmes de la Peinture , nean- moins ils n'ont qu'une feule aftion. Les Anciens ont auffi diftineue trois fortes de mouvemens dans les Balets, qui font les ports du corpsjes figures, $c les expreilions. Les ports du corps font les mouvemens harmoniques ou les pas , & les actions de la danfe *, comme couper en avant , en arriere , tourner , pirouetter, caprioler 5 le bat- tement , fauter 5 s'elever , &c . Les,ex- preflions font les addons qui mar- quent.3 comme les forgerons , les ra- xneurs , les endormis , des perfonnes prifes de vin > des luteurs , &c Et les figures font les diverfes difpofitiojis St Hi ST O I RE GENE RALE des danfeurs , qui danfent de front | dos contre dos , en rond , en quarre, en croix ., en fautoir , en croiffant , fur une ligne , en evolution , en fe pour- fuivant 9 en fuyant , ou en s'entre-laf- fant les uns dans les au:rcs > enforte que le compositeur du Balet peur for- mer autant de danfes qifil y a de figu- res dans la Ge'ome'trie. C'eft par les exprefiions que les Ba- lets fe diftinguent des autres danfes , qui ne font que de fimples portemens du corps, ajuftez a la cadence & an fon des inftrumens , dont on marque feulement les terns par la difference des pas & par la chute du corps : & prefque routes les danfes que Pon danfe au Bal & aux affemblees , font fans aucune expreffion i fi ce n'eft la Sarabande Efpagnole avec les cafta- gnettes , ou la Gigue d'Angleterre, comme la Courante marque la gravi- te de la danfe Fran^oife. Plus les expreffiens fontnaturelles, plus elles font agreables* La danfe des Vents doit etre legere & pre'eipitee ; celle des Forgerons doit avoir des terns , & des intervales a fraper fur fenclume* £>E XA £>A3fSE. €\ La danfe des Fous & des Yvrognes 'doit etrc irreguliere & chancelante 9 aufli-bien que celle des aveugles qui doiyent chercher & tatoraier ', celle des Payfans doit etre groffiere & ru- ftique : ainfi chacune dans fan genre mii dans. la manicre, dak avoir des .mouvemens diffe'rens. Plus ces a&ions font violentes, plus elles caufent de plaifir , pares qif elles arretent davantage Pimagination : 'c'eft ce qui fait que les Entrees de Lu- teurs,de Gladiateurs, de Rameurs, de Forgerons > de Jardiniers , de Ma- telots 9 de Faucheurs , &c. reiifliflfent mieux dans les Balets que d'autres ou il y a moins de mouvemens ou moins d'adion. L'amour demande des empreflc- •mens & des tendrefles, un vifage doux "■& ferein, qui fe trouble neanmoins quelquefois , & qui prend autant de de formes qu'il y a de mouvemens au cceur capables de Palte'rer. Il faut qu'il paroifle de la contrainte dans un amour naiffant , de la hardiefle dans ks progres 5 & beaucoup de tranfport dans ,te$ fucces: enfin il faut lui don- ^4 HlSTOIRE GENE RALE ner toutes les couleurs que les Nam*; raliftes ont remarquees ; que tout par-, le en lui -, que fes yeux 9 fes geftes , fes pas , famine , fes mouvemens faf- fent connoitre ce qu'il eft&r ce qu'il £em. La colere qui eft und paffi6n foil- gueufe , s'emporte avec impetuofite % elle n'a.rien de regie' % tous fes mouve- mens font violens j & pour l'exprime'r par la danfe y les pas doivent etre pre* cipitez, avec des chutes & des caden- ces inegales , il fautbattre du pied, al- ler par elancemens 3 menacer de late- re , des yeux de la main 9 jetter des re- gards farouches & furieux. La erainte a des pas lents dans les approches , & precipitez dans la re- traite 5 une demarche tremblante &c fufpendue 5 une vue egare'e^les bras embaraffez 5 & une contenance incer- taine. Ceux qui font affligez , baiflent la tete, ont les yeux ianguifTans •> ils croifent les bras r ils paroinent enfeve- lis dans la trifteffe* Enfin ce font ces foxtes de mouve- mens que les Grecs nomment demon- ftrations , pareilles aux figures del'e- loquencej. BE LA DaNSE* 6$ loquence > qui femblent mettre fous les yeux les cliofes dont l'Orateur parle. Il y en a , dit Plutarque , qui ne danfent que pour danfer 5 & done toute Padreffe ne confifte qu'a faire- line belle cadence & de grands porte- mens de corps ,ce qu'ilappelle dan- ger plus proprement que fjavamment : car comme line chanfon, ajoute-t-il, a^ des tons Sc des terns pour I'air \ le Balet a auili des mouvernens 5 des fi- gures , ou des deinonftrationsjpour le oiftinguer de la fimple danfe. C'eft ce que le fieur Beauchamps a fort bien ©bferve dans la compofition des Balets qu'il nous a donnez depuis l*etabli£- fement de 1'Opera en France , & que le fieur Pecourt fon eleve a continue avec fucces depuis fa mort. Le fieur' Blondy nous? a donne' audi des Balets pour danfer aux Tragedies des Jefui- tes , qui ont 6m fort eftimez. Les Anciens aimoient fi fort ccs representations & ces de'monftrations dans les fpeitacles du Theatre 3 . que quand il faloit reprefenter le fupplice ou la mort violente de quelqu'un v ils prenoient des criminels y pour fefair^ 66 HlSTOIRE GENERAL! le plaifir cruel de voir naturellernent rep'refenter ces violences. C'eft fur ce fujet que Martial a fait tant dVpigram- mes , & particulierement celle de la conftance de celui qui reprefentant Scevola , fe briila effedivement la main defifus un brafier. Lc P. Radere Jefuite , qui a tra- vaille fur les epigrammes de ce -Poete, dit qu'on vit fur le Theatre des Re- mains les perfonnages de Dedale , de Laureolus & d'Orphee, dont Pun etoit mange par un ours , P autre attache a line croix pour etre de'ehire par des vautour, & le dernier mis en pieces par les Bacchantes. Tertulien parle encore deceux que Pon condamnoit a paroitre avec une chemife brulante , pour repreTenter la mort d'Hercule : & au Traite qu'il adrefife aux Martyrs , il parle de ceux qui fe louoient aux Pantomimes pour porter durant quelque terns cette che- mife brulante fur le Theatre. Corneil- le Tacite nous apprend que Ne'ron fit auffi fervir les Chretiens a de feinbla- bles fpedracles , apres Pcmbrafement de Rome , pour tacher de fe difculper %E LA DANSE. 6 J de Pincendiepat lequel il avoit "detruit line partie de cette fuperbe ville. On pent encore dans une meme En- tre'e exprimer des mouvemens diffe- rens,pourvu qu'ils ayent quelque rap- port : les uns peuvent donner des coups de fabre ou des coups de maflue , & les autres les parer avec des boucliers > un Magicien pent invoquer des ombres , des fantomes 5 & faire des cercles avec fa baguette enchante ( e , tandis que ces ombres 011 les demons feront diverfes poftures h des amours peuvent forger des dards , & d'autres s'amufer a per- cer des cceurs 5 & c. Les Anciens firent fervir tous ces dif- ferens mouvemens pour former l'a- dreffe du corps aux exercices des danfes militaires, & pour les autres actions de la vie civile : ainfi le Balet leur fervoit d'une efpece d'Acade'mie oii ils s'exer- ^oient aux adions gc'ne'reufes,& a faire de bonne grace ce qu'ils etoient obli- gez de repreTenter dans les cere'monies, ou dans les autres actions de la vie. C'eft pour cela que les Princes 8c les perfomies de quaiite ont juge que cet exercice.n'avoit rien d'inde'eent Fi i ^8 HlSTOlRE GENERALS pour eux 9 & au contraire e'toit tres pro- pre a les diftinguer dans les occafionsr* Depuis que les Balers ont e'te' re'ta- blis en France , nos Rois , nos Rcines & les grands Seigneurs n*ont pris que des perfonnagesilluftres d'e Divinitez, de Heros ou d'Heroines , convenables a leur dignite'. Athe'nee a encore remarque tine in- finite de mouveniens que les Anciens obfervoient dans fours Balers , felon la diverfite des chofes qu'ils vouloient reprefenter. Toutes ces danfes diver- fifiees de geftes , d'a&ioiis & de mou- vemens, avoient leur nom particulier^ qu'il feroit difficile de rapporter du Grec en notre Langue , pour les faire bicn entendre : on pent avoir recours a PAuteur, fi 1'on eft curieux de les avoir. A Pegard des figures arbitraires de la danfe, ce font les diverfes foliations que prennent les danfeurs dans les Entrees , felon le nombre des perfon- nes qui danfent y ce qui depend de Pi~ imagination ou.du. caprice du compo- siteur. Neanmoins quelques ideesque Pen DE LA DaNSE. €f puilTe avoir des preceptes de la danfe des Anciens , qu'ils onr etablis appa- remment fur les experiences de leurs Pantomimes & deleur fameiix dan- feurs ; j'ai peine a croire qu'ils Payent f mportc fur ceux que nous avons vus depuis quarante ans en France , 5c fur les Danfeurs&les Danfeufes que nous voyons aujourdliui a POpera. Il ne faut que voir danfer line Entree de Chaconne par Ballon 5 une Entree des Vents ou des Furies par Blondy > une Entree grave & ierieufe par Leftang , Vine de Payians par Dumoulins , & la danfe du Caprice par la Prevoft , pour juger qifon ne peut porrer plus loin la perfection de la danfe Theatrale s fans parler d^une infinite' d'autres qui charment les ipeciateurs. Mais Pon peut avouer que les principes .de la danfe des Anciens ont beaucoup fervi a perfeclionner la notre ; deforte qu'il n'eft point de nation qui puifle fe van- ter aujourd'hui de Pemporter furies Francois pour le caractere de toutes fortes de dailies , tant pour la compo- Ikion que pour Pexecution,. 70 HlSTOIRE GENERALS C H A PI T R E IV. De la Danfe des Balets des Anciens & des Modemes , avec cjttelques ■ defcriptions des plus Jingulieres , & de Corigim de la danfe Theatraie* ON pent juger par ce que j'ai dit; de la danfe 5 qu'elle doit fon en- gine au culte de la Religion, a l'Aftro^ nomie 8c a Part de la Guerre , plutot qu'aux fpe<5tacles 8c aux fetes publi- ques y mais elle doit fa perfection aux danfes des rejouiffances publiques , 8c aux repre'fentations des Balets de la danfe Theatraie dont les Grecs font les premiers inventeurs 5 a laquelle on pent dire que les Francois out plus ex- celle' depuis plus d'un fiecle , que pas line des nations du monde : les Etran- gers memes nele conteftentpas* L 5 Opera eft une forte de Comedie compofee de cinq actes enmufique , accompagnez de danfes convenablcs au fujet, qu'on nomrae diverti (fern ens, 8c dont nous fommes redevables aux I DE LA DANSE. 71 Italiens pour l'invention ^ Perrin en 1 6 5 9 la mit en ufage en France : mais Pon fcait auffi que les Italiens n'ont imagine P Opera que fur les repre'fen- tations des Balers des Grecs , & que l'invention de ceux d'ltalie n'eft trou- "vee que depuis deux ou trois fie'cles, Comme ]e ne pretens pas rappeler dans l'Hiftoire de la Danfe ce que j'ai dit dans celle de la Mufique , ouj'ai traite fuffifamment de P Opera , je l'a- bandonne entierement pour ne parler ici que des Balets. Le Baler , communement parlant , eft une manicre de Poeme dramati- que compofe en trois actes 3 comme nous Pavons vu quelquefois pratiquer en France depuis le regne de Francois premier. En 1582 il fut fait au Louvre un Balet comique par Pordre de la P^eine Louife , pour la folemnite du mariage du Due de Joyeufe avecMademoif elle de Vaudemont foeur de cette Reine j route la Cour , hommes & femmes , danfercnt dans les Entrees. Onattri- inie a un Due de Nemours , fous le xep;ne dc Louis XIII. l'invention d$ jl HlSTOlRE GENERilB" tons les Balers, oil le Roi danfa ail Louvre avec route fa Com*. Ce Due etoit forr fujer a la goutre 1 & comme il aimoit la danfe paffion- nenienr , il compofa un Baler de Goiw teux , &fe fir apporrer dans unfau- teuil , ayanr la goutte, & une canne a la main , pour renir fon rang parmi les danfeurs , en 1 6 5 o » Apres ia minorir£ de tours XIV* on fir un Baler de la profperire des ar- mes de la France , dans lcquel k Roi devoir danfer mafque avec retire fa Cour > niais comme depuis long-rems on n 'avoir poinr vir deRois danfer fur le Thearre a Paris, oupeur-erre poinr du rour , le Cardinal Mazarin qui etoir un Miniftre rres-habile , fir publier le fujer de ce Baler , avec Pa- verriffemenr que je rapporte ici. *> Apres avoir recu cerre annee 3 , rant de vi&oires du Ciel,cen 5 eft 3 r pas affez de l'avoir remercie dans 25 les Temples, il faur encore que le av reffenriment de nos ccmrs e'clare 33 par des refouiffances publiques : 33 C'efl: ainfi que 1'on celebre de *> grandes Feres 3 une partie du Jour s'emploie ©e ia Danse* 73 *3 s'emploie a louer Dieu , & 1'autrc 33 aux pafle-tems honnetes. Cet hy- 33 ver doit etre comme une longue m fete 5 apres de longs travaux : noa cc feulement le Roi & fon grand Mi- » niftre qui ont tant veille Sc travaille 33 pour 1'agrandifTement de l'Etat 5 &c p tous fes vaillans Guerriers qui ont 33 fi valeureufement execute' fes no- >j bles defleins , doivent prendre du » repos & du divertiffement ; mais »3 encore tout le peuple doit fe re- » jouir , qui apres fes inquie'tudes 33 dans 1'attente des grands fucces , « reflent un plaifir auffi grand des 33 avantages de fon Prince , que ceux 33 memes qui ont le plus contribuc 33 pour fon fervice & pour la gloire 33 de fes amies. Cette convocation a fait beaucoup d'honneur a la danfe. An mariage du Roi en 1^59 , il danfa avec tous les Seigneurs Sc Da* mes de la Cour , au Balet des Amours d'Hercule : le Cardinal Mazarin fit venirexpres d'ltalie l'Auteur Italien , pour le faire reprefenter avec tous fes agremens , de meme qu'il avoir e'te reprefente a Venife. 7 4 HlSTOlRE GENERATE Le Roi en 16 6 ^ fit encore fake tm Baler , dontle fujet.fut les Amours de- guifez , par rapport a (es nouvelles amours : il £ut repre'feiite' an Louvre °, le Roi y danfa encore mafque dans les trois Entres, 9 avec les prineipaux Sei^ gneurs de faCour, & les plus fameux Maitres a danfer. Ce Monarque figu- xoit avec Meffieurs Legrand , le Ma- x-echal de Villeroy &4a Rochefou- cault -, & Pon pent dire qif il Pempor- toit de beauceup fur les autres,,. ayant paffepour le danfeur le plus gracieux defon terns. A Pegard des Balets des Anciens^ lis etoient de quatre efpeces ; les tra- giques , les comiques 5 les fatyriques , <& les tymeliqiies. Les Balets tragi que-s etoient graves & ferieux , leurs fujets le prenoient dans PHiftoire ou dans la fable : les comiques e'toient plaifans & bouffons -, les fatyriques e'toient libres & indecens °, & e'etoit partial- lierement dans ces deux-la que les Pantomimes faiibient voir leur habi- lete' 5 par les figures, fesmouvemens, 8c les geftes , qui font les trois moyens de s'exprimer fans parler. A Pegard de la -Dan-sb. 75 %ts Balets tymeliqncs , ils etoient allc- goriques & tres-ingenieux , dans lef- ■-qirels un nomine Boccus excelloit par- 'fakement. Toutes ces efpeces de Balets avoient des regies pour leur conduite , dont Platon , Ariftdte , Lucien , Athenee > & bien d'autres nous ont laifle des preceptes. Au premier Livre de Lantoloaie Grecque , il cft.parle d'un Fylade ex- cellent compofiteur de Balets tragi- quess il en fit auili un de Bacchus montant au Ciel, mangeant 8c dan- fantavec les Satyres&les Bacchantes, ■*>u il obferva exa&ement toutes les loix du Balet. Nous voyons dans Athenee & dans Julius Pollux , que les Anciens avoient autant d'inftrumens differens, qu'ils avoient de diverfes danfes > que les filles danfoient au fon des inftru- mens les plus doux ; que ceux qui fer- voient aux Balets des hommes etoient plus forts & plus patetiques ; & ceux au fon defqitels danfoient les vieil- lards 5 e'toient plus graves Sc plus temperez : le tout pour exprimer les 7^ HlSt^lUE rG E tf E-R.A L E mouvemens de l'ame , fuivant lesfe* xes , & la difference des ages. Les Grecs ont auffi paffe pour etre les plus habiles a exprimer par ces rnouvemens les habitudes de l'ame 5 les mceurs , les paffions &: les actions . naturelles , puifque fuivant Platon 8c Lucien , ils croyoient la danfe une chofe divine &c mifterieufe , qui fe pratiqijoit en l'honneur des Dieux &c par les Dieux mem.es , a qui ils en at- tribuoient Porigine* Ces deux Auteurs yoiiloient airifi que le cpmpofiteiir des Balets , les Pantomimes & les Danfeurs fcuffent la Poefie , la Geometric , la Mufique, la Phifique , & meme la Philofophie : la Poefie , pour compofer & inventer les fujets j la Geometrie , pour les fi- gures & les mouvemens ^ laMufique, pour les airs , les cadences , les ac- cords & les mouvemens harmoni- ques ; la Phifique , pour la connoif- fance de la nature ;& -la Philofophie, pour 1'imitation naturelle despaffions, des moeurs, &c des affe&ions de fame, qui regnejit le plus dans le commerce des Jxommes &£ dam les ufages de la D£ LA DanSE. 77 Vie civile j 8c qifils empruntaffent me- me de la Peinture 8c de la Sculpture > pcur juger des atitudespour la variete des dani'es , comme nous le voyons dans les Bacchanales des plus fameux Peintres , oil font exprimees les dan- fes gracieufes des Bacchantes 6c 1'iin- pudicite des Saryres >.8c de cent autres fiijets qur conviennent a la repreTen- ration 8c a la perfection des Balers. Ne'anmoins j'ofe dire , malgre 1 'opi- nion des Grecs , qu'un geriife heureux, avec quelques principespour les Spe- <5fcacles , peut re'uilir fans poffeder routes ces Sciences , comme nous Pa- vons vu dans Meffieurs Moliere &: de Lully 3 Quinault & de Beauchamps , dont les ceuvres out fait Padmiration de nos jours. L 'opinion la plus commune fur Po - rigine des Ballets , eft qu'ils fe danfe- rent d'abord aux chanfons , dont la plupart e'tbient des prieres aux Dieux pour leur demanderdu fecours dans nos befoins, des hiftoriettes on des fables , des chants de triomphe , des lamentations , des plaintes , que les chanteurs 8c chanteufes accompa- Giij ?8 HlSTOlRE GENERALS gnoient de geftes & de mouvemens conformes a ce que Pon chantoit \ ce qui fut les premiers e/fais des repre'- fditations des Pantomimes* Ainfi la fpiritueile Eriphams paffion- nee pour un chaffeur nomme M&nal- (jue > compofa ime chanfon par laquei- j le elle fe plaignoit aux arbres , aux ro-^ chers Sc aux forces^ de la durete & de : Pinfenfibilite de -fori aniant ^elie le fijivit memc par les montagnes dc. dans les forets en chantant cette chan- fon , dans laquelle elle temoignoit que les betes moms cruelles que Menal-^ que, s^attendrifToient a fes plaintes*. que les rochers femhloient y devenir fenfibles ^ & que tout pleuroit avec die : enfin cette chanfon courat quel- quejiems aprcspar route la Grece % en la chantant on exprimok la pallion d'Eriphanis par des mouvernens qui tenoient beaucoup de la danfe*.. Ariftoxene dans fon Traite dc la Mufique, dit que les femmes de Grece - chantoient & danfoient une chanfon qu'elles nommoient Calyce : urie fille de.ce nom e'tant devenue amoureufq d'un jeune homme nomme Evatim s BE I A DaKSEV Jf Sdemande a Venus pour route favour de Pepoufer ou de mourir : fi elle ne pent vaincre par Pinterceffion de la Deefle , Pindiffe'rence du mortel , fes vceux n'etant point exaucez , elle fe precipite de de'lefpoir dans la mer : ce fujct fut encore un canevas pour Pin- vention des Balets tragiques des ce tems-la* L'avanture du jeune Boreus aufli beau qu'Adonis , qui en puifant de Peau a une fontaine , difparut & fut enleve paries, Nymphes.,. donna lieu a line chanfon tendre & lamentable y qui 3 au rapport de Afimphis Auteur Grec de IaVille d'Heraclee, fe chan- toit encore de fon terns , avec des gcftes & des mouvemens pleins de compaffion & de pitie , qui expri- moient la douleur de la famille de Bo- reus , dont il etoit tendrement aime. Ce ne furent pas feulement ccs dianfons hiftoriques ou fabuleufes , qui contribuerent a Pihvention des Balets 5 mais encore la coutume intro- duite dans les Fetes & dans les feftins, ou des Muficiens. chantoient &c dan- foient les Poe'fies cPHomere : car G iiij SO HlSTOXRE GENERALE Ariftocles ectivant des Choeurs de Az Tragedie , melez de chants & de dan- fes , donne le nom d 5 Homeriftes a ces, Rapfodeurs ,. qui chantoient les vera de rilliade & de POdyflee 5 avec line efpece de representation. Lyfanias £ au Traite qu'il a fait des Poeces lam- biques , dit qu'un nomme Mnajfion , un de ces Chantres rapfodeurs , re'cita ou chanta en Pantomime des vers de Bimonldes avec beaiicoupdefucces*. Deme'rrius Phalereus futle premier qui amena les Chantres -Homeriftes. fur ie Theatre ,& ar fon imitation oa y fit paroi tre des Hilarodes, des Simo- des , des Mogodes , des Lyfiodes , qui furent des chantres danfeurs,&: quine fervoient qu'a di vertir les fpedlateurs* en cbantant dc danfant d'une maniere plaifante , qifils temperifoient; de quelques, apparence de gravite 8c d*ordte dans ieurs repre'fentations > a caufe des vers d'Homere , d'He'fiode y d*Archilogue , de Minnerme v & de Phocylide , tons Poetes ferieiix. Pour les Hilarodes 5 i-ls entroienfc fur la* fcene vetus de blanc , avec . une couronne d'or>les Simodes avoient DE LA DANSE. tt ce nom d'un Simon qui a paffe pour habile chantre & .tres-bbn danfeur ? les Magodes fe deguifoient en fern- nies, danfoient 5 chantoient & repre- fentoient des chofes extraordinaire^ qui tenoient du prodige , comme: les enchantemens des Magiciens \ & les Lyfiodes. e'toient des femmes qui fe. deguifoient en hemmes , pour chanter & pour danfer : ce qui introduifit in- fenfiblement degrandes licences fur Id Theatre,qui tendoknt a la corruption dts moeurs ,-& contrairesaux pre'cep> tes de la danfe Theatrale. Tons ces chantres & ces danfeurs n'etoient auf- fi , a bien prendre 5 que des Saltim- banques &c des boufons ; & ce fut pour purger le Theatre de ces fpe&a- cles inde'cens > que ks Grecs, eurent tecours aux Balets fe'rieux®lez, dont l'ufage a pafle depuis dans la plus grande parti e des Cours dePEurope* Saint Auguftin rapporte dans fon Traite de la Doctrine Chretiemie,Liv. %■ , que les reprefentations de Balets a Carthage etoient compofees avec fi peu d'art , que 1'on avoit e'te contraint ae placer fur un bout du .Theatre u&< %1 HlSTOlRE CT.NERALT* hommc, qui a haute voix declaroit an commencement At chaque Entree , ce (juon alloit rcpreferiter j de meme que des Peintres qui etoient fi mal habilcs dans k, premiers terns a imi- ter les chafes qn'iis peigno-tent , qu'ils ctoienr obligez de menre fous leurs figures les noms de cc qu'ils preten- doicnt avoir peint : ce qui fait voir que tons les Arts dans leur origine t eu a peine que la forme. Mai', depuis ce terns ! i les Balers fe font bien perfc l , puifqifil n'cu point it (ujC&S dont cm n'en puif- fe faire tine representation aula agrca- ble que convenabie au Theatre; c€ qu'on pourraconnoitre oar le Garalo gue one je rapportt de ceux qui: ont darlfe a Fo&*» tainebleau. Armide. Ads & Galathee. Achile , le premier a&e de M. de Lol- ly ? le refte de M. Cokffc -Zephir & Flore* Thetis & Pelee. •Orphee. Enee &Lavinie. Coronis* Aftre'e. Baler de Livry * BE LA DANSE. ^7 iBalet de Chantilly. Baler de Villeneuve-Saint-Georee* Alcide. ** Didon. Mede'e.' •Ccphal & Procris c Circe'e. Teagene & C&ricle'e. ■Les Amours de Momus. Balet des Saifons. "LaToifon d'or , Jafon* Arianne & Bacchus, la naiflance de Venus* Medufe. Venus & Adonis. Aricie. L'Europe galante , Balet* m. Les Fetes galantes , Balet. Le Carnaval de Venife , Balet, Marthefis. Le triomphe des Arts , Balet. Picus & Canente* Hefionne. Are'thufe. Sylla. OmphaL Fragmens de M. de Lully , Balet. Tancrede* $3 HlSTGlRE GENERAL! Ulyffe. Les Mufes , Balet. Le Carnaval 8c la Folie > Balet* Iphigenie* Telemaque. Alcimie. La Venitienne , Balet* Philomelie. Alcionne. Caflandre. Polixenne & Pyrrhus, Br adamant e. Hyppodamie* Gheta. Semele. Telephe. Arion. Thalie 5 Balet. Les plaifirs de La Paix _ 9 Balet* Theonoe. Les Fetes de l'Ete. Ariane. Le jugement de Parish Les Ages , Balet. Hypermenefte. Les Fetes Venitiennes. Les plaifirs de la Campagne , Balet. Polidor* DE LA DANSE. 83 Prothee , Baler. Les Ele'mens , Balet. La Proven^ale , Baler. Les Feres de Villercorerers , Baletv Baler de Chanrilly. Renauld. Pirithous. Les Fetes Grecques & Romanies. Mais outre ces Balers , qui fe repre- fentenr ordinakemenr dans les Palais des Souverains& furies Thearres pu~ blics r il y en a encore d'une autre compoiirion, qu'on appelle Balers ambulatoires , qui fe jouent de place en place dans les Villes, a l'occafion des Feres publiques. A qui Appien Ale'xandrin donne encore le nom de Vom^eThirrheni- Cjue, dont Pinvention eft arrribuee aux Thirrhiniens 5 il dir que ces Balers fonr d'une inftiturion rres-ancienne : les danfenrs etoienr de jeunes gens y dont les habits^etoient retrouflez -, ils porroienr des couronnes 011 des guir- landes d 5 or fur-leurs reres , & alloient chanrant & danfanr dans les places publiques , avec autanr d'ordre que as. methode ; ce fpedacle eroir en ve% H 'f.0 HlSTOlRE GENERALS neration parmi certe nation. Stace 6c Martial nous apprennent: encore que l'ufage de ces cadences & de ces Balers arnbulatoires pafla d'lta- lie en Efpagne & en Portugal ? ou ils font demeurez jufqu'a prcient, Les Jefuites firent en Efpagne une representation d'ttn Balet ambulatoi- re , pour la folemnite de la beatifica- tion de St Ignace de Loyola leur Fon- dateur : le fujet du Balet reprelentoit les principaux evenemens.du fiege de Troie. Le premier a£te fut -joue de- vant la porte de 1'Egiife de Notre- Dame de Lorette , ou il parut d'abof d line machine de ; bois d'une grandeur prodigieufe , qui reprefentoit- le che-, val de Troie : ce cheyal commenca deflors a fe mouvoir par desrefforts fearers > tandis qu'autour de ce cheval fe reprefentoienr en Balers rfes a&ions. eonfiderables de la guerre de Troie, accompagnees d'une fimphonie tres- nombreuie 5 apres cuoi on alia avec ccttc machine mouvante 5 a la place de S. Roch , cm eft I'Eglife de Ja Maj- fon Profefle des Jefuites. Une Dartie d$- cette place etoit ornee d'une dcco- £>E LA Da'NSS.-- ^1 ration qui repreientoit la Ville de Troie v avtc fes tours & fes murail- les : aux approches du cheval , une partie des murailles tomba ; les Sol* dats Grecs fortirent de cette machine^ & les Troi'ens de leur Ville , couverts- defeux d'artifice , avec lefquels iis ft- rent un combat de danf e merveilleux : le cheval jettoit des-feux d'artifice centre la Ville , & la ville contre le. cheval.. Mais ce qui fut plus digne d'admiration , e'eft dix-huit grands arbrestous chargez defeux d'artifice 9 qui formoient en l'air des figures ex- traordinaires. Le lendemain apres le dine, pant- rent fur la mer auquartier de Pampa- g-lia , quatre Brigantins richementpa- rez , peints & dorez ? .avec quantite' de banderoles St. de grands chceurs de Mufique: quatre AmbafTadeurs aux noms des quatre parries du monde , ayanr appris la beatification. d'Ignace de Loyola , venoient pour reconnoi- tre les bienfaits qu'elles avoitnt rectus de lui , & lui rendre hommage , lui offrir des prefens 5 avec les refpe&s des Royaumes <3c des Provinces d4~ Hij 92 HlSTOIRE GEN'ERALE pendantes de chacune de ces parties Toutes les Galeres & tous les Vaif- feaux du port faluerent ces Brigantins par une d 5 Artilerie , en arrivant a la Place de la Marine : les Ambaffadeurs. defcendirent , & monterent enmeme terns fur un char fuperbement orne , & accompagnez de trois cens Cava- liers vetus a la Grecque, s'avance- rent vers le College - r precedez. de plufieurs trompettes. &c timbales > apres quoi: des peuples de divers na- tions * chacun ve'tu a la manier.e. de fon pays, danferent un Baler- tres- agre'able , compofant quatre troupes on quadrilles pour les quatre parties dii nionde. les Royaumes & les Provinces re- presentee ,par autant de genies , mar- choient avec ces nations devant les charsdesAmbaffadeurs.de V Europe,de PAfie , de PAfrique , & de l'Ameri- que , dont chacun etoit efcorte de foi~ xante & dix Cavaliers* La troupe de FAmerique etok la premiere; &c en- sue ces danfes il y en. avoit une com- pofec- de jeuncs enfans de'guifez en Ilnges^ en guencms^ &: enperroquets * DE £A-DanS£«* $j devant ce char e'toient encore douze nains montez fur de petites hacque- nees. Le char de l'Afrique e'toit tire par. un dragon j le char de l'Afie e'toit tire par deux elephans harnachez a la Periienne 5 & celui de l'Europe , par fix beaux chevaux atelez rres-fuper- bementila diverfite & la richeffe des habits ne faifoient.pas le moindre or- nement de la . fingularite de ce Baler ambulatoire. An. commencement du quinzieme jfirecle , la composition des Balets n'e'- toit gue'res connue en France yiV y avoit peu d'imagination en la plupart de ccux qui s y y danfbient,. & Pon pre- noit le plus fouvent des fujets ingrats & ridicules , comme les Quolibers ? le Landi Foire de S. Denis , le Cha- teau de BiiTetre , ou le Baler des gueux , les cris de Paris , & les Peti- tes-Maifcns : tels Balets furent dan- fez a laCour de Louis XIII. pendant k CarnavaL Mais depuis les Poetes 5 les Muficiens & les Maitres de Danfes ont eu plus d'ele'vation d'efprit , & en ont coinpofe' de fort beaux , a Pimita-- tton des Italiens : ce qui donna lieu m 94 HlSTOlRE GENERA'L-r la Gour de France de danfer dans quelques-uns , ce qu'on n'avoit point vu depuis la Reine Louife-Catherine de Medicis , & ie regne de Henri III* Mais leBalet des amours d'Hercule fe fcrouva fi beau > que Louis XI V. y dan- fa mafque avec une partie de fa Cour en 1654 , en faveur de la profperite". des armes de la France. < Celui des amours deguifez 3 qu'on appela par excellence le grand Baletdn Roy , qui fut reprefente au. Louvre en 1664. y ]e le rapporte ici par preference aux autres. L'ouverture fut un Prologue chan- te par Venus , Pallas & Mercure : ces trois Divinitez fe chargerent de la conduite des intrigues des amours de- guifez. Le premier adte reprefenta d'abord la grotte de Vulcain , d'oii forti- rent huit Amours fi bien deguifez en Foreerons , qu'on ne les pouvoit re- connoitre que par ^application qu'ils. avoient a former des dards & des He- ches , plutot que d'autres armes, quoiou'ils emflfent leurs bandeaux, qu'ils fembloient n'avoir retenus que T>2 LA DANSEv- fgj pour fe garentir de Peclat du feu , da. bruit des marteaux & des enclumes :i ils firent une Entree de Balet cPune compofition tres-inge'nieufe. Enfuite le The'atre repre'fenta une mer , avec un combat naval en eloignement y Sc Venus fit voir Marc- Antojne , qui pour fuivre Gleopatre , quittoit l'ef-- poir de la victoire qu'il alloit rem- porter contre CeYar , & fit remarquer a Mercure que lesRameurs qui em- portoient ce Remain avec tant de vi- teffe , n'etoient pas des Rameurs ordi-- naires v mais des Amours de'guifez,. Apres cette entree des Amours Ra- meurs 5 Venus fit encore paroitre aux yeux de Mercure , les jardins de Ce- res , & une troupe d'Amours , qui pour livrer plus aifement Proferpine a la paffion de Pluton > avoient pris la figure & Phabit de fes compagnes , & fous pre'texte d'une promenade, Pa- voient fait fortir d'un chateau foi- gneufement ferme par fa mere : d'au- tres Amours , qui pour le meme def- fein avoient pris la refiemblance des Jardiniers de Ceres, cachant adroi- cement leurs fleches fous des fleurs €)6 HlSTOTRE GENE KALE qui ornoientle parterre, pre'fentereat a Proferpine des bouquets , dont la vertu fecrette l'endormit fur un ga- zon. Alors Pluton fe fervant d'une oc- cafion fi favorable , forcit des Enfers pour enlever cette belle Nymphe en- dormie. Mais Venus fit remarquer a Mercure que ce Dieu fouterrain crai- gnant que les Demons qui Paccom- pagnoient ne f^uflent pas garder tout le refpect dii aux beautez de Profer- pine , avoir emprunte fix Amours qu'elle avoit fait vetir de fa livree , pour favorifer cet enleVement. Aufli-tot apres , dans Pavenue du Palais enchante d'Armide , des Amours deguifez en Bergers , t ache- rent par leurs chants , leurs danfes& le fon de leurs inftrumens , de retenir PvCgnaud aupres de la beaute' dont il e'toit aime : rnais ce guerrier de'trom- pe' par la gloire qui Pappelle, fiiit conftamment les deux valeureux Che- valiers qui le font venus delivrer de cette agreable prifon. Une autre ban- de d'amours , fous Phabit des Nym- phes de Flore , ie preTentent dans la rneme intention, & n'ontpas un meil- leur D£ LA DAKSE. 97* teur faeces, quoiqu'elies etalent a 1'envi leur beaute 3c Pagrement de leur danfe. Armide voyant tous ces enchantemera inutiles , devient fu- rieufe \ 3c preflee de douleur 3 de hon- te & de defefpoir , fe plaint & s'em- porce conrre les Amours qui Pont fi mil fervie 3 & les chafle de fon Palais -enchante, qu'elk de'truk mop mo- ment. Une troupe de petits Amours -effrayez d'un accident fi furprenant, fortent avec precipitation des mines du Palais^ & retiennent une partie des & artendu qu'elle avoir pafle la mer pour venir en France , lefujet fut lanaiflfance de Venus , par rapport ,a Parrive'e de cette Princelie. L'ouverture du Theatre commenga ipar faire voir Neptune & Thetis , fui* vis de plufieurs Tritons qui compo- foient le corps de Mufique , & qui fi- xent entendre par leur re'cit , la gloire qu'ils avoient, qu'une Deeffe d'une incomparable beaute , qui devoit re'~ gner dans tout 1'Univers, fut ne'e dans leur Empire. Neptune commenca ain- ii : Taifez-vous , Hots impctueuxi Vents , devenez refpe&ueux : &a mere des Amours fore dc mon vaftc Em* pirc : THE'TIS, Voyez commc cllc eft belle en Relevant € hautV jeune , aimable , charmante ^& faitc com* me il faut , Pour impofer des loix a tout ce qui refpfce,' BE L A BaNSE* 'j"J' LES TRITONS. Quelle gloircpoar lamer v ©'avoir aujfi produit la mervcilledu rridn- de : 'Cette Divinite fortant du fein de Tondc , Wy laiffe rien de froid , n*y ldiffe rien ft ! a> mer 5 Quelle gloire pour la mer I Alors l'on vit Venus fortir de la mer , fur un Trone de nacre , envi- ronne de Nereides , &peuapres etrfc enleve'e au Ciel par Pkofphore & les Heures. Les Dieux Manns & les Deeffes Marines fe present de ia voir j les Vents arriverent au bruit > Eole qui craint les deTordres qu'ils ont cou- tume de faire, les re&rre dans leur caverne -, Caftor & Pollux afferent qu'en faveur de cette naiffance , la na- vigation (era deformais heureufe : des Capitaints de Navires 5 des Mar- xhands & des Matelots fe rejouiflent -a leur vue ; les Ze'phirs qui avoient quitte les autres verits pour porter fur terre cette heureufe nouvelle, e$ Iij tOO HlSTOIRE GENE HALE font la premiere part au Pi interns ^ aux jeux , aux ris , & tons enfemble ie devcuent a cette nouvelle Divini- te. Flore & Pallas , avec une troupe de Bergers & de Bergeres,, proteftent de nerecc voir jamais d'autres loi3:que les iiennesc Le Balet de lanailfance de Venus finiffoit-la ? car la feconde par- tie concernoit fa puiffancc, Les Graces en firent le recit , & pu- blierent que la puif ance de cette Deeffe s'etendoit par tout PUniyers. Toute Pinv ntion de ce Balet alle- gorique compofepaurfcue Madame , ne coniiftok qn'en une douzaine d'Entre'es des Amours , II vient chcrchcr la Vcrite Chez vous , o& fpn cemgle eft plantc, Aprcs quoi Atlas fe plaignant de falaffitude , die qu'ayant appris d y ;Ar- chimiie que fi on pouvoit lui donner un point ferme 5 ii enlcveroit toute Ia : matte du monde, qui lui avoit donne tant de peine a porter, il e'toitvenii; dans lTQc Britannique , oil etoit ce~ point fixe 5. pour fe cfe'eharger d'un fl pefant fardeau fur Alithie qui demeu- roit dans cette Ifle oii le Roil'avoit recue fi favorablement. Ayant fini fon reck ? il s'aprocha du Globe 5 qui ctoit auffi accompagne de trois Mufes fealement, qui etoient V'anie , Clio* S^Terpficore , qiii chanterent encore ces Vers.. Sortez Europe la premiere £ Puilqu^ vous avez plu- re^u Ees rajorjs de la lujniere BE LA DanSEV \Qf Que Ie Saint Efprita conju : Amenczici vos Princeflcs , Pour ea rccevoir les adrefics. Auditor la partie du Globe , ou-PEu- rope e'toit decrite , s'ouvrit , PEurope en fortit vetue en Reine avec cinq de fas lilies, la- France , l'Efpagne , l'Al- lemagne, 1'Italie & la Grece, l'O- cean, & la Mer Mediterrane'e , avec ta Loire , le Gua d'Alquinir , le Rhin ?; Ie Tibre ,& Archeloiisrchaque Prin* cefle avoir trois Pages a fa fuite > la France , nn Bafque , im Bas-Breton & un Lorrain *, PElpagne 5 ufi Portugais, un Arrragonois &c un Catalan 5 PAl- lemagne , un Hongrois , un Bohemien &c unDanois ^ Pltalie , un Napolitain, un Venitien & un Bergamafque \ la Grece , un Turc , un Albanois & un Bulgare , chacun habille' a la maniere de fon Pays, &c portant chacun un flambeau allume en main , avec lequei ils danferent un avant-Balet , felon Pufage de ces tems-la ,. oii.Pon ne manquoit jamais d^inrroduire des Pa- ges ou des Efclaves, qui danfoient aux Xiiij 2*>4 His to ire genera tn Balers avec des flambeaux. Apres cet avant-Balet, des Princes & des Prin- cefles de ces quatre Parties de PEuro- pe , fortirent du Gfbbe 3 &danferent line Entree majeftueufe &c digne de la grandeur de leurs Empires* Atlas prit enfuite rrois autres Mix* fes^ Calliope , Melpomene ,& Erate^. 6c les faifant chanter aupres du Glo- be , ils en -firenk fortir la Reine d'Afie avec fes fiill'es , la Syrie > laPaleftine j. la Mefopotamie , la Calde'e ,1' Arabic, la Perfcjle Golphe de Bengala, la. Mer Rouge , la Mer. Cafpienne , li Grange Tartarie Xx avec le Tibre r Tlnde , le Gange , I'Euphrate , le Jourdain & le Tanai's ^firent diverfes* Entrees , avec autant de divers airs d'inftrumens : les Pages de lafuitedes Princefles e'toient ve'tus a la Mofcovi- te v a UTartare, alaTurque, a Pin- dienne, a la Juive , a PEgyptienne -, a la Phrygienne , &c. chacun avoir aufli utx flambeau a la main, comme les pre'cedens 5 ils danferent auffi leui: avant-Balet.. Au troifieme a6te , Atlas avec les trois autres Mufes, firent fortir 1'Aif t>! la Danse. rojf friqne du Globe 9 en chantant ees Vers*, Sorter Afxique monflrucufe En erreurs plus qu'en animaux s Et cherchez en cctte Iflc hcurcufi Lc repos a tous vos travaux : Cefl ici que la Verit& Veut que fon Temple foit plant c, L'Afrique fortit aufli-tot accompa- gnee de quatre Princefles , la Numi- die , la Barbarie y la Lybie , & l'Ethio- pie 'i POcean Atlantique & PEthio- pique les.efcortoient , avec le Nil , le Zambre y le Niger PAgaife ; les Pages etoient du Bre'fil de Madagafcar , de La Guinee , de Thunis 5 de Fez,. d' Al- ger , de la Moravie , & du Mozambi- que , ve'tus a la maniere de leurs pays v chaque Nation fit autant d'Entrees de Baler y & chaque mer, cliaque fleu- ve apporta des prefens a laDedfe dela. verite , pour orner fon temple 5 ce qui finit ce beau fpedtacle. On ne pent difconvenir qu'il n'y ait beaucoup de grandeur & d'imagination dans 1& ^.Qinpolition de ce Balet y dont Pexe-j to 6 Hr.sTorRE gene^aie cution n'a pu fe faire fans une grande depenfe. Apr.es avoir fait voir que les plus grands fujets peuvcnt fcrvir de ma- riere pour la composition d'unBalct, je vcux pour fcrvir de contrafte a ce grand fpe&acle , rapporter ici le Ba- let qui tut danfc a la Cour de Savoie; en 165,3 , dont le fujet ctoit legris de lin , qui etoit la couleur favorite de Madame Chretienne de France Du- chefTe de Savoie: ce fujet paroitd'a- bord aflez ingrat ; mais ^invention dont fe fervit M. le Comte d y Agile an- teur de ce Balet y le rendit d'une agrea- blc representation. L'Auteur feignit quel 5 Amour qui a toujours un bandeau fur les yeux r s'ennuyant d'etre ainfi commc aveu- gle dans le monde , appclle la lumiere a fon fecours >&c la prie de fe rcpan- dre fur les Aftres 5 fur- le Gicl , fur Pair, fiu* PeaiL r furla terre , & gene- ralement fur routes chofes r afin que leur donnant un nouvel eclat & mille beautez differentes par la varicte des couleurs , il piiifle choilir celle qui liu agreed le plus. Junon qui eft laDeef* BE LA DANS--E*. 10 f fe de Pair , pour fatisfaire les de'firs dc PArnour 5 envoie Iris fa meflagere . etaler dans Fair ces couleurs par plu- iieurs bandes : PAmour >. apres les. avoir confiderees y _ chqifit le -gris de, lin comme la couleur le plus belle & la plus parfaite , 6c veut qipelle figni-- fie un amour fans fin , faifant de cette couleur la devife de cei amour con- ftant &c perftve'rant: il ordonne en meme terns que les campagnes en pa- rent les fleurs , que les oifeaux la por- tent en leurs plumages ,, que les pier- reries en brillent , & que Ton en fafle dans le monde les ornemens des ha- bits y de-forte- queues ordres de PA- mour donnerent occafion'a plufieurs Entrees , qui firent Paccompliffement dti Bakr dc gris delin. Il y a environ quatre-vingt ans que Pon fit a Lifbone le Balet du Tabac. La fcene reprefentoit Plile de Ta- ba^o , d'ou le tabac tire fon nonu Une troupe d'Indiens fit le prologue , en chantant les avantages du Tabac, & le bonheur des peuples a qui les Dieux avoientdonne cette plante. La jpremieje Entree fut de quatre Sa.cri^ foS HlSTOlRE GENER'ALE ficateurs de cette nation , qui tiroierit du tabac en poudre de certaincs boe- tes d'or , qu'ils portoient pendues a leurs ceinrures ,. & jettoient cette pou- dre en Pair ,-pout appaifer les vents &C les tempetes y puis avec de longues pipes y . ils fumoient autour d'un aiir tel 5 marehant en pas graves & ca- dencez , & faifant de ieur tabac en fumee, line efpece de facrifice a leurs fauffes Divinitez. Deux Indiens met> toient'en cordis les feuilles de tabac, & deux autres le haclioient pour la fe- conde Enrr.ee : deux autres le piloiens dans des morticrs pour le reduire en poudre 5 & deux autres le rapoient 9 faifant la trolfieme Entree. La qua- trieme Entree e'toit des preneurs de tabac en poudre y quieternuoient, 8c qui fe le preTentoient les uns aux au- tres , le prenant par pinc.ee ., avec des geftes 8c des ceremonies plaiiantes. La cinquieme etoit une troupe de fu- meurs affemblez dans une Tabagie, ou lien deftine a fumer r des Turcs , des Maures , des Efpagnols , des Por- tugais , des Allemands , des Francois , des Poionois . & d'autres nations-re- DE 1A DaNSE. IO$ £evoient le tabac des Indiens & s'en fervoient diverfement.: ils finirentle £pe£tacle. Ainfi je ne doute pas que fur Pidee du Balet du Tabac, Pon n'en puifle faire un fur le Cafe , & dont les aflem- blees qui fe font aux Cafez de Paris, pourroient fournir un jeu de Theatre affez .fingulier ., en y joignanttout.ee ' qui convient au fujet. Au mariage de M* le Due de Ne- mours en 1(757 , M. Clement, hom- me fort entendu pour les reprefenta- tions des fpedtacles , fit le Balet de la unit , qui a pafle pour Pun des plus accomplish je ne le rapporterai nean- tnoins ici que fuqcintewient pour en faire voir la variete' , par les cara&eres de toutes fortes de perfonnes, desDi- vinitez , des Horos , des ChafTeurs, des Bergers & des Bergeres , des Ban- dits, des Marchands , des Coquettes ., des la Trifteife % 1 * o Hist oir e g en er a l e la Vieilkffe , des Pages , des Payfans= 3 d^s Aftrologues, desMonftr.es-, des Demons , des Forgerons ,, des Gaze- tiers ., des Vendeurs d 5 eau-de-vie^ OublieurSj Cuifinier;^ des £padacins* &c. Enfin Poii voyoit dans cette re- prefentation Bal , Balet , Comedie ^ Feftins , Concert., fabat , toutes for- ces de paffions-, des cudeux, des m> lancoliques, des furieux , des amans pailionnez , des amoureux tranfis , une maifon en feu, des perfonnes aliar* mees > defoite qu'il feroit difficile de cepre'feriter rien de plus accompli en •matiere de Balet , auffi n'en a-t-oii point vii de pareils depuis ce terns -la* 11 fuffit d'avoir vu par ce que j'efi rapporte , qifil n'y a'riendans la Na** ture, dans la Religion , dans la Philo-* fophie morale, dans la Fable, dans PHiftoire , dans les Romans , dans les Foe'tes, dans la Peinture, & dans le Caprice , que Poll ne puifle imiter fous des figures naturelles , feintes, oh allegoriques , 8c qui par confe'qiient ne puifle fervir de ftijet pour la com- pofition d\in Balet, quand ceux qui gen mihnt font affez profonds pout £>E XA DaN^E^ ill .employer tout ce qui convient a e^s ipeclacles. Au Palais du grand Due de Tofca- ce , il fe fait tousles ans le jour de S* Jean 5 dans unegrande Salie, une danfe de Pay fans & de Payfannes qui viennent danfer en presence du grand Due : ce Prince donne le prix de la danfe a celui ou a celle qui a le mieux ie'uffi. Le grand Due y recoit aufli rhommage de tous ies Vatfaux,qui doivent fe prefenter ce jour-la devant lui , avec leurs armes & leurs bannie- res. Voyez les Delices deTltalie , 12 , a Leyde 170^, vol. premier, page r 4? If I* Hi ST O I R E (BE N E It AX E CHAPITRE V. De Vufage de la Danfe grave & Ji* rieufe , convenakU attx Bdls dt €ir£~ monie* IL eft difficile He prouver precife- ment Porigine des Bals de ce're'mo- nie ., qui fe font a Poccafion des re'- jouiffances publiques , ou des fetes particulieres , £1 ce n'eft a Bacchus pour celebrer fcs conquetes , a Ion cetourenEgypte. Les Grecs Poncaufli attribue'e a Terpfkore , comoie la meilleure danfeufe de fon terns , ou parce qu'elle pre'fidoit a la danfe des iieuf Mufes.5 au fon de la lyre d'Apol- Ion. L 3 on peut pre'fumer encore que Pufage en eft auiS ancien que celui des feftins > dont le bal termine ordi- nairement la fete- comme il eft dit dans PExode , que le peuple s'affit pour boire & pour manger 5 & fe leva pour fe divertir, c 5 eft-a-dire pour danfer , comme nous le yoyons en- core pratiquer aujourd'hui. Le bal de ceremonie a fes re'gles & i>3 t a Danse. 113 Its preceptes 5 que nous tenons des Anciens par la tradition , ce qu'ils en ont eerie n'etant pas venu jufqu'a nous.. Pline , Lm 7 ,dit feulement que les Ctiretiensfurent les inventeurs du bat de la guerre \ & qull fiit perfe&ionne par Py rrhus qui inventa la danfe Mo- refque , ou le Paffepied : Aquilon ne fcauroit donncr d'autre application qu'a la Pyrrhique. Mezeray rapporte auffi que nos premiers Rois donnoient desfeftins 6c des bals miliraires a leurs Officiers Gene'raux dans leurs camps, pendant les quartiers d'hy veiv Philoflrate nous aprend encore dans* fon troifieme Tableau 5 & Cartari dans fon Traite des Images des Dieux ? que les Anciens ont regarde Comm , comme la Divinite du bal & des fe~ ftins , & Pont reprefente dans un Sa- lon fuperbement illumine, avec \m> vifage riant , la tete couverte d'un chapeau de fleurs , tenant de la main gauche un flambeau allume 3 qu'il. laiffe pancher nonchalamment pour feruler plus vite , Sc paroiflant comme. 114 HlSTOXRE GENERAtS eny vre de plaifirs 3 appuy e fur un e'pieif qu'il dent de la main droits _.: on voit encore dans ce Salon , dont le parquet eft parfeme de iieurs 3 une partie des conviez qui feftinent autour d'lxne. longue table proprement garnie^ d'autres qui danfent un branle,&: quantite de fped:ateiirs rangez fous hk Tribune 5 fur laquelie il y a une fym- phonie nombreqjev deforte qu 3 il eft aife de comprendre par ce grand ap-. pareil , que Le s Ancie.ns out voulu nous faire entendre que les bals & les feftins font des depen ies qui fe doi- verit faire ayec autant de profulion que de funipmofite' y be que ces fortes de divertiiTemens font de Pappanage des grands Seigneurs 5 pour s'attir.er la bienveillaoce des peuples 3 on pour faire remarquer Iqur grandeur & leurs magnificences. Les Romains qui ft font fait une gloire de farpalTer toutes les nations par leurs prodigalitez , ont ajoute' quelquefois des Loteries aux feftins & aux bals 5 dent les lots noires* ctoient diftribuez gr/ U Klj ii 6 Hi s to i jr. e generals oii il y avoir plufieurs Philofophes J vu merae que Platon avoir avoue an fecondLivre de fes Loix 3 qu 5 un hqm? me qui n'a pas les elemens dela- chus Roi de Syrie , furnomnie Epi~ -phane , donna tin jour a toute £i Cour un repas fuperbe , qui furiuivi d J un< bal de ce'remonie, dont la magnifi- cence re'pondoit a la grandeur de ce Monarque. Une heure apres que le bal fur -commence , Antiochusie fen- tant e'chaufe de vin , s'avifa d'en fortir iecretement , pour fe faire rapporter en de's-habille an, milieu de l'aflem- ble'e , envelcppe dans un drap , d'oii fe levanr tout-a*coup , il . danfa une Entre'e d'Endormi avcc.tant d'extra- vagance , que tout ce qu'fl y eutde perfonnes de confideration fortirent dubal, comme par ■ mepris pour le Roi, nepouvant foufrircette indigni- te dans un bal de ce'rcmonie 3 oii la bienfe'ance doit tou jours- etre obfer- ve'e j ce qui eft bien different d'un bal n\afque,ou la licence efttoleree,coa>- me je le ferai voir dans fon lieu. Les Hiftoriens , comme Herodote & Strabon r & les Poetes v comme Homere & Hefiode , qui ont-traite des faits des Heros de. I'Antiquite^. m& His to i re otiriR'Arf rapportent que les plus grands He- ros fe faifoient un honneur de bierr* danfer en public v aux fetes foiem- nelles , entre aiitres-Bacclius > Oiiris 5 , Cadmus , The'fee v Caftor, Pollux 5 Achillc, Pyrrhus 5 Herculc,JEnee 3 Bel- lerophon , Alexandre 3 Epaminondas 5 & .Scipioa., mais que tons ces He'ros confervoient la majefte de leurs cara-- &eres.dans leurs danfes , s quand ils, danfoient publiquement : ce qui nous fait voir que la danfe , parmi ces„ grands hommes 3 .e'toitune action auflt Ee'ro'jque que ferieufe. Comme je ne pretens rapporter ici que quelques fairs hiftoriques , qui concernent les bals de ceremonie , je paffe d'Antiochus a Louis XII 3 qui etant a Milan , fetrouva dans un bal 3 avec les Cardinauxde Narbonne& de Samt-Severin 5 qui ne firent point de difficutte d*y danfer devant Sa Maje- He' ; parce qifon ne pent fe difpenfer d*obe"ir a une Dame qui vient vous prendre : on doit du moms fepre'fen- fer pour faife la reverence avec elle % , la remener en fa place , & enfuite al- fer prendre une autre Dame - 3 pour en 'fcE LA D'A-NS^., 0jfe- faire encore autaniyafin dene point interrompre Pordr.edu bal ? ,& pour ne pas paifer pour un homme qui n'a pas Pufage dumonde: c'eft ce qui a fait dire a Pibrac dans Pun defes.quatrins^ N'dUle au bal qui nyvoudra danfer • Ge n'eft pas qipim Cavalier n'y puifie aller par- curjofite , incognito £ c'eft-a-dire enveloppe' d'un manteau ^ & une Dame en e'cfrarpe > car alors it eft contre les regies du bal de les prendre pour danfer : comme-fitDoni, Juan d'Aurriche 5 ,dans le terns qu'ilr etoit Viee-Roi des Pays-Bas > quivint- expres a Paris ,... pour voir incognita d&nfer Marguerite de Valois aim ball de ceremonie , parce que cette Prin- ce/ft palToit pour la danfeufela; plus , aceomplie de PEurope. Ce qui me fait fouvenir d'une avantute qui arri- va il y a environ quarante ans, chez Madame la Prcfidente * * * , qui don- noit un bal au manage de fa fille. Ouatre ieunes Seigneurs de la Goiuv apres avoir fbupe aux Bons-Enfans r , s'aviferent d'ailer incognito a ce bal , Uiais d'lihe mamere fort furprenante >v puifqu'ils etoient* tout nuds 3 envelop- %£p HlS TO I RE GENE RALE pez de manteaux d'ecarlate , doubled de velours ,.. des chapeaux garnis de grands bouquets de plumes 5 bien chauflez , & fans mafques , parce que dans ce tems-la on ne fe mafquoit que pendant le cours du Can: aval y ils avoient leurs epees cachees lous leurs bras : deforte qu'il ne fut pas difficile de les reconnoitre pour ce qu'ils etoient. La marie'e qui ne fcjavokpas les regies du bal 5 crut qu'il etoit de la bienfeance d'enaller prendre un pour danfer j elle s'adrefTa a?M* le Marquis deB • . . il s'en excufa autanrqu'il putjdifant qu'il n'etoit pas en habit decent v & qu¥tant incoa/uto > il ne pouvoit repondre a l'honneur qu^elle lui faifoit : plus il s'excufoit , plus elle redoublok fes inftances v il 1'avertk memo que s'il danfoit avec elle 5 elle pourroit fe repentir de (es empreffe- m€$s. Enfin n*en votilant point de- mordre , & le Cavalier ne f^achant plus que lui repondre , entra dans le centre du bal>& laiffant tomber foa manteau , il fit voir a la mariee un corps de Satyre au naturel : ce qui Icaadalifa toute l'afleniblc'e y les Da- mes DE LA DanSE-. HI tries eurent recours a leurs eventails , les hommes coururent a leurs epees f & crierent qu'on format les portes > mais ces jeunes Seigneurs fe doutant bien de ce qu'il en pourroic arriver , avoient en la precaution d'ordonner a leurs valets de s'en emparer : ils mi- rent tous l'epee a la main \ aufli-bien que leurs Maitres i deforte qu'ils ie h- rent jour pour fortir , fans coup ferir. Cette hiftoire fit grand bruit dans Pa- ris , lc Roi la fcut 5 Sc fans la faveur , il eut envoye a laBaftille les auteurs de cette inde'cence : ils s'excuferent neanmoi-ns fur les regies du bal , pour ceux qui y vont incognito. Le Cardinal Pallavicin rapporte que Philippe II. Roid'Elpagne s'etant trou ve au Concile de Trente en 1 5 6i 9 oii le Cardinal Hercule de Mantoue prefidoit , tous les Chefs du Concile par deliberation convinrentde donner au Roi une fete e;alante , 6c tfigne de la magnificence d'une aiTemblee ir coniida-able : les Dames les plus di- ftinguees de la Ville de Trente , y pa- rurent avec beaucoup d'eclat. La fomptuofite du feftin fut fuivie d'un 12.2. HlSTOlPvE GENERALS bal de ceremonie , dans le gout d'Xta- lie , dont le pompeux appareil merita Papplaudiflement de Philippe II 5 qui y danfa avec autant de liberte que de modeftie, de meme que les Qirdinaux & autres grands Prelats qui fe trou- verent dans le cercle du bal. On peut infe'rer de-la que l'Eglife ne condam- ne pas abfolument l ufage de la danfe 5 mais bienles abusqu'on en pent fairer fans quoi le Cardinal Pallavicin n'au- roit pas rapporte un ifait fi favorable pour elle , dans fon hiftoirc du Con- cile de Trentc. On ne trotive point de re'gnes en France oil les bals de ceremonie ayent e'te' plus en vogue que fous Charles IX. &c Henri III. & furtout pendant la Regence de Catherine de Medicis. Outre que cette Reinc avoit beau- coup devout pour les fetes de rejouif- fance , elle f^avoit encore s'en fervir pour parvenir a fes fins, fuivant fa politique , comme les Hiftoriens font rapporte' 9 an fujet du voyage qu'elle fit a Bayonne , avec tonte la Cour : ce fait eft confirmc par les Memoires de h Reine de Navarre 3 qui difent qu'elle avoit menage reritrevue de fa fille Reine (TEfpagne & femme de Philippe II. &c qu'elle y vint accom- pagne'e duDuc d'AlbeGouverneur des Pays-bas, politique auffi dangereux que la Reine Regente \ Pon pretend que ce fut dans cette occafion qu'ils tramerentle maflacre de la S. Bardie'^ lemi , auquel Charles IX. ne confen- tit qu 5 a leur perfuafion. Quoi qu'il en foit , la Cour fe trouva tres-floriflante a Bayonne , par l'arrivee des Dues de Savoie & de Lorraine , & de quantite de Princes & de PrincefTes e'trangers y deforte que h Regente ne fongeoit qu'a les engager dans tes interefts^ par des divertiflemens continuels , qui confiftoient en feftins> en bals deux fois le jour , Sc en fpe&acles i elle leur donna en'tre autres une fu- perbe fete 5 dans une petite Ifle fitiie'e liir le bord de la Riviere de Bayonne , ou il fembloit que la nature avoit for- me un Salon expres dans le milieu d\m beau Bois de Futaye , pour la celebrite de cette fete : la Reine y fit couper Sc etayer des arbres , pour former treize berceaux qui e'toient illuminez pat Lij 124 HlSTO-IRE GENERALE des luftres fufpendus aux branches des arbres , & fous lefquels il y avoit des tables de douze converts chacune; celle du Roi , des Reines 5 des Princes §c des Princeffes du Sang, etoit dif- pof^e djemaniere , qu'elle repondoit a Routes les autres tables , afin qu'ils puffent voir d'un coup d'oeil route raflemhlee pendant lerepas. Les filles d'honneur des Reines vetues tres ega- lenient , partie en Nymphes s partie en Naiades -, elies avoieiu le (bin de ran- ger les plats fur les tables., de donner a boire a la table Roy ale : des Satyres fortant du Bois , leur apportoient tout ce qui convenoit pour le fervke •, de- forte qu'il fembloit que la fete £toit Qrdonpee par quelque Divinite cham- petre ^ & que Comus y prefidoit. La fingularite de I'illumination de cette Ifle , la faifbit paroitre comme tine Iflpenchantee par les Fees *, outre que tout le ceiptrc du Salon etoit orne de pampres , de feftons,de guirlandes, de lieurs artiftement attachees aux ar- bres -, tout cela etoit accompagne' d'un concert de voix & de toutes fortes 4'iaftrumens. Pendant le repas .«, d^s Til la Dakse; i*| troupes de danfeurs & de danfeufes des Provincesvoifines, quie'toient ve- hus a Bayonne au bruit de la fete , y danferent a la maniere de leurpays : ks Poitevins, avec la cornemufe s les Provengaux , au fori d 5 un tambourm que le Menetrier bat dela main droi- te , & de la gauche s^en fert pour jouer. du flageolet 5 les Bourguignons 8c les Champenois, avec le petit hautbois 8c le tambourin ; l^s Bretons y danferent les Paflepieds & les Branles gais, au fon des violons ; & les Bifcayens 3 a k Morefque , avec le tambour de baf- que. Toutes ccs nations fircnt un fpe- ftacle aflez divertiflant pendant une partie du repas \ on forma enfuite un grand cercle dan? le centre du Salon , pour le bal de ee'remonie, oil toute la Gour fediftinguaparlagravite'&lano- blcfle des danfes fe'rieufes , qui etoient en ufaee dans ce tems-la , entre atitres la Pavanne d'Efpagne , le Pavement) d'ltalie , les Courantes de France , la Bouree 5 le Paffepied, la SiflTonne, &c. Mais par malheur , avant la fin du bal, le Ciei jaloux d'une fete fi com- plete , envoy a un orage fi foudaia Liij XX.6, HlSTOIRE CBNER Ai ,B & fi furieux , que toute la Cour flit qbligee de fe fe'parer en defordre , &: que routes les parures de Pun & de Pautre fexe furent confide'rablement endommagees. Le Ledteur pourra ju~ ger , par la. defcriprion de cette fete £ du gout- de Catherine de Medicis r pour engager le plus qifelle pourroit , de= grands Seigneurs dans (on parti*, outre que Pamour fembloit toujours ctre dlntelligence avec elle , pour fa- -b pour ] vorifer fes defTeins 5v dans toutes les. fetes qu'elle imaginoit. C'eft un ufage en France 5 qu 5 a ton- tes les occasions des rejouififances pu- bliques , PHotel" de Ville de Paris donne une fete qui confide en feftins, en bals 5 & en grands feux d'artifice 5 dont la depenfe eft tres-confiderable*, L'Hiftoire remarque que du terns, d'Henri IV. les treize Cantons avoient envoye un tres-grand nombre de Bourguemeftres a Paris , pour renou- veler leurs alliances y ce qui fe fait de- puis tons les cinquante ans. L'Hotel de Ville avoit envie de les regaler avec grand appareil , mais n'ayant pas de fonds dans ce tems-la pour DE LA DANSE. 117 furvenir a cette depenfe >, le Gou- verneur de Paris ,.le Prevot des Mar- chands &c les Echevins s'aviferent de prefenter un Memoire au Roi , pour le prier de leur accorder un petit droit fiir les Robinets des Fontaines publi- ques de la Ville , pour re'galer les Cantons. Henri IV. ay ant liileMe- moire r leur dit : Meffieurs y il n'ap- partient qu'a Dieu de changer l'eau en vin y cherehez quelque autre fonds , qui ne foit point a charge aux Pari- fiens , pour bien regaler mes Alliez. Une re'ponfe fi fage fait bien voir la borne' que ce Roy avoir pour fon peu- pie. J'ai vu en \6 6 4 la fete qu'on leur donna a l'Hotel de Ville en pareille occafion , 011 les feftins , les bals& les feux de joie repondoient a la magni- ficence dii re'gne de Louis XIV. Com* me mon pere e'toit Capitaine de fon Quartier , il fut prie de la fete , &c m'y mena : j'y danfai une Entre'e a la Suif- fe , que Saint- Andre m'avoit mon- tree 5 les Bourguemeftres batirent des mains , &c me firent boire razade dans unpetit verre , a la fame des Cantons* L iiij • Yl8 HlSTOlUE GENERALS Apres la maladie du Roi en 1 6 84 ; vSa Majefte voulant venir a Notre- Dame ' pour rendre graces a Dieu de fa gue'rifon, le Gouverneur de Paris & le Prevot des Marchands allerent prier le Roi d'honorer P Hotel de Ville de fa pretence , pour y diner a fon rerour :-fe Roi Paccepta, 8c y fut regale avec route la Cour , d'tine fomptuofire furprenante. Le dine fut fuivi d'un bal de ceremonie $ Mon- feigneur fut Roi du bal y & Madame la Daupkine la Reine : cette Princeffe y danfa avec toutes les graces & la no- bleffe poffible , dememe que Madame la Princeffe de Conty 5 qui faifoit auffi. iin des principaux ornemens du baL Quoique ce fiit en plein jour , la ma- gnificence de Paffemble'e ne laiffa pas de le rendre tres-eclatant. Cette fete eft une epoque immortelle a Phon- neur de PHotel de Ville : Pon en $ peint la repre'fentation dans un grand tableau ■> de la main du fameux Ear- gilliere. J'ai paffe fous filence le regne de Louis XIII. parce que Phiftoire de fon jre'gne ne nous fourait rien d'extraor- de la Dakse. riy ainaire , touchant les bals de ceremo- nie , ni des bals mafquez r je diraf feulement que ce fut alors qifon eta- blit des Maitrifes pour les Maitres de Danfes & les Joueurs de violon : il en donna le privilege a un nomme Bau=- manoir. Enfin je ne puis donner an Le&eur une plus noble idee d'un baf de cere'monie , que de celui cue j'ai vu a Verfailles , au manage de Mon/ieur le Due de Bourgogne > dont Pordre & la magnificence peuvent fervir de modele a routes lesCours de PEurope* Le Roi fit partager en trois la Gale- rie de Verfailles , par deux baluftrades de quatre pieds de hauteur ; lapartie du milieu faifoit le centre du bal : il y avoit une efttrade de deux marches , couverte des plus beaux tapis des Go- belins , fur laquelle on rangea dansle fond, des fauteuils de velours cramoi- fi, garnis de grandes crepines d'or, pour placer les Rois de France 8c i'Angleterre , avec la Reine , Mada- me de Bourgogne , tons les Princes &c Its Princefles du Sang ^ les trois autres- cotez etoient bordez au premier rang, fie fauteuils fort riches , pour place* 2JO HlSTOIRE GENERATE les Anibaflfadeurs , les Princes ,, Ie& Princeflfes Errangeres,les Ducs,lesDu- chefTes,& les-autres grands Officiers de la Coaronne •, d'autres rangs de chai- fcs derriere ces fauteuils, pour les perfonnes, de coniideration de la Cour & de la Ville > a droite & a, gauche du centre du bal , etoicnt des amphi- theatres pour placer les fpe&ateurs^ Mais pour eviter la confufion , on n'entroit que par un moulinet , Pun apres Pautre. Il y avoit encore un pe- tit amphitheatre fepare, pour placer les ving-quatre Violons duRoi , avec fix Haubois & fix Flutes douces. Toute la Galerie etoit illuminee par de grands luftres de criftal 5 , & quantite de girandoles garnies de grofV {es bougies. Le Roi avoir fait prier par billets tout ce qu^il y ade perfon- nes les plus diftinguees de Pun & de Pautre fexe , de la Cour & de la Ville, avec ordre de neparoitre au balqtfen habits decens , des plus riches & des, plus propres , pour rendte Paffemblee plus brillante •> deforte que les mom- dres habits d'hommes coutoient juf- ^ipa trois a quatre cens piftoles : les uris I BE £A DaNSE. I;}-£ ctoient de velours brodcz d'or & d ? ar~ gent , 8c doublez d'un brocard , qui coutoit jufqu'a cinquanre ecus Paul- ,ne y d'autres etoient vetus de drap d'cr ou d'argent. Les Dames n'etoient pas moins pare'es -,. Peclat de leurs Pierreries faifoit aux lumieres un effet: admirable., Gomme j^eeois appuye' fur une ba- lustrade, vis-a-vis Peftrade oil e'toit: place ie Roi y je eomptai que cette ma- gnifique affemble'e pouvoit etre com* pofe'e de fept a huit cens perfonnes , dont les difterentes parures formoient; nnfpe£iacle digned*admiration. Mon- fieur & Madame de Boulogne ouvri- rent le bal par une Courante : enfuite Madame de Bourgogne prit le Roi d'Angleterre pour danfer ? lui, la Rei- ne d'Angleterre 5 elle , le Roi , qui prit Madame de Bourgogne 5- elle prit Monfeigneurv ii prit Madame, qui prit Monfieur le .Due de Berri : ainfi lucceffivement tons les Princes & les PrincetTes du Sang danferent chaciin felon fon rang. Monfieur le Due de Ghartres , aujourd'hui Regent , y dan- fa, un Menuet $c une Sarabandede & *%$% HlSTOIRE GENERALS bonne grace , avec Madame la Prm- cefle de Conti, qu'ils s'attirerent Pad- miration de toute la Cour, Comnie les Princes & les Princeffc-s du Sang etoient en grand nombre dans ce tems-la , cettb premiere ceremonie fut afifez loiigue 3 pour que le bal fit une paufe y pendant laquelle des Suif- fes precedez des premiers Officiers de laBouche, apporte-rent fix tables-am- bulatbir es , fuperbement fer vies e4i ambieus , avec des buffets chargezde Routes fortes de rafraichiiTemens , qui furent placez dans fe milieu du bal «, ou chacun eut la libelee d'aller manger & boire a difcre'tion peildaM une de- mi-heure. Outre ccs tables ambulantes , il y avoir une grande chambre a eote de la 1 Galerie , qui e'toit garnie far des gra- dins, dime infinite de baffins remplis de tout ce qu*on pent s'imaginer pom* compofer une fupcrbe eolation , dref- fee d'une proprete enchantee. Mon- fieur, & pluiieurs Seigneurs & Dames de la Cour vinrcnt voir cet appareil y pour s'y rafraichir pendant k paufe dw feat 'j je les fuivis auffi ; ils parent feu- .'d-i la Dans-s; 13 j kment quelques grenades , citrons , oranges , & quelques confitures fe- ches -■> mais fitot qu'ils furent fortis , rout fut abandonne a la difcrerion du public : toutce grand appareil fut pil- le en moins d'yn demi-quart-d'heure , pour ne pas dire dans un moment. 11 y avoit dans une autre chambre deux grands buffets garnis , l'un de routes fortes de vins,& l'autre de routes fortes de liqueurs 8c d'eaux ra- fraichiffantes : les buffets etoient fepa- rez par des baluftrades ^ 8c en de- dans une infinite d' Officiers du Gobe- let avoient le foin de donner a qui en vouloit tout ce qu'on leur deman- doit pour rafraichiffemens , pendant tout le terns du bal qui duratoute la njuit , quoique le Roi en fortit a onze heures , avec k Roi d'Angleterre, la Reine , & tous les Princes du Sang , pour aller fouper > mais pendant que le Roi y fut v on n'y danfa que des dan- ks graves 8c ferieufes , oii La bonne grace 8c lanobleffede ladanfeparut dans tout fon luftre. Je ne crois pas que dans quelque four que ce puilfe ctre^ on put voir ^J4 HlSTOmE GENE RALE 4ui bal de ceremonie plus fuperbe^plus brillant 5 mieux ordonne , & plus ac- compli. Depuis le mariage deMoftfieurle Due de Bourgogne 5 on a vu que Ies danfes nobles & f erieufe,s fe fqnt abo- lies d'annee en anne'e ., comme laBoc- canne 5 les Canaries , le Paffepied, la Duchefle 5 & bien d'autrcs, qui con- fiftoient a faire voir la bonne grace & le bon air de la danfe grave 5 comme il fe pratiquoit du terns de la vieille Cour : a peine a-t-on conferve le Branle 5 la Courante , & le Menuet ^ les jeunes gens de la Cour ayant fub- ftitue en la place les contre-danfes, danslefquelles on ne reconnoit plus la gravite ni la noblefife des anciennes i telles font la Jaloufle , le Cotillon , les Manches vertes , les Rats , la Cabar- retiere 5 la Teftard , le Remouleut , &c. deforte que par la ftiite du terns onne danfera plus dans les aflembiees de ceremonie 5 que des danfes baladi- nes. Cela va a la deftruflion des dan- fes ferieufes 3 & confirme avec raifon le reproche de I'humeur changeante des Francois ? qui en cela 9 comme ea : BE XA DaNSE, 135 bien cPautres chofes, facrifient fou- vent le bon an plaifir de la nouveau- ie* ^ , J'ai oui dire a nos fameux Danfeurs que Pufage des contre-danfes nous vient d'unMaitre a danfer d' Angle- terre , arrive en France il y a douze ou quinze ans i elles paflfent chez cette nation pour des danfes de contree 1 mais dans leur origine , elles paffoient chez les Anciens pour des danfes ren- verfees , comme nous avons dans la Mufique Pufage de la fugue & de la contre-fugue. C?eft ce que les Anciens ont attribue' a De'dale , comme je Pai dit ci-devant, &ce que les, Danfeurs modernes ignorent 5 comme bien d'au- tres chofes qui concernent Porigine de la Danfe. Void ce qu'un fameux Poete de nos jours nous en a dit. Womus , avee la jeuneffe, Rafine fur fes lemons 5 Leur caprice ou leur adrclTe Les varie en cent fa §ons, leurs pas , leur courfe iaegale x$6 His to ire gb-ne«.axi. RepreTentant le Dcdale De la fillc de Minos : Jeux que fur Tairain docile Dcs armes du jeune Achiile iTiajja; le Dieu dc Lemnos. Cette ftrophe tire'e d'une Ode fake fur la Danfe a P Academic Fran^oife en 1 7 1 4 , nous fait voir Porigine des contre-danfes , que De'dale appre- noit a la belle Ariane , au dire d'Ho- mere. Le PafTepied eft encore une danfe des plus anciennes, puifque Pline nous afliire qu'elle tire fon origine de la Pyriqut , & que cette danfe eft fort convenable a la jeunefle pour denouer le corps ; & lui donner la bonne grace quand il fe prefente dans une afifem- blee. Je doute fort que Pon trouve dans les contre-danfes d'aujourd'hui les memes prcceptes qui font renfermez dans nos anciennes danfes, autant pour la perfection du corps , que pour la bonne grace. C'eft pourquoi les plus fameux Maitres de Danfe repu- gnenr BE LA DANS!; IJ7 gnent aujourd'hui a montrer a leurs Ecoliers les contre-danfes 3 qui n'ont «jue le caprice pour tout principe. Les jeunes Seigneurs de la Cour ont encore e'tabli des bals champe- tres j qui fe font 1'Ete dans le grand rond du Cours , pendant le clair de Lune, 011 chacun danfe a fa guife. Je finirai ce Chapitre par ce que nous apprend Gafarel dans (cs Curio- iitez inouies , ch. y , au fujet des bals : il dit qu'Alexandre III. Roi d'Ecoffe fut averti du jour de fa mort dans un bal de cere'monie , par un fpedtre ou fantome qui y danfa au vu & au grand etonnement de toute 1'aflfemblee : le Ledteur en croira aulli ce qui lui phi- ra ; mais j'ofe dire , parce qu'il m'eft arrive en 1 7 1 % , que cela n'eft pas in^ croyable. M I3S H I S T O I R B GEN E R A if ODE DE LA DANSB* Qui a remporti le premier prix % l y Academe en 1714^, par fid* le Roy* ^ Ur la trorripette heroique ** Jc n'accorde point mes airs , La fagefle du Portique N'appefantit point mes vers* Mafcde la yiens Terpficore riante , Ge font des jeux que je chantc ^ Qui te doivent Ieurs appas 3 yiens , danfe au fon de ma lyre 3 It rends les airs que j'en tire., 4uffi iegers que tes pas Venez Dieux , venez D6cffes j f>;nfes Sa« La Danfe au pied des autels Mena jadis vos Pretreffes , Offrir les voeux des mortels : Soleil , par ce feul langage Danfe des L'Indien rcndoit hommage Bracmanes, . , , people des la- A ta fecpnde darter BE LA DANSE? 2J9 Dcs Saliens fous lcs armes des, en l'hon- neur da So- Ics Danfes , Dieu des allarmes a leiK Pretres ds Plaifoient meme a ta fierte, Masi* Da temple viens fur la fccne^ Banfe , vicns- y difputer Aux efforts dc Melpomene L'honncur de nous enchanter. Kon , que tes charmes s'unifflfot Aux vers , aux chants qui rempliffens Le Speclacle que je vois : fe'Pfcxaj Vous n'avez de reffemblancc Que la loi de la cadence , I Qui vous affervit tout troi$t Mercuredu fombic Empire A-t-il traveifeles flots ? Son caducce en retire Une foule de Heros , Jujets U fei* TT ./v» r 1 • fonnaees des Une puiilance foudaine Ealen! JLeur rend l'amour ou la hauie > Mij IJ^O HlSTOIRE GEtfERALl, Dont ils furent agitez : Mouvcmcns qui dans moi-m4me> Par un preflige que ^aimc ^ Seront biencoc tranfportcz^ W . ■ Dstsfes de Tout ce que la Iangue exprime causae-, 5 a ;g t l cntcment 1'efprit $. Far la Danfe tout s'anime •>_ En un inftantnouc eft dit ^ Scs geftes a fes.pas agiles,, Scs cara£teres mobiles Dccriycnc nos fencimens u Ec ces vivantes peintures Changcnt d'autant de figured Que le coeur de mouvemens % $ . La crainte pale & trernblante Traine des pas languiffans^ La colere ctincelante Roule des pas bondiflans s Agice par inter vales j DE LA DANSEt *4* >Tombe a chutes inegales tc defefpoir plexn d'horreurs i ha. librc & vive allcgreffc Coulc avee plus de mollcffe .Que Zcphirc fur Ics Heurs, Grccc , feconde en miracles , o'inres del Chez toi cec Ait fedudtcur fit admirer des fpectaclcs Pormez par un feul afteur \ 5es attitudes parlantes , Ses pas ,'fcs mains cloqucntes [Tracent unc hiftoirc aux yeuxv Tccond , il fe multiplier C^eft Tclcphc qui fupplic ;i Ceft Oreftc furieux. Toi qui pretcs al'Hiftoire iTon mafque & tesornemens , Fable , dis moi , dois-je-croire Prothcc & fes changemens h f4'£ HlSTO^RE ^E^ERAtBi Je commence a mieux connoitrc Ce mortel qui fembloit ctre Cequ'il vouloit imiter, (Admirable Pantomime , Que la farprife unanime An xang des Dieux fit montefr Pas d'un Quel couple aimable s'avance amant &: ' . d'unc araan- Ce font deux amans heureux :.., J'interprete leur filence -> Et fentens parler leurs fcaxr Us fe fuivent , ils s'evitent r lis fe joignent , ils fe quittent 5 leinte pleine de douceur & L'un devant , F autre s'arretc > S'applaudit de fa conquete , Ou rend gjoire a Ion vainqueur, W Chcrurs des D'une troupe plus nombreufe .. Muie regie les accords, D'une joic impetueufq BE IA BaNSE*- Itends docilcs lcs tranfports >; lorme une danfe nouvelle y pt de milk autres en cllc Confonds la varictfc :~ lAmufantc fans baflefle ^ Serieufe fans trifteiTe s fee vive avec majefte. IN* Chacofifll| Mornus , avec la jeunefle , Hafine fur tes le 5011s , leur caprice ou leur adrefle Les varie en cent fa 50ns 5 Leurs pas, leur courfe incgale Reprefentent le Dedale De la fillede Minos:* Jeux que fur l'airain docile Des armes du jeune Achille iTraga le Dieu de Lemnos, fcontfedall ^Dinfc figuree des Athenfennes , invemee a I'oc- cafion de la fuite d'Ariane, &de fou hetfreufe for tie dulabirintc. Vulcain J'avoit representee fm le boua c)icr d* Achille, C44 HlSTOXRE dENERAlf Mais preflbns les Dieux propices £eC*niAV»l. D'amener ces jours fi chers, 0u ton cuke & tcs dcliccs. Occupcnt tout TUnivers v. j ■Alors les graces renaiflent , Xes ris , les jeux reparoiffent ■#. Enfans d'un Ioifir heureux % Zcphire , que 1'hyvef glace s Puis l'amour , viens a fa place Nous rammer par fes feux* Xes Mafca- C'eftPamour qui nous redonntf - Get art trompcur & charmant 5 Qui fcxu feduire Pomon© En faveur de fon amant : Deguifant le fexe & l'age Aux yeux d'un jaloux fauvage t II derobe nos fecrcts 5 Et s'iL nous cache a nos belles 3 Ccfl pour nous rendre aupres d'elk& L Plus hardis & plus difcrets. Tiinide •BE' 1A DAtfSE* Timide amant dc la gloirc , %t cache pour Tacqucrir, J'attendrai que la vi&oire Viennc enfin me d£couvrir» Dcja Mincrvc s'avance , Son air riant & fa danfe Calment mes efprits flotans ■% Prit-elle un autre langagc l>our applaudir au courage Bu vain^ueur des fiers Titans I H5 danfa laPjr- riqae atf triomphe 4fi lupicer fac N 14 £ Hi ST 01 RE GENE RAX £ CHAPITRE VI. De I'origlne des Bals mafquez* LEs Fetes Saturnales chez les Rg« mains , 5 avoient tant de rapport a la licence de notre Carnaval , qif on pe pent pas douter que ce ne foit de-la que le bal inafque tire fon o.rigine. Tite-Live nous apprend que les Fe- tes Skturnales furent celehre.es a Ro- me pour la premiere fois 5 fous le Confulat de Simpronius & de Miiir- ciiis , &c que Janus premier Roi d'lta- lie 5 Pan 17 %% du Monde, en fut t'inventeur , par rapport au terns de f age d'or, en 1'honneur du regnede Saturne , pendant lequel terns tons les peuples ^vivoient dans une "indepen- dance abfolue : cette fete fe cele- faroit encore fous le regne d'Augufte* dans le mois de Decembre , pendant huit on dix jours feulement. Oetok un terns de rejouiflance, ou les Maitres & les Valets fe de'gui- foknt i chacun yivoit dans une en* DE lA DANSE"* I47 tiere liberte, comme on le trouveplus au long dans Macrobe , & dans le Trake que Lipfe en a fait , Livre pre-* mier. Mais depiiis Augufte , PEmpereur Tibere voulant reformer le luxe de Rome , & les fetes licentieufes qu'on y cele'broit de fon terns, abolit entre autres celle des Samrnales , ou il fe commettoit des crimes effroyables pendant la nuit, dans des lieux fou- * terrains faits expres pour cette folem- tiite. Cepelidarit les Romains ne vou- lant pas perdre entierement Pufage dc leurs plaifirs 3 pendant ce terns de re- jouiflance , s'aviferent d'inventer des mafcarades no&urnes} chacun alloit deguife chez (cs amis , ou il y avoit feftin ou affemble'e , y portoient des Momons , comme je Pai vu pratiquer il y a trente ou quarante ans , dans Paris j d'autres couroient les rues la nuit & le jour , ainfi qu'il eft rapporte dans Pe'trone , au fujet de Neron , qui fe plaifdit d'infulter les paflans. Mais par la flute des tems Pon s'avifa d'e- cablir des bals no£turnes 5 ou Pon Nij fs^S HlSTOlRS CE.NEtALE a'entroit que mafque apres minuit # v pour laifler la liberte aux Maitres da fcal de fbuper 8c d'aflembler leurs amis , parce que les mafques femblent fe rendre les ,maitres du bal, iitot qu'ils y font entrez , ainoins que ce ne foit chez un Prince ouxhez un Particulier d'une grande diiiin&ion* C'eft pourquoi il ne convient pas a tous de donner ce divertiflement m Public , fans s'expofer a iadifcretion des mafques : c'eft un ufage qui s'eft toujours conferve depuis , pour evi- ter les inconvtniens. On f^ait auili qiWl n'eit pas permis de demafquexum mafque an bal, quel- que perfcnne que ce puifle etre : ce qui fat connoitre que ceux qui ont etabli le bal mafque , n'ont pas man- que dy joindre quelques preceptes., 8c dts regies pour y conferver un or- dre convenable aux moeurs de lg na~ tion, Le mafque a meme la iiberte de prendre la Reine du bal pour danfer , quand ce feroit une Princeffe du Sang,quoique non mafquee; com* me je 1'ai vu *trriyer dans an bal que de la Dans!. 14'jf fe Roi donnoit a Verfailles , par un mafque de'guife en paralitique, Sc envelope d'une vieille c ouvertu e , qui eut la hardieffe d'allef prendre Madame kDucheffe deBourgogne^ clle eut auffi la complaifanee de l'ac- ceprer , pour ne pas rompre l'ordre du feal : on fqlit depuis que ce mafque n'e'toit qu*un fimple Officier de la Cour y cependant il n'en fut point blame , parce que e'eft une licence que le bal mafque autorife. L'entiree du bal doit etre libre i tons les mafques, pendant le Carna- val , furtout apres minuit. L'ufage que les grands Seigneurs ont pris de- puis quelque terns, dene laifler en- trer les mafques que par billets, eft tres-contraire a la libertc publique & a Tinftitution des bals mafquez , parce que le plai/ir du de'guifement confifte a n'etre point connu , & d'y entrer auffi librement qu'aux bals magni- fiques que feu Monfieur donnoit au Palais Royaf, 011 tout Paris fe faifoft un plaifir d'aller fuperbement mafque, outre que les rafraichiflemens y e- loient en abondance s il y avoir cincj Nii] I|0 HlSTOlRE GENERAL! qu fix bandes de Violons diftribuetf dans les apparteniens, Je me fouviens , a propos de la li- berte de l'entree du bal pendant le Camay al , d'un incident qui arriva au Roi chez M. le Pre'fident de N . • . •>, qui donnoit un bal dans le cui-de-fac de la rue des Blancs-Manteaux , an fujet du manage d'un de fes ills 5 il y.&, pres de cinquante ans. Le Roi qui fe plaifoit quelquefois a cpurre le bal incognito 3 fat a celui dih- Prefident de N . . '<• avec un cortege de trois Caroffees de Dames & de Sei? gneurs de la Cour> toute la Livre'e ctoit- en furtout gris , pour n'etre pas, reconnue. Mais les Suiflfes quiayoient ordre de ne laiffer entre-r lesmafques que par billets 5 refuferent l'entree a la bande du Roi , quoxqu'il fut une lieure apres minuit. Sur cerefus,ii ordonna-; de mettre le feu a la porte : auffi-tot la Livree alia chercher une douzaine de fagots chez le premier Fruitier , que 1'on dreffa contre la grande porte , &que 1'on alluma avec des flambeaux. Les SuifTes epouvan- ?ez de cette hardiefle , allerent ea BE LA DANSE. Ift avertir M. de N . . . .qui ne balan^a pas d'ordonner aux Suiflfes d'ouvrir routes les portes, fe doutant bien qu'il falloit que ce fut des perfonnes de la premiere qualite , pour fake une ac- tion fi hardie. * Tour le cortege en- tra dans la com* , & Pon vit paroitre dans le bal une bande de douze maf- ques magnifiquementparez , avec une infinite de grifons mafquez , tenant un flambeau d'une main 5 & Pepee de Pautre; defcrte que cela imprimale refpect a toute Paffemblee : M. de Jbouvois qui etoit de la troupe du Roi, tira M. de N . . . a part -, & s'etant dc- mafque , lui dit qu'il etoit le moindre de la Compagnie. C'en fut affez pour obliger M. de N . . . a re'parer la fau- te •> il fit apporter dans le bal de grands baflins de confitures fe'ches & de dra- gees : mais Mademoiselle de Mont- penfier qui danfoit dans ce terns-la , donna un coup de pied dans Pun des bailins , qui ie fit fauter en Pair. Cette * Ce fait eft rapporte dans le Journal fe- cret des Divertiffemens de la Cour de Louis XIV. Niiij J:pL HlSTOlKJE GENERALS a&ion allarma encore M. de N . . » mais. le mal alalia pas plus loin , par la prudence du Roi , qui calma le refientiment des Princes &des Prin- ceffes, du refus de l'entre'e du bal, deforte qu'ils fortirent fans fe faire- connoitre v apres avoir: danfe' autant qu'ils le voiilurent. Le lendcmain ce fait fut rapporte au diner du Roi 8c de la Reine mere ,, par gens qui ignoroient qu'il eut ete de h partie : ils approuverent I'a&ion des mafques^& dirent qu'il falloit que les entrees d'un bal fuflent libres aux> mafques dans le terns du Carnaval, apresminuit > &c que fi 1'bn ne vouloit fe. commettre, qu*il ne falloit pas s'ex- pofer a en donner du tout,t Cette de- cision a pajffe comme une efpece de loi. Il eft de kprudence d'un Prince Sc des grands Seigneurs , quand ils veil- lent courir le bal incognito oil a. l'or^ dinaire , d'etre mafquez noblement % 8c toujours d'un air qui les diftingue du commun, pour n'etre pas expofez a. cent incidens qui en peu vent arri- ve! y quoiqu'ilslefaffent qiielquefcig BE IA DANfrEi 155 fom rendre leurs divertiffemens plus agreables &plus libres > eomme je Pa* rapportc au fujet d'un bal donne par | Antiochus a toute fa Cour. L'Hiftoire nous en a conferve quelques autres exemples que void. Ajthenee , Livre 5; , parlant de la* Danfe , rapporte que Plancus Lucius Proconful des Gaules , Tan 1 6 o de Jefus-Chrift , e'tant a Lyon , & vou- lant alter a un bal mafque , s'avifa de fe de'guifer. en Glaucus Dieu Marin , que les Peintres repre'fentent comme un monftre marin , ayant une grande queue de poiffon : il y danfa for fes genoux & d'une maniere fort extra- vagante 5 ce qui augmenta la curiofite de 1'affemble'e , pour f & mit par malheur le feu a leur peau de lin colle defifus avec de la poix > la Salle fut auflitot pleinc de flammes , & remplie, d'effroi &c de cris -, tout le monde s 5 e- toufoit pour fortir v quelques-uns. crioient fmve le Koi : laDuchefle de Berry qui etoit avertie de cette Mai- carade , reconnut 1c Roi, le couvrit de fa robbe 5 & le preTerva bien dm feu ; mais Papprehenfion dont il fur faifi y le reduifit en urr ctat pire que devant : le Comte de Jouy , le Batard de Foix furent mife'rablement grillez y le jeune Nantouillet s'avifa de fe jet- ter dans une cuve pleine d'ean , qui le garantit de Pincendie. Les Parifiens^dit Mezeray , en voulurent un mal' mortel au Due d'OrleanSjComme fi e'eut ete un coup pteme'dite' 5 fi bien qu'il n^ofa paroitre- dans Paris de plufieurs jours. Mais pour expier cette faute \ il fitbatir une £>E LA DaNSEV Iff: Chapelle aux Celeftins , & y fonda im Service pour ceux qui e'toient marts de cet accident. Ces exemples font aflez connoitre qu'il eft de la prudence des Princes 8c des grands Seigneurs de ne point for- tir de leujr C4rad;ei r e dans j^urs diveiv tiflemens. Ily ade Papparence que Pufagedes . bals niafquez pendant le Carnaval 3t eft auffi ancien en France que 1'eta- biiflement de la Monarchic , & que nous le tenons des Romains, qui ont gouverne les Gaules jufqu'a Pan 4 % o ., Mais Pon pent dire que la magnifi- cence des bals mafquez n*a jamais pa- ru plus fuperbe que fous ie.regne da Louis XIV. 011 le luxe femble avoir nionte an fupreme degre' : c'eft pour- quoi , fans parlor de ceux qu'on a vii a Verfailles, a Marly, au Palais Royal &: a Sceaux *, nous ayons vu auffi des Princes Etrangers & des AmbafTa- deurs donner des bals mafquez qui coutoient jtifqu'£ dix ou douze mille ecus : temoin ceux que le Prince Ema- nuel de Portugal a donnez au Public au mois de Juin 17 15 ^ a PHotel de iffS HlSTOIRE GENERALE Bretonvilliers , dans Plfle , avec urt feii d'artifice fur la riviere: Pon y vk encore trois piramidcs de feu , dreflfees dans le jardin , dont la nouveaute' fur- prit tons les maiques* Rien ne man*- quoit d'ailleurs pour les rafraichiffe- mens \ il y avoir des bandes de Vio^ lons & des Haubois dans cinq ou fix ehambres. M. le Due de Baviere en a donne auffi plufieurs a Siirennes, qui n'ont pas ere moins magniiiques : la fomp- tuofire de ees bate mafquez , & la di>- rete des terns, font caufe que les Par~ ticuliers n'ont plus ofe fe hazarder d'en donner a Paris ^ Pon n'en vit pas line douzaine pendant le cours du Carnaval de 1714^ Mais comme depuis Ik molt dd Louis XIV. toute la Cour s'eft ren- fermee dans Paris , S. A. R. Mon^ feigneur le Regent a permis d'e- tablir un bal public dans la Salle de PQpera, trois fois la Semaine , pen- dant le cours du Carnaval, en payanr un ecu de cent fbls pour Pentre'e de ehaque mafque , de Pun & de Pautre f&xa Gomme la Salle eft ornee fuper** BE LA DANSE. 157 bement ^ avecxme nombreufe fimpho- nie , & que Pordre y eft fort bienob- ferve , outre la defenfe du port d ? armes aux irafques b ce div^rtiffement s'efk trouve fi fort au gout du Rublic & des Etrangers , que chaque jour de bal a produit jufqu'a mille ecus > a ceux qui en ont le privilege. Ce grand profit a fait tan* d'envie aux Come'diens Fran- cois ^qu'ils en il s'y en trouva plus de quatre cens. Je me fouviens qu'en Pannee 1 6jx faccompagncis quelquefois une jeune ^Hugueno^e aux Preches du Miniftre Claude a Charenton > & qu'il cenfu- roit avec autant de force & de ve'he- mence que font nos Predicateurs , Pu- lage des bals mafquez : cependant je .ne laiflfai pas d'y mener mon Hugue- xiote a deux oil trois , entre autres a im qui fe fit a PHotel de Conde , qui ■ctoit de la derniere magnificence, malgre les defenfes du Miniftre Clau- de. Il fit auili ce qu'il put pour m'atti- ;cer a fa Religion , me difant que j'avois un Saint de ma famille parmi eux > de faire une foun- dation pour marier un gar^on&une fille de ion Village - ? deuxfois Pannee, a perpe'tufce 5 a condition que le jour des noces , le marie , la mariee, & tows les conviez viendroient danfer a Pen- tour de fefofle, avec fix violons 8c fix haubois , fur Iaquelle foffe il y a une grande croix de cuivre , pour marquer la Religion du Fondateur t it affure audi que depuis le terns de cette Fondation , Pexecution n'en a point etc interrompue", bien que les habitans du lieu ayent change de Reli- gion •, ce qui marque la veneration qifils ont pour la memoire de ce fa- meux Peintre natif de leur Village p dont il portoit le nom , qui eft more bon Catholique. Je crois ne pouvoir mieux finir ce Chapitre > qu'en laif- fant le Le&eur a la noce* CHAP* 1>E IaDaNS!, 1 iff i GHAPITRE- VI ^ Mes Speilacles des Danfeurrdt corde 9 & de i Art Gymnafiique , & des fams pirilUux. 3'Ai era devoir employer dans l'Hi~ .ftoire generate de la Danfe , ce qui conceme celle desJDanfeursde corde y apres avoir eu connoifiance du Livre d'Archange Tuccaro Profeffeur en V Art Gymnaftique , qui traite de cet Art > ou des Exercices du corps , de- die an Roi de Naples-, & imprime a Paris en 1 5 99 , que Mi Boyvin , ds 1& Bibliotheque Royale v m'aprete, fca- chant que je travaillois a l'Hiftoire de* la Danfe. C'eft pourquoi on pent re- garder ce Chapitre commc un Sup- plement, qui renferme auffi quantite de faks hiftoriques fur la Danfe, qui m'etoient echapez dans la recherche que j'en ai faite. C'eft auffi dans cet efprit que le Cardinal Duperron ne regardoit que comme un canevas la, premiere edition d'un Livre , pourpea^ O a-fcfc HlS TO I RE GENE RALE que la matiere fut neuve &c etendue *j &. telle qu'on pent regarder celle done je traite. Je dirai done que les Danfeurs de corde font deveuus depuis un terns ft agrcables an Public , par 1'embelliffe- ment de leurs Jeux & par la proprete de leurs Theatres , que je fiiis perfua-* de' qu'on fera bien-aife de fcavoir l'o- rigine de, leur etabliflement : on peut. meme le regarder comme le premier fpediacle public, qui aitparu chez les Grecs., puifqu'il etoit en ufage bieit aupatavant les Jeux Oiimpiques. Boulanger , dans fon Traite da Theatre ,,dit que les Danfeurs de cor- de etoient connus chez les Grecs fous le nom de Scocnohates * & chez les La- tins fous celui de Hinambulus \ ce qui renfermoit chez les Anciens quatre fortes de ces danfeurs. Les premiers etoient cenx qui voltigeoient autour chine corde , comme tine roue qus- tourne autour de fon effieu 5 & qui fe fofpendoient par le cou ou par les pieds : les feconds e'toient ceuxqui fe couloient du haut en bas fur une cor- de 9 appuyez fur Peftomac , ay ant les DE LA DaNSE* I'ffjP bras & les jambes etendues : les troi- ficmes etoient ceux qui couroient fur une longue corde tendue en droite li- gne , & memefur une autre tendue du haut en bas , ce qui paroiffoit fortpe- rilleux , & les quatriemes etoient ceux qui danfoient naturellement "fur une corde tendue ,. avec le contre-poids 9 comme nous le voyons familierement aujourd'hui. Mais par la fuite des terns ils joignirent a leur troupe des Sauteurs pour les fauts perilleux > que les Grecs appeloient Cnbtfles , & des femmes qui fautoient au-travers des cerceaux garnis de pointes d'e'pees en dedans, 8c qui faifoient quantite' de tours de foupleffes &c d'agilitez tres- furprenans ; ce qui rendit audi leurs fpedacles plus divcrriflans & plus eftnnables. Spon nous apprend encore dans fa Recherche curieufe de PAntiquite 3 que Part des Danfeurs de corde eft d^s plus - anciens , & dont Porigine commenca des Pe'tabliffement des Foires de Ville en Ville , pour Putilite du Commerce , & qu'ils dreflfoienir ieurs. Theatres dans, les Places pn- Oil 1^4 His to i re generals bliques , pour aflfembler le peuple 3 '& pour feryir de divertiffement.aux JMarchands Forains. lis avoient en- core parmi eux des Saltinbanques ou Charlatans 5 pour vendre leurmi- tliridat > &c fur la fin du fpe6tacle , quelques-uns de leur troupe alloient fairs la quete parmi les fpe&ateurs , quimettoient ce qu'ils vouloientdans la tirelire, comme je I'ai vu pratiquer dans ma jeuneife les Fetes ScDiman- ches a la Place, de Nefles,ou l'on a bati depuis le Colle'ge dts Quatre- Nations. Mais les Curez de Paris Yoyant que ce divertifTernent public attirqit & dc'tournoit le peuple du, Service divm 3 en firent abolir I'ufa- ge , &reduifirentles Danfeurs de cor- de a ne jouer plus qu'aux Foires de Saint Germain &c de Saint Laurent, fuivant le Reglement de 1 5 6 o , e'non- ce dans le Traite de la Police du Com- raiiTaire- de la M 4 arre , qui reduit les Danfeurs de corde a ne jouer dans les Viiles du Royaume que dans le terns, des Foires ,. & a decouvert dans les Places publiques. C'eft apparamment flit les remontranc^s des Gurez , qiiQ be la Dans te* 1^5 les Danfeurs- de corde n'ont plus jouc qu'en champ clos, oil je me fouviens d'avoir donne feize fols aux premieres loges, & les autres places e'toient a proportion. II eft-vrai auili que dans ce tems-la les hommes-& les femnies- xm pen de mife n'alloient a ces fpe&a- cles qu'avec une efpece de honte. Paufanias rapporte aufli que les Grecs refuferent d'admettre les Dan- feurs de corde, aux representations des Jeux Olimpiques , parce qu'ils n'avoient point d'a&ions ni de pre- ceptes.dans leurs Jeux-, qui tendinenr a la perfection des moeurs , ni a au- cune vertu morale ni phyfique : leurs Jeux lie confiftoient qu'en des exer- cices violens , &c fouvens en danger de perdre la vie.* Ceux de nos jours n'ayant pas t& liberie de parler dans leurs Pieces de Theatre , imiterent pendant un terns Part des Pantomimes , qui s'expri- moient par les geftes , & enfuite par le chant & par des tableaux. Mais les Come'diens Francois & l'Opera s'e'- tant toujours oppofez a 1'embellifle— mem dc leurs fpc&acles., les ont a h I & qu'ils firent mcttre des ma- teiats etendus fous la corde , parce qu'un petit garcon de la troupe s'etoit laiffe tomber en danfant devant eux : ce qui fut caufe auffi que jufqu'au regn-e de Diocletien , on tendit tou- jours des filets fous la corde , crainte de pareil accident , furtout quand les Empereurs honoroient les Danfeurs de corde de leur prefence.. Capitolin rapporte encore qu'au terns deNe'ron, un Chevalier Romain parut a un de ces fpectacles , monte far unci e'fant > l 6$ HlSTOIHE GENERALS qui marchoit en cadencefur la corde ? ce qui fait voir que les Danfeurs de corde ecoient dans cetemsJa en quel- que reputation pour les fpedtacles pu- blics : les Empereurs Romains y affi- ftoient auffi pour fe rendre plus fami- liers au peuple. Il faut que leurs Jeux ayent bien^ degenere depuis ces terns- la, ayant toujonrs etc regardezcfr France comme un fpedtaele- puerile & convenable a la populace , ilce n'efb depuis huit on dix ans. Je n'ai point vu dans rrxes voyages de Danfeurs de corde plus hardis ni plus expe'rimentez que les Anglois, les Tiircs & les Chinois : fai vu entre autres un Chinois en -Hollande, raon- te fur des echalfes auffi hautcs que le toit des maifons ^quialloitannoncer par la Ville les Jeux que fa troupe de- voit repre'fenter. Il danfoit auffi fur la corde d'une elevation admirable v& faifoit des tours de foupleflfe furpre- nans* Ceuxqui ont lii les Relations des Voyages de la Chine 5 fcavent que cette nation difloque les membres de leurs cnfans , pour leur rendre le corps-.- auffi, foiiple -8c auffi difpos que celui BE LA DaN&E. l£$ telui d'un finge,furtout ceux qui font profellion de gagner leur vie aux re- presentations des Jeux publics. J'ai vu a Naples un Turc danfer fans contrepoids 9 Air line corde qui traverfo'it une rue fort large , &c atta- ched aux fenetres d'un cinquie'me etage ; il ne paroiffoit qu'un enfant a ceux qui ie regardoient de la rues auffi avoit-il pour fe raffurer, des ma- telats fur le pave , de la longueur de la corde. Neanmoins il arrive fouvent que la tete leur tourne en danfant , & qu'il leur en coute la vie, commeil eft arrive a un Turc que j'ai vu a la Foire de Saint Germain , il y a plus de trente ans : il montoit tout droit le long d'une corde qui e'toit attached de haut en bas au bout d'un grand mat 9 & dont le fommet alloit jufqu'au pla- fond du Jeu de paume ; & quand il etoit monte , il attachoit fon contre- poids au fommet du mat, fur lequel il y avoir un rond de bois large comme une ailictte , & y danfoit en tournant de tons cotez , enfuite 11 y danfoit fur la tete &c les pieds en haut, & y faifoit quantite de, mouvemens conformes a P #*rd Hi st 04 re generals la cadence des violons., & puis il def- Cendoit tput debout fur la corde, quoique tendue de haut en bas. Je puis dire auiH que les fpe&ateurs ne le regardoient qifen tremblant pour fa^vie , comme il lui.srriva quelque terns apres de la perdre dans une re- prefentatiQii qu'il fit a la Foire de Troyes en Champagne , dont on a Coupconne un Anglois fameux Dan- feur de la troupe , qui jaloux de la im- putation du Tiirc^ graiflfa un endrok de la corde pendant qifil etoit en haut , il ne put s'en appercevoir , par/- ce qu 'il defcendoit a reculon & ayant les pieds nuds 9 ce qui fut caufe de fa chute. Il eft afifez ordinaire de voir de pareils attentats contre ceux q ui excellent dans les Arts : PHiftoire aous en fournit quantite d'exemples s furtout pour la Peinture & la Sculp- ture. La Danfeufe qu'on appelloit la belle Toumeufe > a fait trop de bruit furle Theatre des Danfeurs dexorde, pour n 5 en pas faire mention : je crois meme qu'a lnoins de Pavoir vue , on aura peine a croire ce que ] 5 en vais rap^ porter* BE £A -DaNSK' -16$ Elle paroiffoit d*abord fur le Thea- tre d'un air impofant , & y danfoit feule uneSarabande avec tant degra- de ,qu'elle charmoic tons les fpe6ta- tears 5 enfuite elle demandoit des epees de longueur aux Cavaliers , qui vouloient bien lui presenter pour faire fa feconde repre'fentation : ce qu'il y a de furprenarit, c'eft qu'elle s'en pio quoit trois dans chaque coin de I'oeil 5 qui fe tenoient auffi droites que fi elles avoient e'te picque'es dans tin poteau % elle prenoit fon mouvement de la ca- dence des violons qui jouoient un air qui feinbloit exciter les vents , Sc tournoit d'une vitefTe fi furprenante pendant une quart-d'heure , que tous ceux qui laregardoient attentivement en demeuroient tout etourdis , ainii qu'il m'eft arrive -, enfuite elle s'arre- toit tout court , Sc retiroit fes epe'es nues l'une apres l 5 autre du coin de (es yeux , avec autant de tranquilite que ii elles les eut tirees du foureau. Nean- moins quand elle me refrdit la mien- ne , dont la garde e'toit fort pefante 9 je remarquai que la pointe etoit im peu enfanglantee* Celan'einpecha pas PIj • 'lj% HlSTOl.RE GEHERALB 1 qu'elle ne danfat encore d'autres dan* fes tenant deux epe'es nues dans fes mains , dont elle mettoit les pointes tantot fur fa gorge , 8$ tantot dans fes narines , fans fe bleflfer^ J'aurois era que ces danies auroient ete furnatureL* les , fi 1'Abbe Archambaut qui a beau- cmip d'e'r udition , ne m'avoit fait fou- venir qu'elles droient leur origine de la danfe Sacree des Saliens Pretres de Mars , inftitue'e chez les Romains, que j'ai rapportee dans fon lieu •, commc celle des Balets des Suifles , qui fe fait au bruit & au cliquetis des fabres, tire {on origine de la danfe Pyrrique. Nous awns vu fur le mime Thea- tre en 17 1 4 un Pantomime Tofcan danfer plufieurs Entrees de danfes ca« radierifees •> fon vifage reprefentoit au liaturel tons les fujets de ks danfes, entre autres telle d'un infenfe', faifant agir routes les parties de (on corps em cadence , 8c qui paroilfoient aufli dis- loqnees que celles d'un fquelete dont h$ os font attachez avec du fil d'ar- chal : fon Entre'e de Payfan avec des fabots , e'toit d'une le'gerete & d'unp naivete fanspaxeille? rrn la Dansev 17$ Mais ce qui acheva de lui donner une approbation gencrale , ce fut (on Entree d'un Suiffe pris de vin,ave£ fon hallebarde qui fervoit a le foute- nir dans^ous les mouvemens , les ge£ tes & ks faux-pas d'un y vrogne , ac- compagnez de tons les agranens les plus furprenans &' les plus ingcnieux que Part de la Danfe puiffe imaginer dans ce genre-la. J'e'tois a ce fpe&acle aupres d ? un des plus fanieux Danfeurs dePOpera, qui m'avoua que toutes les Entre'es de ce Pantomime e'toient inimitables; ce qui peurconfirmer la bonne opi- nion que les Anciens ont eue des Tofcans , pour les danfescara&e'rife'es les plus convenables au Theatre pour exprimer les paffions. Les Danfeurs de corde , pour rendre leurs fpe&acles plus complets , ont joint encore a leur troupe celle des A lards , qui font connus autant par Pagilite des fauts perilleux , que par ia perfection des Entre'es de Scara- mouches & d'Arlequins , ou ils ont memc paru a quelques Operas aycc applaudifTemcnt.-- Piij 174 HrSTOfcRE GENERALS Archange Tuccaro Napolitain,Pro^ fefieur en Part Gymnaftique, nous apprend que lorfque les Danfeurs de corde commencerent a paroitre chez Origincles Remains ,„ ils. joignirent a leur des pre- troupe celle des Archimomons , qui a ? icrs , etoient- les chefs des Bateleurs, des k danfe. Bouffqns , & des Baladins , & qu'ils> font les premiers qui one co.rrompu & abufe' fur leur Theatre de Part de la Danfe y par des geftes, des uiouve- mens impudiques & difiolus, ne Pay ant ofe entreprendre chez les Grecs , a caufe de la ve'neration qu'ils avoient pour cet art , & dont Porigine leur a toujours pafu tres-refpedtable pour Pe'ducation de la jeunefte pour la- danfe Theatrale 3 & pour les bals de ceremonie. L'art Gymnaftique dont Tuccaro faifoit "profeflion , e'toit felon lui le plus noble exercice des He'ros de PAntiquite, & le plus celebre aux Jeux Olimpiques ; (es fondfcions con-* fiftoient dans la danfe grave & ferieu- fe , a voltiger fur le cheval de bois , faire des armes , le faut , la lute , ti«* rer de.Parc 5 lancer le dard 5 lejavelot^ DE LA DANSE. f/j? jitter k paler, la courfe & la longue Paume : les Cubiftes e'toient ceux qui s'attachoient a faire les fauts peril— leux 5 mais de tons ces exereices, ceux qui convenoierit a Part de la Guerre , etoient les plus eftimez : c'e'toit auffi ces fortes d p exercices qui compofoient les Jeux Olimpiques^ Les Grecs avoient des -Acade'mies publiques qu T on appeloit Gymnalles 9 d'ou nos Colleges & les Academies ont tire leur origine 5 les Re'publiques y entretenoient des ProfefTeurs pour Peducation de la jeunefle des Page de fept ans : les Citoyens y alloient juf- qu'a Page de foixante ans , pour s'en- tretenir dans leurs exercices. On ap- peloit aufli , au dire de Quintilien : les Maitres' de PArt Gymnaftique Pale* firicos j Sc les Difciples Paleftritas. Quoiqu'il femble n'etre permit qu 5 a Moi'fe de parler de ce qui s'efl: pafle avant le Deluge univerfel, ne'an* moins Berocenous affure que Part du faut & de la lute etoit en ufage dans la ville d'Enos ou de Caen , proche la montagne du Liban «> ou les Ge'ans &'exer$oiemt avant le Deluge , e'tanr P iiij ijg HlSTOXRE GENERAL! un art convenable a leur force gigan* tefque. On peut auffi juger de-la que Iphitus 3 non plus qu'Hercule , n'ont pas ete les premiers inventeurs de t'art Gymnaftique , mais qu'ils en ont itc les reftsfiirateurs , pour ^employer aux Jeux Olimpiques : quoi qu'il en foit ? cela fair toujours voir' que 1'e- xercice- de la lute &du fautfont auffi anciens que le monde. Tuccaro rapporre auffi que Galien-, ce fameux Medecin de 1'Antiquite % voulant s'exercer a la lute dans le Gymnafte d'Athe'nes, s'y demit l 5 e« paule a Page de trente ans 5 &c n 5 bfa plus fe commettre a cet exercice \ ce qui fut caufe qu'il s'appliqua depuis a ia connoiflanjee de laMedecine, ou 'it aiibienreuffi. Platon fe faifoit au contraire un plaifir de smaller exercer dans ccs Jeux, parce qu'i! paffoit pour un bon Athle- te , avant que de s'attacher a la Phi- lofophie •, il e'toit du devoir des bons Citoyens des Republiques , de parol- tre de terns en terns aiix Gymnaftes , pour en connoitre les progres, & me- me- d'm continuer Pexercice jufqu'l be ia Danse; 177 foixante ans , qui etoit le terns oil l'on e'toit difpenfe d'aller a la guerre pour la de'fenfe de fapatrie. Virgile nous apprend aufli qu'apres que les Perfes & les Romains eurenc afFoibli la grandeur des Grecs , qu'ils envoyerent leurs enfans en Tofcane pour les former a tous les exercices du corps , 011 cette Nation excelloit autant que les Grecs 1'avcient pu faL- re dans le terns de leur fplendeur *, de meme qu'aujourd'hui tous les grands Seigneurs de PEurope viennent en France pour fe perfedtionner dans les exercices convenables a la NoblefTe* J'ai trouve dans Tuccaro trois oir quaere traits hiftoriques concernantla Danfe , qui me'ritent d'etre rapportez. ici comme un Supple'ment. Il dit entre autres que les luffs ce- lebrerenrune fete dc re'jouiiTance pur- blique , qui confiftoit en feftins &c en danfes , pourremercier Dieu & mar- quer leur joie de la leve'e du f»ege de Bethulie, que Holopherne General de Parmee des Affiriens tenoit affiege'e, a qui Judith par une infpiration divine alia couper la tete dans fon lit : apres. ijj$ Hi s to i si e genib;aee : cette adtion memorable 5 les Magis- trals de la Ville qienerent Judith en* pompe au bal oil la fete etoit prepa- ree j elle y danfa la premiere comme la Reine du bal. Cette illuftre veuve e'tant fans oftentation 5 elle vecut apres^ chez elle comme une fimple particu- liere ; mais les Juifs pour ce'lebrer fa me'moire, ont depuis continue cette fete tousles ans^jiifqii'a la deftrudion de Jerufalem** C'e'toit un ufage etabli parmi les^ Juifs , de danfer a routes les fetes de rejouiflance & aux noces : les conviezf fe faifoient honneur de danfer avec la: Biarie'e > & fi Notre-Seigneurne danfa. j>as~ aux noces de Gana 3 du-nioins -y? convertit-il Peau en vin , pour te'moi- gner fa reconnoiflance a la mariee, Sc: pour en prolonger le divertilfement. Lucien fair mention que Sylener etoit un aulli bon danfeur que grand Philofophe parmi les Egyptiens , & qu'il danfa la Cordace au fon dt 1& ? lyre d'Apollon , dans un feftin qui fur fait en Phonneur des Dieux °, ce qui for auffi caufe que les Egyptiens le ohoilirent par preference pour l'cdiij £>E tA DaNSE. I?^ Cation de Bacchus , dont il fit aufli im excellent danfeur. C'eft une er- reur, dit Lucien , de nous repre'fenter Sylene comme le pere des yvrognes s Bacchus fut aufli l'inventeur de la danfe de la Volte ; il furmonta les Tofcans & les peuples de Lydie an faur & a la danfe. C'eft pourquoi oa peut regarder Sylene Sc Bacchus comrne d^s excellens danfeurs de I'Antiquite , de menie , dit Pindare y qu'Apollon fut nomme Sauteur pat: admiration , & que les nommez Bui- bo , Cratine & Callian ont auffi paffe pour de tres-fameux danfeurs & fau- teurs chez les Grecs ; c'ctoit des qua- litez fort eftimables chez les Egip- riens , les Grecs &c les Tofcans dans rAntiquiteV Tuccaro, comme je 1'ai de'jaditv attribue la corruption de la danfe The'atrale aux Danfeurs de corde , qui joignirent a leur troupe des dan- feurs , des bouffons & des farceurs^ pour repreTenter fur leur Theatre des danfes qui tendoient a la corruption des moeurs , & furtout par des danfes auffi im^udiques qif ijidecentes , qui r f$0 HlSTOlRE GENERAtf fluent fi fort au gout de la jeuneffe Romaine, que les Maitres de Danfes etablirent dans Rome pour leur plai- re , les danfes Nuptialespour la cele'~ bration des noees 5 qui etoient tres- licentietifes , 8c dont les mouvemens exprimoient les devoirs maritals- 5 x'fe qui dura jufqu'au regne de Tibere y qui pour en reformer les abus, fit foannir de Rome par un Arreft du Sc- nat y la troupe des Danfeurs de corde, & tons les Maitres de Danfes qui e- toienr etablis dans Rome depuis un fort long-tems pour ^education de la jeunefie * deforte que la danfe y fut in- terdite jufqu'au regne de Caligula qui fucce'da a PEmgire.. Mais cet Empe- rcur ayant une paffion viblente pour la Danfe 5 donna fes premiers loins pour la retablir dans Rome , malgre PArreft du Senat : il fir venir fee rets* ment dans fon Palais les meilleurs Maitres de Danfes qui s'etoient refu- giez dans les Villes dltalie , & leur fit compofer des Entrees de Balet , & fit faire des habits convenables pour Pfe- xecution de fon deflein ,, a Pinfcuda Simtydc quand tout fut difpofe , HIq feE tA DaNSE. 'iSf Sonvia a un feftin pour le foir dans fpn Palais , fous pretexte d'avoir une affaire importante a lui communi- quer : le foupe fe pafla fans que PEm- pereur eut parle du fujet de ion man- dem^nt, il fir paffer Paflemblee dans une grande Salle preparee pour Pexe- c&tion des.Entrees de Balet, qui dure* rent jufqu'a la pointe du jour. Alors Caligula leur die : Vous avez y a &c en- te.ncUi, Meffieurs les Senateurs > le fu- jet qui vous a fait mander ici , 8c dont je fuis perfuade' que vous etes contens ; j'ai encore a vous dire que vous avez eutropde complaifance pour Tibere , en banniffant de Rome des gens dont la Profeffion etoit audi utile alajeu- neflfe,que convenable au divertifTe^ ment de la grandeur Romaine. Le Se'~ nat lui re'pondit qu'il ne Pavoit fait que par rapport aux danfes licentieu- fes & indecentes , qui tendoient a la corruption des moeurs , & qu'il-s efpeV roient qu'il n'en fouffriroit plus Pufa- g£^ auquel cas ils confentoient volon- tiers le retabliflement des Makr.es de Danfes : ce qui fut confirme par un Arreft du Se'nat ? qui fit refleurir la 3xSz Hist. gen. be la Dan-sK Danfe dans Rome plus que jamais* Mais il ne daigna pas faire mention ties Danfeurs de corde 3 dont les jeux furent regardez depuis comme-un fpe- 6lacle convenable a la populace ; cc -qui a dure jufqu'a la fin du fie'cle pre- cedent y ou ik ont re'tabli leur reputa- tion a Paris ,«omme je 1'ai rapporte ci-devant. Quoiqu'ils femblent negliger les jeux d'ou ils tirent leur origine , pour celui des Comedies 3 qui font aujour- d'hui le plus effentiel de leur fpe<5ta« cle , auffi ne voit-on plus de ces fa- meiix Danfeurs de corde & Volti- geurs , que Pon regardoit avec admi- ration , & qui faifoient trembler les fpedateurs , qui ne fcavent pas qu'ils machent d'une racinequ'on nomme dormit , qui a la vertu d'empecher les etourdiifemens de tete ; ce qu'ils tien- :nent des Botictins & des Chamois^qui en broutent les feuilles auparavant de tnonter fur les fommets des monta- gnes & des monts Pyre'nees, oiices animaux font fort communs* ' m C HAP I T RE VIIL 'JDe la Mujique naturelie attribute k Dieu temme C A&teur de la Nature. Pour fcrvir de Supplement a THiftoiredc la Muficjue , imprimee en 17 ij. QUoique cette maticre foit toute The'ologique & Phyfique , &c par confequent fort abftraite pour ceux qui n'ont pas une parfaite con- noiflfance des Sciences fublimes > je ha- zarde ne'anmoins d'en parler,parce qu'elle fait partie de mon fujet , pour tacher d'en donner feulement une le'- gere idee au Le&eur. Les Peres de PEglife & les plus pro- fends Philofophes de PAntiquite pre- tendent que e'eft fur les principes de cette Mufique naturelie , queJDieu a cree 1'Univers , & qu ? il en arfbrme Parrangement avec la premiere ma- tiere : e'eft ainfi fur ce fondement qu'ils le qualifient quelquefois de grand Muficien & d'Archite&e d\x jnonde* 1§4 De la Musiqtje Uaint Auguftin , dans |bn Traite de la Mufique vocale & inftrumentale , & Saint Thomas , difent que la Mufi- que narurelle eft renferme'e dans Tor- dre de l'harmonie univerfelle. Xes premiers Philofoph.es 8c Mufi- ciens de 1'Antiquite , tels que Mercu- re 3 Trifmegifte * Thales., Pytagore^ Platon & Ariftoxene , qui ont recon- nu un etre fouverain Auteur de la Na- ture j ont aufli cru qu'il a re'gle les mouvemens des Cieux 8c des Plane- tes , par les accords fonores de l'har- monie , &c que ces mouvemens for- ment un conceit a la gloire de leur Createur, dont il a donne la clef aux Intelligences ce'Ieftes , & qu'il y en a de pre'pofe'es pour le gouvernement de tous les elemens. Ces Philofophes pretendent encore que tout ce qui fe meut dans la nature n'agit que fur les principes de cette Mufique naturelle 9 & qu'elle regie tons les mouvemens de 1'Univers , dont les efFets nean~ moins font auffi imperceptibles a no- tre efprit qif a nos fens, & par confe- quent tres-difficiles a concevoir, 8c 4ont nous rfavons que des preuves litte'rales Natukeixe* /1S5 litterales & arrificielles , je veux dire (implement ecrites par des anciens Poetes & Muficiens 5 qui ne font pas fuffifantes pour une convi&ion in- conteftable. Mais fans entrer dans la difcution de ces fentimens, je me contenterai de dire que fi on s'en rap- porte a l'Ecriture»Sainte 3 onytrou- vera quantite d'e'xemples qui pcuvent perfuader que les Anges font les Am- bafladeurs de Dieu , defquels il fe fert quelquefois pour nous annoncer fes. volonteziur la terre , par Pufage de la voix ordinaire , on melodieufe , com- me celle que l'on entendit dans les airs, lors de la naitfance de Jefus- Chrift , &tant d'autres e'xemples dont 1'Ecriture eft remplie. Ce font a la ve'- rite des faits miraculeux, aufquek- neanmoins nous devons foumettre notre jugement 5 par rapport aux ef- fets de la voix & de la Mufique cele- fte, qui paflfe pour etre emane'e de. Pidee de Dieu , fuivant le fentiment. de S* Denis PAreopage , dans fon Traite de la Hie'rarchie 3 & ce que le$ anciens Philofophes ont nomme Ma* fiftte divwe on Mufique nAturdle* i8'<& D'e la Musi que Cette matiere m'engage a melef des faits . naturels . tirez des Auteurs profanes ,. a des autoritez facre'es > je refpefte celles ci , &c }e ne rapporte les aucfeSj.que fur fa garentie des Au- teurs qui en ont e'crit y pour faire voir autant qu'il eft poilible , que la Mufi- que eft compose vifiblement dans la nature , par un effet de la Providence divine , qui a voulu par ce moyen eu donner la connoiflance aux homines des la cre'ation du monde, fur les prin- cipes de la Mufique celefte on nam- reile , d'oii les premiers Philofophes pretendent que la Mufique vocale s'eft e'tabiie j & qu'elle en tire fon ori- gine. Quoique ces preuves foient fort obfcures vu leur antiquite , je vais ne'anmoins ea rapporter quelques- lines qui pourront fortifier cette opi- nion, fans m'arreter a celle des an- ciens Payens > qui attribuent Porigine de la Mufique aux fauflez Divinitez on a leurs Le'rfflateurs. Pline nous apprend dans fon Hi- ftoire naturelle , que quelques Grecs coupant de certains rofeaux appellee Monfcfcws > il e& fortit un fon melo- Natitrelle. 2§7 dieux , & ils etoient organifez a pro- portion de leur groffeur & de. leur hauteur, dont Antigenes fameiix Mu- ficien fit faire des flutes exceilentes y deforte que c'eft par les effets de ces rofeaux harmonieux , que Pon a pu trouver ^invention des Orgues : ce fon melodieux eft , ce me femble , line preuve de la refidence de la Mufique dans la nature. Pline , Liv. 1 6 , chap, Solin dit auffi qu'en Sicile il y a one fontaine dont les eaux fe meuvent au fon de la flute, & bouillonnent fi haut , qu'elles femblent danfer en ca- dence auffi long-tems que Pon en joue *, ce qui eft confirme par diffe— rens Auteurs. Solin , chap, 5. • Mais fans aller chercher fi loin , les curicux en peuvent faire P experience, comme PAbbe Broflard auteur du Di&fionnaite de la Mufique, m'a dit Pavoir fait avec un bon joueur de flute , en faifant mettre un fceau d'ean de fontaine dans unegrande terrine, expofee an Soleil pendant deux ou trois heures , afin que Peaii foit bien xepofec : alors le fluteur s'affit aupres; iSS Dg LA MiJSIQW'f de la terrine , pre'ludant fur (a flute fe plus tendrement qu'il eft poffible^ pour trojuver le-ton qui pent emouvoir reau, ce qu'il fit en un quart-d'heu- re* 3 &c lavoyant cmue, il prit-Peffort for fa flute > en fit danfer cette eau audi long-terns qu'il voulut , comme fi cette eau avoir e'te pouflee par de petits tuyaiix , pour la faife rejaillir. Mais comme les eaux des fontaines font de differente nature 3 le ton qui convient a Pune pour la faire danfer, ne convient pas a Pautre y c^eft au joueiir de flute a le trouver : il faut audi qu'il foit des plus habiles , pour jouer tendrement ccs beaux airs de Hute desOperas dettilly ,qui emeuvent Ja nature ySc quand F'£au eft bien agi- tee , elle danfe au fon des Menuets 5 de la Gigue , & fur des tons patetiques : cette experience peur convaincre les plus incredule: fur les Q&ts de la Ma- nque naturelle. G'eft ce que les Anciens ont voulu nous faire entendre , par ce qu'ils ont rapporte des Orphee, Amphion, Mar- fyas 3 & de rant-d'autresfameux Mu- iicigns dans la premiere antiquite , qui Nature lef. rSjti emoilvoient des corps infenfibles par la douceur de l'harmonie des inftru- mens. L'Hiftoire naturelle des Hies Antil- tes de PAme'rique , ch. 19, nous ap- prend que Pon trouvedans lamer de grandes coquilles que Pon appelle JMnficales , parce qu^elles portent fur leur dos des lignes noiratres , fur lef- quelles les notes de Mufique font marquees', & Pon voit une efpece de clef comme pour metre en chant > de^ forte que Ton diroitr qu*il ne man- que que la lettre a cette tablature : ce qui eft encore plus furprenant , c'eft que chaque coquille eft charge'e de notes differentes , fuivant les rcmar- ques que nos Curieux en ontfaites a Paris fur celles qu'ils ontdans leurs cabinets : j'en ai vii deux chez M. Mo-* rin,& une chtz Madame Gatelier, qui-confirment ce que j'en rapporte. Cardan nons donne encore une idee de la Mufique naturelle , par Pe- xamen qu'il a fait de la compofition du corps humain , qui n*agit > a ce qu'il dit, que furies principes demte Mufique*. i-$.o- De ia Mxjsiqjje II pretend que le corps humain eifc un inftrument .harmonieux , orne' d 5 u~ ne voix flexible & fonore, compofe de la main de Dieu 3 aveG la matiere la. plus pure des quatre elernens 3 fur les principes de la Mufique naturelle^ dont les quatre humeurs dominantes font comme quatre clefs qui fervent de re'gles pour faire agir de concert les 2.42 parties principalis dont le corps humain eft compofe ,& que le poulx y eft e'tabii comme le Muficien 011 Maitre de choeur qui bat la mefure dans un concert , & qif il y regie par un mouvement on battement egal^ toutes les facultez corporelles 3 lequel battement doit etre de quatre mille fois dans une heure 3 quand toutes les parties du corps font bien organifees > . c.e qui 1'entretient dans une fante par- fake jufqtf a Page decrepite , qui eft le terns que ces organes fe relachent/ comme les cordes d 5 im inftrument 3 ce qui caufe fa deftruftion. Socrate, dans fon Traite' de Pirn- mortalite' de Pame , dit encore que Fame eft une harmonic qui combat: les patlions du corps 5 au qui les- ao* Naturel lev- iff: £orde , comme un Muficien fait rai- fonner les cordes de falyreouduluth,:, pour en trouver les accords fuivant les regies* de Part. C'eft peut-etre fur la connoiffance que les Anciens avoient de laMufi- que naturelle , & de fa conformite avec Porganifation du corps humain 9 que les Medecins dans Pantiquite etoient obligez, de f^avoir la Mufique, pour Pexercice de leur ProfelTion* Pline dit que Hemophilus ; auffi fa- meux Medecin que Muficien , fut des premiers qui mit en ufage la metho- de de guerir les maladies par Pe'tude des battemens du poulx 5 fuivant les diffe'rens ages des maladcs. HafFenref- fer Muficien & Me'decin d'AUema- gne a fait unTraite de Pharmoniedu poulx , qui prouve Popinion des An- ciens. La. Math e le Vayer , dans fon Dif- coiirs fceprique fur la Mufique ? rap- porte que dans PAmerique on trouve fort communement un animal qu'on appelle \Jnm 5 ou le Pareffeux par les Amcriquains , lequel cliante nature!- Icment fix fois cetteparticule^fur * 9 2 - D E I X~ Mxf I 2X£tJE ie meme ton que nous entonnons e*£ France celles de /^ /a/j^i m r* uf> & c'eft peut-etre ce qui a donne lieu ; quelques Auteurs de foutenir que Gui Lare'tin n'etoit pas 1'inventeur de ces fix tons ,..& de les attribuer aux effets de laMufique naturelle* On trouve encore dans les Antiqui- fez de Fauchet, Liv* 8 , chap* 7 ', que pres'la Ville d'Autun , environ la faint Jean , il fe fit un orage fiprodigieux T qu'il tornba, des nuees un gla^on de vingt a vingt-cinq pieds de longueur 5 de Tept pieds de large , & de deux pieds d'epaifleur , fur lequel 3 di~ tent quelques anciennes Ghroniques > Ton vit des rales &c des cara£teies comme des notes ^ quir fembloient marquer Pimpreffiondes fons du ton^ nerre , conime fur un papier de Mtifc* que -, ce qui a ete regarde' conime un prodige 5 .mais qui peut faire croire que la Mufique naturelle refide &C produit fes effets dans tons les e'le'*- mens. Quelques Rabins out pretendti que le flux & le reflux de la mer fe faifoic fur les principes de la Mufique nam- telle 3 fondez^iir ce que Dieu a die qu'il avoit regie ks bonies ; du moiiis j»eut-on croire que cette Mtifique exi- tte dans tons les-elemens* Le P. Mer- cenne , dans fon Traite de Pharmo- nie univerfelle , aflure que les vents imitent les fons de toutes fortes d'iii- ftrumens. Mais comme toils les fairs que je rapporte de cette pre'fuppofee Mufi- que celefte ,011 naturelle , cu elemen- raire , paroiffent les tins miraculeux, & les autres naturels > je n'entrepren- drai pas d'en rieii dire de decifif : cette •fublime matiere eft au-deflus dem& connoiflance •> il faut s'en rapporter aux Phyficiens & aux fentimens de ceuxquicultivent ces hautesfciences, pour fjavoir ce qu'on en doit croire. J'oferai dire encore que la furpre- nante Machine de Marly peut donner une idee &meme une efpece de pr&u- ve du mouvement harmonietix des Planctes 5 laquelle auroit ete encore plus fenfible-, fi Plnventeur de cette merveilleufe Machine , avoit penfe d'ajouter a fon mouvement des tuyaux &c les conduifit hors de la Ville 1 ils fe perdjrent enfuite fi abfolument , que quelques diligences que purent f aire les parens de ces enfans , Poa n'a, jamais fju ce qu'ils etoient deve- nus Sp mais Pon a depuis trouve aumi^ lieu de la Hongrie une Ville alfez bel«< le y dont les habitans ont le langage & routes les manieres des Bourgeois de Nuremberg , mais fort diffe'rentes de celles des autres Hongrois > ce qui faik preTumer qu'ils proviennent de cet, enlevement., X.a mort du grand Pan annonce'§ El E ME NT AIRE. to H an Pilote Thamus , du terns de l'Em^ pereur Tibere , femble encore prou- vcr que les De'mons ont Pufage de la voix 5 joint a ee que die Ariftote, qua dans Pune des fept Ifles d'Eloiis , qui etoit inhabke'e , on entendok fouvent un roncert tres-harmonieux % ce qui fit croire dans ce tems-Li que e'etoit le lieu d'aflfemblee pour les rejouifTances des Efprks aeriensou des Satyres. Oiaiis magnus di? qu'en bien des endroks pen habkez du Sepcentrion ? 1'on entendk fouvent des concerts. Pline 8c Solin aftlirent qu'au mont Atlas on entendoit auffi des bruits d'inftrumens , com me de tambours & de cimbales , qui fembloient former line efpece de concert* Hift. du Sep- tentrion, ch. >. Lucrece dit encore que cos fortes d'Efprks font leur retrake au milieu des montagnes & desforets , entourez de rochers & dans les plus fombres folitudes , & que ces lieux font les fu- jets ordinaires des fables que font lei habitant d'alentour, qui difent que e'eft la demeure facre'e des Satyres^ fks Nymphes, 8c des Fairness il$ aflu* % 2, pi I A MuSlQtTE rent que la plupart du terns le filence de la nuit eft trouble par le bruit de leurs jeux, & qu 5 ils entendent les cordes melodieufes des . inftrumens \ auili-bien. que les fons des flutes dont les accords fonttres-harmonieux.. lis racontent encore pluiieurs chofes de cette nature , qui xie paroiffent: pas^ moins. furprenantes que fabuieufes ,, afin qu'on ne s'imagine pas que ces Jieux folitaires qu'ils n 5 habitent point, foient privez de la prefence des Dieux" Ghampetres* Ces fortes d'habitans ^ ditLucrece tome n , fe plaifent a aug- menter ces merveilles , par la inaniere dont ils les recitent y &c lis font tou jours ecoutez favorableinent 3 par Pavidite qu'ont les homines de £<§&* voir tout ce qui leur eft, nouveau , foir vrai on fabuleux , quoique ge'ne'rale— ment contrairc aux opinions des Phy- ficiens 5 qui n'admettent que ce qui eft natur.ellemenr poffible & conforme an bon fens ; c'eft audi le fentimenc; des Philofophes modernes* Fauchet, dans fes Antiquitez , rap-* porte apres Aventin ? que Charlema- gne ay ant entrepris de faire faire uxi Element air i • i o $ tanal pour communiquer le Rhin an Panube, il vint expres a Wormesi avec toute fa Cour , pour preffer l'e'~ xecution de cette grande entreprife % les Niveleurs & les Ingenieurs PafTu- rerent du fucces , mais que la de'penfe en feroit immenfe : PEmpereur s'y re- folut,dans l'efpe'rance d'en etre in- demnify par la conquers du Royaume de Hongrie > qu'il pre'me'ditoit pou- voir faire aife'ment par le moyen de ce canal , qui fourniroit de vivres a fou arrne'e* Les Entrepreneurs commencerent cet ouvrage avec quanrite de travail- leurs j mais cette grande entreprife fut trouble'e par des prodiges extraordi- naires : entre autres en entendoit les nuits des voix qui fortoientde defius les travaux , qui faifoient des mugif- femens epouventables ; d 3 autrcs voix qui fortirent du fond du canal , done les tons etoient fort agre'ables & fort harmonieux , ce qui etonna tous les travailleurs qui campoient autour du canal. Charlemagne qui etoit fjavant dans les Lettres , traita cela de chime- $e, & oirdonna de continuer les tr&<* £Q4 D*E LA MvSIQVt vaux le lendemain : mais quand les'- ouvriers voulurent ouvrit laterre,tl fe forma un orage fi prodigieux , ac- compagiie d'e'elaits, de tonnerre , de vents , de groflfe grele , & de pluie , que les ouvriers for ent contraints de fe retirer dans leurs cabannes route la journee v'cet orage for fi violent ,qu 5 il renverfa, tons les rravaux y 1'Empe- Eeur attribua encore cer eveiieinent aux effets ordinaires de la nature, & ©rdonna, de les~recommenc-er le ler^* demain , quoiqu'on entendit encore ies memes voix de cts efprits fouter- nains pendant toute la nuit , bien que k terns fut fort ferein : mais auffitot que les travailleurs voulurenr fe met- tre a I'ouvrage , Porage recofiimen^a eomme le jour pre'ce'dent , ce qui obligea les Entrepreneurs de venir faire leur remonttance a PEmpereur, & lui faire entendre que cette entre* prife e'toit apparemment defagreable a Dieu qui avoir regie Pordre de la nature dans le terns de fa creation. Ce prodige eft audi confirme' par Aventin lameux Hiftbrien , qui dir que Ptolc- mh Roy d'Egypte voulant faire u-J& Ex EM E.NT AH K fti 10 f canal pour aller du NiLdans la mer Rouge, qu'il arriva appro chant la meme chofe. G'eft auffixe queCleb- patre ni les Romains n'ont jamais pu executer :.ce qui fait voir qu'il n'ap- particm pac aux homines de vouioir reformer la nature fans la participa- tion de fon Cre'ateur. ,Ce n'eft pas que les Romains n'ayentquelqiiefois rciiffi clans de pa- reilles entreprifes > il y en aaufli d'au- tres qu'ils ont abandonne'es par les eflets de la Providence. Mais les Phi- lofophes qui fe melent de vouioir pe'- ne'trer dans les fecrets de Dieu par BEtuderde la The'ologie fecrete , attri- buent ces e'venemens finguliers & ces fortes de voix aux Efprits elemental- res. Ainfi les Efprits accoutumez aux fables croiroient volontiers que les voix que l'on entendit la nuit fur le canal , font celles des Gnomes , qui font, dk'le Comte de Gabalis 3 com- pofez des plus fubtiles parties de la terre qu'ils habitent *, & que les Nyni- phes font conipofe'es des parties les plus deiiees de 1'eau.s les Salamandres %oS Ds LA MUSXQUE font formees par Pa&ion dufeiuini^ verfel , & les Sylphes font compofez des plus purs atonies de Pair. Cell ea \partie fur ces idees imaginaires , que les Philofophes que j'ai deja citez au commencement de ce Chapitre , ont fonde leur fiftemc de cette pre'tendue Mufique ele'mentaire. .Fauchet, Antiquitez , Liv. ? , dW 4 , Aventin, le Comte de Gabalis, Paufanias , Tacite , & Strabon, difenfc encore que la ftatue deMemnon de Thebes^ faite d'airain , rendoit quel- quefois (cs Oracles muficalement - 9 quand les rayons du Soleil dardoient a plomb fur fa tete > ce qui n'eft pas :plus furprenant que ce que nous rap- porteTite-Live du bufte d'Apollon, qui pleura trois jours oC trois nuits dans la citadelle de dimes , fous 1c Confulatd'Hoftilius, Decade V. D'autres Hiftoriens di(ent qu'au temple de Daphne , les Pretres por- toient quelquefois leurs Idoles en proceffion fur leurs epaules , en chan- tant des hymnes en mudqtie a lent louange , & que ces Idoles rcpon- 4oient muficalement. lis font auiH El E M EKTA.I R.E-, ' £0 f -mention des chenes de la Foret de Podonne , qui rendoient des Oracles en mufique > ils difent que Pagitation de ces arbres caufee par ies vents , fai- foit entendre une cfpece de melodies c'eft pourquoi il etoit defendu d'en couper une feule branche, fur peine de la vie. Je trouve qu'il s'en faut beaucoup que PAuteur de 1'Hiftoire des Ora- qui fe trouva pres de ce Temple 3 dont les eaux font tie- \&$ D e iaMus xqtj i des le matin., froides a piidi , & toil~ "\ jours bouillantes a minuit. Ce Tem- ple etoit rempli de.richefles immenfes des offrandes des Rois &. des Conque* rans , comme Alexandre. Celui de Delphes etoit encore plus rempli de rkheffes., puilqu'il a donne lieu a Xerces & a Pirrhus de mettre des armees fur pied pour Paller piller : Neron en cnleYa en une -feme fois cinq cens ftatues de cuivre , faitespar les meilleurs ftatuaires de PAntiquite. Le Temple de Jupiter Olympien n'a pas etc moins confide'rable , puif- que la figure de cette Divinite etoit d'or, &c de cinquante pieds de -hau- teur , affife dans un Trone d'or & d'i- Yoire , fak par le fameux Phidias, dont le travail e'toit plus eftime que la ma- tiere : la couverture de ce Temple etoit de marbre taille en forme de thuiles , qui a egalement pafle pour un chef-d'oeuvre de Park Quinte - Curce , dans PHIftoire d'Alexandre le Grand , dit que quand Jupiter Hammon rendoit fes Oracles, les Pretres le portoient dans une nef d'or garnie de quantite'de coupes d'ar- Elementaire. 2.09 gent qui pendoient des deux cotez, 8c qu'ils etoient fuivis d'une longue troupe de femmes ve'nerables , & de jeunes vierges qui danfoient & qui ohantoient a la mode.du pays certains cantiques groffiers a la louange de Ju- piter •> its croyoient par-la le rendre favorable a leurs demandes, & en ti- ler des reponfes claires 3 certaines , & d'un ton Irarmonieux*. Liv* 4 , foL 5-13. Enfin quelques anciens Philofophes> ont pretendu que le mot d 3 Oracle veut dire langage des Dieux > & qu'il y en avoit qui s'expliquoient quelquefois. par la Mufique , qu'ils. appellent Him went aire. Outre que Platon demeure d'ac- cord , apres avoir bien approfondi eette mtatiere , qu'elle n'eft pas moins^ difficile a connoitre qu'a perfuader: fon fentiment a beaucoup de rapport a celui d'He'rodote 5 ce'fameux Hifto— rien de I'Antiquite, parlant des Gra- des dans fon Liv. VIII. puifqu'il die pxecifemenr qu'il les trouve (i clairs. & (1 fennels, apres leur accompliffo-- ment 5 qu'il n'ofe ni les accufet d'etre * & fcl.O, De LA.MU5IQUE faux 5 nifouffrir qu'on les en aconfe^ n'y meme qu'on refufe.d'y ujouter foi*. Cet Auteur etoit de leur terns , puif- qii'.il vivoit 450 ans avant la naifTaiW ce de Jefus-Chrift ; il eft a prefumer qu'il n'a pas manque de preuves pour appuyer fon opinion. fur l'exiftance des Oracles. On trouye encore que Ciceron qui vivoit Pan 7 o 6 de Rome , a fait un Traite de la nature des Dieux 3 & qu'il dit avec Plutarque & d'autres fameux Anteurs, que les Oracles avoient cefle bien du tems ay ant eii.x # ,-ils ont cru que leur fin venoit de ce que les De- mons & les Efprits elementaires ne font pas immortels, & que leur tems a pii etre limite par le Createur de 1'Univers : mais qu'il en pent renaitre auffi comme des hommes , fuivant 1'opinion des Cabaliftes : j'oferai dire en paffant qne j'ai lieu de le croire plus qu'un autre. Te crois avoir aflez eclairci cette matiere , pour laire connoitre en quoi les anciens Auteurs qui en ont parle, ont fait confifter cette pre'tendue Mu- fique elementaire & magique 3 Sc dont Elementair'e." I'll je n'ai traite , malgre routes ces preu- ves , queparraport a PHiftoire Gene- rale de la Mufique \ fcachant bien que routes ces opinions qui ont rapport aux fables de I 5 Antiquite , ne font plus du gout du fiecle 3 qui eft entierement defabufe de toutes ces erreurs : mais il eft -boh de tout fcavoir. FIN. GATAL O G U E 'Dts Danfes dont je fais mention dans cette HiftoWe* DE la danfe Sacree des Hebreux* De la danfe Sacree dans la pri- mitive Eglife. Be la danfe Sacree des Payens* De 3a danfe Aftronomique. De la danfe des feftins 5 pour les re- jouiflances publiques. De la danfe des Fetes Saturnales* De la danfe des Fetes Raccanales* De la danfe des Orgies. De la danfe Pyrrique des Grecs* De la danfe militaire des Lacedemo* niens* S i] %i% Catalogue bes DansesI De la danfe des Saliens. De Porigine de la danfe The'atralc , De la danfe des Pantomimes,, De la danfe des Satyres ,& des Faune$«l D^ h danfe des Laboureurs. De la.danfe champetre des Bergexs & des Bergeres,, De la danfe des Vendangeurs. De Porigine des contre-danfes ami- bue'e a De'dale. Des ..mouyemens de la danfe par rap* port aux adions humain^s. De la Danfe des Balets. De la danfe des Qpe'ras. De Porigine de la danfe des D'anfeurs de corde , & de Part Gymnaftique & des fauts perilleux*. De la danfe des.Bals de ceremonies De la danfe des Bals maCquez, De Porigine des danfes Baladoires., De la danfe naturelle de quelques cle* tnens. 8c animaux qui danfent an fon des inftrumens , independam- ment de ce que les Pontes nous, ont dit d'Orphe'e & d'Amphion. Jzw-dn. €&takgue des Danfes* PARALEL.E D E LA PEINTURE IT D E LA POESIE- On deffein n'eft pas de foil- tenir que la Peinture Pem- ports abfolumentliir la Poe- fie*. Je n'ai jamais doute que ces deux Arts ne foientd'une e'gale confide'ra- tion , ni que Purr & Pautre ne meri*- talTent les memes honneurs : j'en park dans ce, fens-la j-& je ne fais que-fiii- \m- le fentiment des Auteurs les plus ceiebres.qni onrtraite cettemariere 5 & par rapport a la convenance que cej.deux Arts ont ayec la des hommes d'un genie extraordinaire donnerent au Public des ouvrages & des regies en Pun & Pautre genre , pour fervk de guides a la pofte'rite' , & donner une idee de leur perfection: cependant ces Arts ont ete malheureufement ne'gligez de- puis la de'eadence de PEmpire Re- main jiifque a ces derniers fie'cles, que Corege ? Michel-Ange , Leonard Vi- nci , Raphael, le Titien 5 Paul Vera- nefe Sc Rubens ont paru pour la Pein- ture > comme Petraque y Dante 3 te ■%t§ Paratelt Taffe , Pindare , Marote , Corncilfe'v Moliere , Racine , Boileau, 1'Abbe Geneft.,,la Fontaine, la Mothe & Rouffeau out exceile dans la Poe'fie ; que pouffez d'iin meme efprit , ils out fait tous leurs efforts pour refitifciter ccs deux arts ,, & les porter a leur pre- miere perfection :& Ponpeut meme dire que la Pie'ce de The'atre d'Irres de Gaftro de M; -de la MotKe , a comron- Be ks oeuvrcs , & pent 1'emporter dm les plus beaux ouvrages de.Raphael &c d-iiTitien,.. II y a neaninoins cette difference-, que la Poe'fie n'afait que difparoicre' en Italie ,. 8c. qu'elle s'eft confervee 1 route pure dans les ouvrages d 5 Ho- mere , d'Efchitle , Sophocle , d'Euri- pide, d'Ariftophanes, & dans les re- gies qu'Ariftote 8c Horace nous en? ont laiflees. Ainfi il eft conftant qu$ la route q-tfont fuivi les Poetes qui font venu& depuis ce terns-la, etoit toute mar- quee , & que la ve'ritable ide'e de la Poefie ne s'eft point perdue °, ou du- moins il e'toit aife de la retrouver r es recouraqr aux ouvrages & aux regies: infaillibles de la fdnt&re & de la foe fie. fij infailiibks dont je viens de parler : an lieu que la Peiriture a.ete entierement aneantie pendant un fort lon'g-tems , foil par la perte de quantite de volu- mes qui , au rapport de Pline , en avoient e'te compofez par les Grecs , foit par la privation dcs ouvrages dont les Auteurs de ces tems-la nous ont dit tant de merveilles > car je ne comp- te que pouftres peude chofes quel- ques reftes de peinture antique que Ton voit a Rome : comme en effet PHiftoire remarque qu'en 1 1 4 o Pi-. talie e'toit fi de'nue'e de Peintres , que quelq ues Princes en ay ant befoin pour cmbellir leurs Palais 5 ils en firent ve- nir de la Grece^qui e'toient mcme aflez groffiers -, mais qu'un nomine Cimabue , natif de noble famille dc Florence , fe trouva un genie fi porte a la Peinture, qu'il en fur le reftaura- reur y & que Giotto fon difciple le fitr- pafTa de beaucoup par les confeils & lespenfees que le Dante Poetefameux de ce tems-la lui donnoit, lorfqu'il s'agiflfoit de peindre de grands fujets de fables de PAntiquite. ; de meme qu'un Simon Mcmmy fut un excel- I r iiS Farale/e lent Peintre pour les portraits: ilpei-* gnit Petrarquc 5c la belle Laure fori Si done il ne s'eft rien conferve'qui puiffe nous donner une ide'e juke de la Peinture , comme elle fe pratiquoit ancienn.ement , e'eft-a-dke dans le terns que les Arts e'toient dans lent plus grande perfe&ion $ il eft certain que la Poefie fe faifant voir encore aujotird^hui dans tout fon luftre , pent jettet dans 1'efprit de ceux qui y font ie plus attachez 5 une pretention qui ks pome a lui donner la preference fur la Peinture. Car il faut avouer qifil y a beau- coup de gens d'efprit , qui loin de re- garder la Peinture du cote' de la per- fection 8c de Peftime ou elle etoit ehez les Grecs , n'ont pas riieme don- ne la moindre attention a cet Art , tel que nous le poffedons aujourd'hui , & que les derniers fie'cles Pont fait re- naitre -, & fi ces merries perfonnes font tant que deregarder quelques on- vrages de peinture , elles jugent de Part par le tableau , au lieu qifelles devroient juger du tableau par l'idee dc Part» r de la feint we & de U Voefie. i I f Cependant quoique nous n'ayiotos pas encore recouvre 1'idee de la Pein- ture dans route foil e'tendue., & que dans fon retabliffement eile n'ait pii avoir pour guides des principes aulH certains , & des ouvrages auffi parfaits qu'e'toient ceux de la Poefie , rien xi'empeche que nous ne puiffions en concevoir une idee aflez jufte fur les ouvrages des meilleurs Peintres qui Pont renouvellee , & fur ce que nous en ont dit ccux manes qui nous ont donne les re'gles de la Poefie , comme Ariftote & Horace : le premier affurc dans fa Poe'tique que la Tragedie eft plus parfaite que le Poeme epique $ parce qu'elle fait luieux fon effet & donne plus de piaifir. Et dans un autre cndroit il dit que la Peinture caufe une extreme fatis- fadion : la raifon qu'il en rend , c^eft qu'elle arrive fi parfaitement a fa fin * qui eft limitation , qu'entre routes les les chofes quelle imite 3 celles me- jnes que nous ne pourrions voir dans la nature fans horreur , nous font en peinture un fort grand piaifir *> il ajou- te a cette raifon que la peinture n& zto far dele ftruit , & qu'elle clonne matiere die raifonner non feulement aux Philofo* phes 3 mais a tout le monde. Dans ce raifonnement Ariftote qui mefure la beaute de ces deux arts par le plaifir qu'ils donnent , par la ma- niere dont ils inftmifent 5 & par celie dont ils arrivent a lenr fin , dit que la Peinturc donne un plaifir iniiiif § qu'elle inftruit plus generalement , & qu'eile arrive tres-parfaitement a fa fin,. Ce Philofophe e£t done fort eloi- gne de preferer la Poefie a la Peintu- re. Pour Horace , il declare nettement que la Peinttire & la Poefie ont ton- jours marche de pas egal , & qu'elles- ont eu dans tons les terns le pouvoir de nous reprefentcr tout ce qu'elles ont vouUu Mais quand nous n'aurions pas ces autoritez , nos fens & la raifon nous difent aflfez que la Poe'fie ne fait en- tendre aucun eve'nement,que la Pein*. tare ne puiffe faire voir: il y a long- terns qu'elles ont e'te reconnues pour 4$ux foeurs qui fe reffemblenc fi fot| tie U Pelntnn & de la foefie. % tt fen routes chofes , qu'elles fe preterit ^alternativement leur office & leur Horn •, on appelle eommune'ment la Peinture line Foe fie muette , & la Poe- fie une Peinture farlante. Elles demandent routes deux un ge'nie extraordinaire 3 qui les emporte plutot qu'il ne les conduit : nous Toyons que la nature par une douce violence a engage les fameux Peintres & les grands Poetes dans leurs profef- iions y fans leur donner le terns de de'- libe'rer & d'en faire choix j fi nous voulons pe'ne'trer dans leurs excellens ouvrages 5 nous y trouverons une fe- crete influence 5 qui pourroit avoir quelque chofe de plus qu'humain. II . y a un Dieu au-dedans de nous-me- mes , dit Ovide parlant des Poetes , le- quel nous eehaufte en nous agitant \ & Suidas dit que le fameux Sculpteur Phidias y Zk Zeuxis le Peintre incom- parable , tons deux tranfportez par un antoufiafme , ont donne la vie a leurs ouvrages. On remarque audi que les plus grands Peintres fe faifoienrhon- neur de cultiver Pamitie des Poetes qui etoient en reputation , pour pro- fit er de leurs avis. T iij ''Hi T arable La Peinture & la Poefie tendent I meme fin , qui eft limitation : il fem- ble, dit un fjavant Auteur , que non contentes dlmiter ce qui eft fur later- re y eiles ayent ete jufque dans le Ciel obferver la majefte des Dieux 5 pour en faire part aux homines , corame el- ks peignent les hommes pour en faire des demi-Dieux : c'eft ce qu'on a dit des ouvragcs du Guide & de Lalbane 5 fur Pidee de la Beaute. Ceik auffi dans ce fens-la que Char- les-Quint faifoit gloire , non feule- ment de s 5 etre rendu des Provinces tributaires 5 mais d'avoir obtenu trois fois Pimmortalite par les mains du Titien. Toutes les deux font occupees du foin de nous impofer \ Sc pourvii que nous voulions leur donner notre at- tention ,. elles nous tranfportent, com- me par un effet de magic , d ? un pays dans un autre. Leurs proprietez font de nous in* ftruire en nous divertiffant ,. de for- mer nos moeurs , & de nous exciter a la vertu , en reprefentant les He'ros Sc les grandes anions : c'eft ce qui fait ae Id Telmure & de la Toejie. 1 1 f 3ire a Ariftote que les Sculpteurs 8c les Peinfres nous enfeignent a former nos moeurs par une methode plus courte & plus efficace que celle des PMofophes % & qu'il y a des tableaux & des fculptures auffi capables dc cor- riger les vices , que tous les preceptes de la morale > comme il y en ade capa- bles de les corrompre,temoin I'Eunu- que de Terence. Toures deux conferment exa<5te- ment Punite du lieu , du terns , & de Pobjetr Toutes les deux font fondees fur la force de Pimagination pour bien in- venter leurs productions , & fur la fo- lidite du jugement pour les bien con- duire : elles ne f^avent choifir que des fujets qui foient dignes d'elles ? & fe fervir des circonftances & des acci- dens qui les font valoir ; comme elles fcavent rejetter tout ce qui leur eft contraire , ou qui ne meritc pas d'etre repreTente. Enfin la Peinture & la Poe'fie par- ent du meme lieu > tiennent la meme route , arrivent a la meme fin , & ti- rent leur plus grande eftime des pre- Tiiij 'A 1 4 Taralde miers terns , on la magnificence Scli delicatefle ont le plus eclate. Les Poetes de ces tems-la ont re§u des honneurs &: des- recompenfes in-fi- nies j ils ont ete excitez par des prix que 1'on donnoit a ceux dont les Pie- ces avoient un fucces plus heureux que celles de leurs concurrens \ tons les genres de la Poefie ont eu leurs louanges & leurs prote6teurs» On a vu Virgile & Horace coin- blez de bienfaits par Augufte § Te'ren- ce en commerce d'aniitie avec Lelius & Scipion le vainqueur de Carthage : 1'on pretend meme qu 5 ils ant eu part a fa composition y Ennui? che'ri de Sci- pion PAfrkain , & enterre dans le fe-. pule re des Scipions., fur lequel on lui eleva.une Statue. Euripide tant de fois applaud* de toute la Greed, ekve aux premiers honneurs par Archilaiis Roi de-Mace- doine ,. & regrete des Arhe'niens par un deuil public: Homere reve're' de toute PAntiquite , & fou vent honor e par des autels &c des facrifices : Ale'- xandre vifitant le tombeau d'Achille 5 heureux , s'ecria-t-il , d'ayoir -pd trau- r de U felnture & de la Toefie. 11$ Ver une Homeix qui chanra fes louan* ges. Ce Prince ne marchoit jamais fans les ceuvres d'Homere ; il les lifok inceffamment , & ii les pla^oit me- me fous fon chevet en fe mettant an lit. Un jour qu'on prefenta une caflette d'un prix ineftimable ( bijoux le pins precreux de la de'poaille de Da- rius (fes Courtifans lui demanderent a quel ufage il la deftinoit > a renfermer les ouvrages d'Homere > leur re'pon- dit-il. Mais que n'a point fait ce meme Alexandre pour les Peintres ? quelles marques d'eftime & d'amour ne leur a-t-il point donne'es ? Il ordonna que la Peinture tiendroit le premier rang parmi les Arts liberaux -, qu'il ne fe- roit pennis qu'aux nobles de l'exer- cer y & que des leur plus tendre jeu- neffe ils commenceroient leurs exer~ cices par apprendre a deffiner: ilre- gardoit en cela le deflein comme la chofe la plus capable de difpofer Pef- prit an bon gout, a la connoiffance Ses autres arts , & a juger de la bean- *e de tons les objets du monde y il vi- *%%6 Paralde fitoic feuvetit les Peintres 5 & prenoit plailir a s'entretenir avec Appelles des choies qui regardoient la Peintifre. Pline dit que touche dc la beaute de Piine de fes ;Efclaves appele'e Compef- pe , qu'il aimoit eperdument 5 il la fit peindre par Appelles >& s'e'tant ap- per$u qu'elle avoir frape le cceur dii Peintre, du meme trait donr il fe trou- voit lui-meme atteint 3 il lui en lit im preient, ne pouvant recompenfer plus dignement cet ouvrage , qu'en fe pri- yarit de ce qu'il aimoit avec paffion. Ciceron rapporte que fi Alexandre defendit a tout autre Peintre qu'a Ap- - pelles de le peindre 5 & a tout autre Sculpteur qu'a Lifippe de fake fa fta- tue , ce ne fut point feulement par 1'envie d'etre bien reprefente , mais pour ne rien laifler de lui qui ne fut digne de 1'immortalite > & par Pefti- me finguliere qu'il avoir pour ce$ deux Arts. Lucien , au ehapitre d'Herodote * dit que de fon terns A<5lyon excellent Peintte fut admis aux jeux Olimpi- ques , pour difputer les premiers prfac centre les Poetes & les Muficiens , eifc de U Telnture & de U Toejte. %%y fcxpofant le tableau qu'il avoit fait pour la recompcnfe de fon tableau que j*ai vu chez les Jefiiites de cette Viile , qui en f^avent l'hiftoire par tradition. On trouve encore dans Lucien^ qu'Appelles ayant ete accufe par un Peintre jaloux de fa gloire , d'avoir conjure contre le Roi Ptolome,'ce Prince apres Pavoircornble^debien* faits , prit tellement feula-defius , que fans confiderer la jaloufie qui eft or- dinaire entre les perfonnes de meme Profeflion , il lui eut fait foufrir le dernier fuplice , fi un des complices ne Peut dechargealaqueftion. Mais lorfque le Roi eut appris fon inno- cence , il fut touche a'un tel repentir de ce qu'il lui avoit fait fouftrir , qu*il lui donna cent talens , & luimit entre J. 2 8 Tdralete les mains fon accufateur 3 poftren fairc ce qu'il lui plairoit. Appelles lui pardonna > mais pour fe vanger de la .calomnie qui lui avoit fair un fi mail- vais tour , il fit le tableau dont voici la defer iption. 11 peignit un Prince avec de gran- ges oreilles d'ane 3 comme on peint Midas , affis fur un trone 3 environns du foup^on & de Pignorance : en cet ctat il rend de loin la main a la calom- nie 3 qui s*avance vers lui 3 le vifage tout en feu 3 avec des attraits & des charmes exrraordinaires s elle tient de la main gauche uri flambeau 3 & trai- ne de Pautre par les cheveux un jeune innocent 5 qui eieve les mains an Ciel pour implorer fon affiftance > devant lui marche Pen vie , an vifage havre & aux yeux louches 5 accompagnee de lafraude &c de Partifice , qui parent & ajuftent la calomnie pour la rendre plus agreable -, apres vient le repentir lous la figure d'une Dame vetue de deuil , avec fes habits tout de'ehirez , qui tourne la tete vers la verite' r &; plettre de regret & de honte d'avoir fcrvi la calomnie pour opprimer Pin** de la Peinture & de U Poefie. 11% rnocent. Appelies eft dans uir coin du tabieau,qui attend le jugement dePto- Ipmee. J e ne crois pas qu'un Poete puiffe mieux exprimer un pareil fu- jet* Auffi ne fer ai-je point ici de diffe- rence entre la Peinture & la Sculptu- \ re ; car celle-ci n'a rien que la Pein- ture ne doive bien entendre pour etre yarfait£ : ce que la Sculpture a de plus beau , lui eft coramun avec la Pein- ture. Ces deux Arts fe font maintenus 4c tous les terns dans un meme de'gre deperfe&ion. Les Peintres & les Sculpteurs ont toujours vecu dans une louable jalou- fie fur la beaute & fur Peftime de leurs ouvrages , commc ils font enco- re aujourd'hui. Si les Sculptures anti- ques ont ete Padmiration des Anciens, comme elles font Petonnement des Modernes , que peut-on concevoir de la Peinture de ces memes tems-la? puifqu'avec le gout & la re'gularite de fon deffein , elle a du s'attirer toutes les louanges que meritent les efFets de fon co lor is** 1$o Paratek Mais fi nous- voulons remonter a£R deli du terns d 5 Alexandre , nous trou- verons que Dieu meme rendit cet art honorable , en faifant part de fon in- telligence , de fon efprit & de fa fa- geflfe a Befeleel & Ooliab , qui de- voient embellir le Temple de Salo- mon, & le rendre refpe&able par Jeurs ouvrag.es. Si nous reeardons la maniere dont la Peinture a etc recompenfee , nous verrons que les tableaux .des excel- lens Peintres etoient achetez a pleines mefures. de pieces d'or , fans coinpte & fans nombre ; d'oii Quintilien in- fere que rien n'eft plus noble que la Peinture , puifque la plupart des au- tires chofes fe marchandent & ontim prix fixe, au lieu que la Peinture n'en a point. L'Hiftoire remarque entre autres que Mirfillus Koi de Lidie* acheta au poids de Por un grand ta- bleau de la fa«~on de Bularchus , oil ctoit reprefente la bataille des Ma- gnefiens. Ce Peintre niourut Pan du monde 3260. Une feule ftatue de la main d'Ari- Hide , fut vendue 375 talens ? une au-'. de la feint ure & de la foe fie. % 3 1 tie de Policlete ,120000 fefterces z & le Roi de Nicomedie voulant af- franchir la ville de Guide de plufieurs tributs, pourvfi qu'elle lui donnat cette Venus de la main de Praxitelle , qui y attiroit tomes ks anne'es un con- cours infini de gens > les Guidiens ai- merent mieux demeurer toujours tri- butaires , que de lui donner une fta- tue qui faifoitle plus grand ornement de leur Ville. Il s'eft meme trouve d'excellens Peintres & de tres-habiles Sculpteurs , qui penetrez du me'rite de leur art, confacrerent auxDieuxleurs ouvrages , croyant que les hommes en etoient indignes. La Gre'ce touchee de reconnoiffance envers le celebre Po- lignote , qui lui avoit donne des ta- bleaux que tout le monde admiroit , lui fit des Entrees magnifiques dans les Villes 011 il avoit fait quelque 011- vrage. Un decret du Senat d'Athenes ordonna qu'il feroit defraye aux de- pens du Public, dans tous les lieux oil il pafleroit. Auffi la Peiriture etoit alors fi ho- noree , que les habiles Peintres de ces iems-la ne peignoient fur aucune cho- z 5 z T article fe qui ne put etre tranfportee d'unliett a un autre 3 & qu'on ne put garantir d\m embrafement. lis fe feroient bien gardez , die Pline , de peindre contre un mur qui B'auroit pu. appartenir qu'a un mai- ere > qui ieroit toujours demeure' dans un raeme lieu , 3c qu'on n'auroit pu derober a la risueur des flammes : il tfetok pas permis de retenir comme en prifon la peinture furies murailles, elle demeuroit indifferemment dans routes les Villes > un Peintre e'toit un bien commun a route la terre. L'on portoit meme jufqu'au refpeA Phonneur qu'on rendoit a cet Art ; le Roi Demetrius en donna des marques memorables au liege de Rhodes, ou il ne put s'empecher d'employer une partie du terns qu'il devoit aux foins de fon arme'e,, a vifiter Protogenes qui faifoit alors le tableau de Jalifus* Cet ouvrage , dit Pline 5 empecha le Roi Demetrius de prendre Rhodes , dans Papprehenfion qu'il avoit de bruler les tableaux de ce grand Peintre •> & ne pouvant mettre le feu dans la Ville par un autre cote' que celui oii e'toit le Cabinet r de la Telnttm & de la Voifie* 135 Cabinet de cet homme illuftre, il a.i- ma mieux epargner la Peinrure 5 que de recevoir la vi&oire qui lui e'toit offerte. Prorogene y pourfuit le meme Pli- ne , travailloitdans un jardin hers de la Vill'e,pres du camp desennemis , & il achevoit affidument les ouvrages qu'il avoir commencez, fans que le bruit des armes fut capable de Pinter- rompre > mais Demetrius Payant fait venir , Sc lui ayant demande avec quelle confiance il ofoit travailler an milieu des ennemis , le Peintre re'pon- dk qu'il fcavoit fort bien que la guerre qu'il avoit entreprife etoit contre les Rhodiens 3 &nonpas contre les Arts > €e qui obiigea le Roi de lui donner des Gardes pour fa furete , etant ravi de pouvoir conferver la main qu'il avok iauve de Pinfolence des foldats. De grands Perfonnages ont aime' la Peinture avec paffion, & s'y font exer- stz avec plaifir , entre autres Fabius 5 Pun de ces anciens Romains 3 qui au rapport de Ciceron , lorfqu'il eut gou- te la Peinture & qu'il s'y fut exerce y youlut etre appele Eabius Pill or \ par- v 2J-4 Pdralete la il vouloit donner un nouveau luff re a fa naiffance , felon Pidee que Fori avoit alors de la Peinture , car ce qui eft admirable en cet art y dit Pline 3 c'eft qu'il rend les nobles encore plus nobles , & les illuftres encore plus il- luftres. Turpilius Chevalier Remain * Labeon Preteur & Conful , les Poetes Ennius y Pacuvius , Socrate > Platon ^ Me'trodore , Pirron , Neron , Com- mode , Adrien , Alexandre 5 Severe 5 Antonin y Gordien y & plufieurs au- tres Empereurs & Rois y n'ont pas te~ nu au-deflous d*eux d'y employer line*" partie de leur terns. L/Hiftoire de Re- ne d 5 Anjou Roi de Naples 5 marque encore la pail on qifil avoir pour la Peinture : il peignoit uneperdrix dans le terns qu'on lui vint annoncerlaper- te de fori Royaume de Naples y cepen« dant il continua fou ouvrage avec la merae tranquilite' qull Pavoit com- mence'. On jGjait avec quel foin les grands Princes ont ramafle dans tons les terns quantite de tableaux des grands Mai- tres ,. & qif ils en ont fait un des plus jprecieux ornemens de leurs Palais | de la feint ure & de la Poljte, 235 on voir encore tons les jours couibien ce plaiiir eft fenfibleaiix grands- Sei- gneurs, & auxgens d'efprit qui ont du gout pour les bonnes chofes. Te'nioin Fatten tion que S. A. R. a eu de faire revenir en France les fept Sacreraiens du Pouffin.^ qui e'toient fortis 'du Royaume en 1 7 1 4 , fous uii Pafifeport du Prince Eugene , qu'un Negotiant de Roterdam avoit achete fecretement 1 5 mille e'cus , des heri- tiers deM.de Chanteloup Maitrc d'Hotel du Roi. Ce Negociant en re- »£ufa 150 mille iivres du Milord Mal- bouroug , fitot qu 3 il fut arrive a Ro- terdam, voulant les vendre 200 mille Iivres. CependantS. A.R. les a fait revenir , pour cadrer aux fept tableaux des fept pechez mortels , peints par M. le Brim. Ces deux chefs-d'ceuvres de Peinture peuvent bien etre mis en paralele avec ^excellent Poeme des principes de la Philofophie de i 5 Abbe Geneft. On n'ignore pas auffl avec quelle diftindion les habiles Pcintres de ces derniers terns ont etc traitez des Teres couronnces > & a quel point le Titiejnt Vij % j^ 'T Arable* & Leonard Vinci furenteftimez de& Princes qit'ils fervoicnt : celui-ci niourut entre les bras de Francois I* & le Titien donna tant de jaloufie aux Courtifans de Charles-Quint qui feplaifoit dans la converfation de ce Peintre, que cet Empereur fut - cons- traint- de leur dire qu'il ne manque- roit jamais de Courtifans-, mais qu 5 il n ? auroit pas toujours un Titien* On f pitie 5 & je nc les ai jamais retire a» fans larmes > tant la Peinture a f ni les tigres avec les a- oneaux* Cette ide'e generate Poblige enfuite a nous donner des moy-cns communs qui puiflent conduire les Peintres 8c les Poetes par les voies du bon fens 8c de la raifon 5 car Pon voit dans Pune de fes Satyres , qu'il aimoit extre'me- ment la Peinture^ & qu'il paffoit pour un fin connoiffeur. Gependant les pre'ceptes qu'il nous a laiffez > ne regardent que la theorie de ces deux Arts , lefquels different feulement dans la pratique & dans Pe- xe'cution : cette pratique de la Poe'lle fe remarque dans la di&ion & dans la Yerfification , fuppofe' que la verfifi- cation foit de Peffence de la Poe'fie. On pourroit y ajouter la declama- tion y a eaufc qu'elle eft lc nerf de la parole 3 & que fans elle on ne f^auroit bien repre'fenter les mceurs & les ac- tions des hommes , ce qui eft cepen- dant la fin de la Poe'fie y Pexe'cution de laPeinture confifte dans le deffein 3 lc coloris 3 & Pimagin-atiofu W40 far dde Ces differentes manieres d'executeif k Peinture & la Poefie \ ont leurs pri;& & leurs difficultez : mais l'execution de la Peinture demande beaucoup plus d'e'tude & de terns que celle de la Poefie y car la di&ion s'acquiert pa£ Pe'tude de la Grammaire & par le bon nfage > & cela eft eomniun a tous les fconnetes gens , par ^obligation ou ils font de bienparler leur langtie 3 quoi- que la faeilite de s'exprimer pure- ment , nettement & ele'gamment foiti encore le fruit, d'une e'tude tres-fe- Heufe. La declamation 5 dont Quintilien. traite fort exa6tement , fans laquelle «,. dit-il, limitation eft imparfaite y Sc qui eft Pame de Peloquence 5 dependi du pea de principes , & prefque en* tieremenf des talens naturels >-la ver« iification confifte dans la mefure har- monieufe 3 dans le tours du vers y 8c dans la rime : quoique ces chofes de- mandent de la reflexion -, de lale&u- re r & de la pratique , elles s'-appren- nent neanmoins affez facilement par gens qui y ont de Pinclination. Il n'en eft pas de meme du delfein Sc de la Velnture&deh Poe/ie. tf^t & du coloris *, Pun & {'autre exigent une infinite de connoiffances 8c une etude opiniatree. ' Le delfem demande itn exercice qui produife une fi grande juftefle de lavue 5 pour connoitre les differentes dimenfions des objets vifibles •> & une d grande habitude pour en former les contours , que le compas , cbmme di~ foit Michel Ange , doit etre plutot dians les y eux que dans les mains. Le Deflein fuppofe la fcience du corps humain > non feulement comme il doit etre pour etre parfait , & felon la premiere intention de la nature •> il eft fonde fur la connoiffance de 1'Ana- tomie , & fur des proportions tantot fortes & robuftes , &z tantot dedicates & elegantes 5 felon qu'elles convien- nent aux ages , aux {exes , & aux con- ditions differentes : cela fcul demande des etudes & des reflexions de beau- coup d'anne'es. Ce meme Deffein oblige encore 1c Peihtre a poffedcr paifaitement la Geometrie^pourpratiquerexadrement la Perfpe&ive , dont il a un befoin in- dependable dans toutes les opera- ■X* " ■&_%% Taralch tions ; il exige une habitude its ra« eourcis & des contours , dont la va* ricte eft auffi grande que le nombre elle inftruit les ignorans auffi-bien que les do&es > nous voyons meme-dans PHiftoire dc la Gonquete dil Mexique , que ces peuples n'ayantpas Pufage de Pecritu- re , envoyoient des relations en pein- ture de ce qui fepaflfbk dans le Royau- me d'une Province a Pautre , par Pex- preffion de la Pcinture dont ils avoient Pufage au.de'faut dePecriture ; deforte mais elle v n'en pent faire voir niJa caufe nil^ liaifon. Apres avoir expofe' 1c paralele .d§ ces deux arts ? il me refte encore a de** de la Telnture & dela Voefie. 14^ fcrnire quelques objections que Pea m'a faites. On m'objede done que la Peinture emprunte de la Poe'fie > qu'Ariftote dit que les Arts qui fe fervent du fe- cours de la main , font les moins no- bles : enfin que la Poefie eft toute fpi* rituelle •, au lieu que la Peinture eft en partie fpirituelle & en partie mate'- rielle. . A quoi je re'poas que le fecours na^ turel des Arts juftifie qu'ils ne peu* vent fe pafler Pun de Pautre : la Pein- ture n'emprunte pas plus deUPoefie^ que la Poefie emprunte de laPeintu* re. Gdtgfkfi vrai %, qug les faiiffes Di~ vinitez qui ont donne lieux aux fa* bles , n'ont ere employees par les Poe> tes dans leurs fidions , que parce que les Peintres & les Sculpteurs les avoient de'ja expofees aux yeux des Egiptiens pour les adorer* Ovide , tout Poete qu'il eft , dit que Venus, cette Declfe que la plume des Auteurs a rendue.fi cilebre , feroit en- core dans le fond des eaux , fi lepin- cpau,d'Appelles ne Pavoit fait con-* z jo Taralele noitre -, deforte qu'a cet egard f\ I& Poelie a public les beaurez de Venus ^ la Peinture en avoir trace la figure &. le cara6lere. Horace qui avoit veritablementr bcaucoup de gout pour la Peinture, mais qui devoir fa fortune & fa .reputa- tion a la Poefie , dit que les Peintres & les Poetes fe font toujours donne la permiffion de tout entreprendre °> ainfi il avoue qifen irsatiere de fiction leur empire eft de meme etendue , parce qu'il eft fans bornes &c fans con- trainte \ outre ceiles de la vrai-fem- blance y qu'ils font egalement obliges de gardeiv Si des Fables nous voulons pafler a PHiftoire , qui eft line autre fource ou les Peintres & les Poetes puifenr cgalement 5 nous trouverons qu 3 a la referve des Ecrivains facrez , la plu- part des Auteurs ont ecrit felon leur pallion , ou felon les memoires qifon leur a donnez 5 qu 5 ainfi ils nous ont laiffe des doutes fur beaucoup de faits qu'ils ont fouvent rapportcz diverfe* ment. Mais les faits hiftoriques les plu$ r de la Telnture & de la Poejte. Xfi- Conftans au fentiment- des habiles > . font ceux que nous voyons etablis ou confirmez paries me'dailles &les bas- reliefs antiques 5 , ou par les peintures dont les Chretiens ontdecore leslieux fouterrains oil ils faifoient Pexercice de leur Religion ,& ceslicux fetrou- . vent a Rome & en d^autres lieux de Tltalie. Baronius ditque le peuple Ro- main ayant decoiivert line autre ville fous terre , fut ravi d'y voir repre'fente en peinture les chofes qu'il ayoit lues dans its hiftoires* En effet Bofius & Severan qui ont ecrit de gros volumes de Rome (outer- raine , nous de'couvrent dans lespein- tures qui s'y font conferve'es jufqu'au- jour d'hui ,. Pan tiquite de nos Sacre- mens , la maniere dont les Chre'tiens faifoient leurs prieres , Sc dont ils en- terroient les Martyrs , & plufieurs au- tres connoilfances qui regardoient les, mifteres de notre Religion. Que n'apprenons-nous pas des mc- dailles & des fculptures antiques ? La-. diverfite' des Temples , des Autels, des vi&imes , des ornemens , du Pontifi- cat ■■> Sc de. tout ce qui fervoit aux fa~ 2t£*. faraUU crifices *, routes les fortes d'armes , de chariots 3i de navircs , les inftrumens fervans a la guerre pour attaquer &c defendre les villes 3 routes les couron- nes differentespour marquer les diver- fes fortes de dignitez &,de vietoires^ tant d'ornemetis de tete pour les fern- mes , tant d'habitsdiffe'rens , felon les terns 8c les lieux 5 .dans Ja paix & la guerre. Y ^-t-il des lieux qui puiflent nous donner des connoiffances auffi certaines fur les continues & fur les autres chofes qui, e'toient en ufage chez les Romains , que^celles que nous tirons des fculptures qui ont etc fakes de leurs terns ? Les bas- reliefs 4es calonnes Trajang & Antonine font: des Livres muets, cu Pon ne trouve pas a :1a verite les rroms des chofes 5 mais les chofes memes qui fervoient dans le commerce de la vie-, dii terns au nioins des:Empereurs dont les colonnes portent le nam* Ceux qui ont ecrit de la Religion des anciens Roniains 5 de leur maniere de camper, des fimboles allegoriques, de Pyconologie , & des images des jBkiix , n'otit point eu *, de meilleureij lie la feint ure & deUPoiJte. -&$%' ^raifons.p pour prouver ce qu'ils orit enfeigne % que les raonumens antiques des bas-reliefs &: des medailles. Enfin ces ouvrages & les peintures ancien- nes dont on vient de parler , font les fources dc l'erudition la plus affure'e ; &c c ? eft de-la que nous voyons dans ua grand nembre de fjavans cette vive curiofite des medailles , des pieces gravees , & de tout ce qui , dans les beaux Arts, porte le cara&ere de Pan- tiquite* II s'enfuit done de tout ce que je viens.de dire touchant la Fable &: i'Hiftoire , que la Poefie emprunte du moins autant de la Peinture , que la Peinture emprunte de la Poefie, A l'egard de ce que dit Ariftote , que les Arts qui fe fervent du fecours de la main font les moins nobles , 8c de ce que 1'on a ajoute que la Poefie eft toute fpirituelle, ail lieu que la Peinture eft en partie fpirituelle & en partie mate'rielle ; on repond que la main n'eft a la Peinture que ce que la parole eft a la Poefie •, elles font les miniftres de Pefprit , & le canal par ou les penfeesfecommuniquent. Pour ce qui eft de Pefprit 3 il eft 4:54 Tamlek egal dans ces deux arts : fe meme Ho« race qui nous a doiine des regies fi ex- eellentes de la Poeiie 3 dit qu\m ta- bleau tient e'galement en fufpens les yeux du corps & ceux de Pefprit. Ce qu'on veut appeller partie ma* terielle dans la Peinturf^ oi • e# autre chofe que Pexectition de la partie fpi- rituelle qu'on lui accorde , & qui eft proprement PefFet de k penfe'e du Peintre , comme la de'claniation eft Peffet de la penfee du Poete 5 dont la plume j Pencre & le papier font les -effets materiels de la Poefie* Mais il faut bien un autre art pour •executer la penfe'e d'un tableau > que pour declamer une Tragedie : pour celle-ci , il y a pen de pre'eeptes a ajou- fer aux talens exterieurs de la nature i mais Pexe'cution de la Pcinture de- mande beaucoup de reflexion & d'in- telligence ;. il fuffit prefque unique- nient au de'clamateur de s'abandonner a fon talent , & d'entrer vivement dans fon fujet : le Comedien Rofeius s'en acquitoit avec tant de force , que pour celafeul il me'ritoit, dit Cice'ron, cPetre fort regtete des honnetes gens , 'de Id T el nt tire & deUToeJte. v-$% Ou plutot de vivre ton jours, Mais le Peintre ne doit pas feule- Bient entrer dans fon fujet quand M Texecute \ il faut encore qu'il ait ,, comme nous Pavons deja dit , une grandc connoiflance du Deflein 5c dti colons . §£qii'i1 exprime finement les difte'rentes phifionomies & les diffe- rens mouvemens des paffions, Un Poete peut-il mieux exprimer par un Poeme epique ou dramatique en cinq adtes , les Conquetes d' Alexandre fur Darius 9 que l 5 a fait M. le Brun par la reprefentation des cinq tableaux qu'il nous a donnez, oil Pon voit cPum coup d'oeil toute Pe'tendue de Pa&ion exprime'epar la force de Pimagination de cet excellent Peintre, La main n'a aucune part a toutes ces chofes 5 qu'autant qif elle eft con- duite par la tete : ainfi a proprement parler, il n'y a rien dans la Peinture qui ne foit Peffet d'une profonde fpe'- culation : il n'y a pas jufqu'au mani- •ment du pinceau , dont le mouve- ment ne contribue a donner aux ob- jets Pefprit & le caradere. * On m'oppofe deplus lafacukede \$£ Particle ralforiner > & Pon dit que cepre'cieiB£ appanage de l'homme , qui fe ren- contre dans la Poefie avec tous fes or- nemens , ne fe trouve.pas dans la Pein* -tare* Tout ce que je viens de dire ferolt plus que fuffifant pqur fay$faire a cette objection ; niais il eft bon de 1'e- claircir pour y bien re'pondre. Il eft a remaquer que les arts n'o~ tant que dcs imitations ■? le raifonne- ment qui eft dans tin ouvrage ne fe paffe que dans Pefprit de eelui qui en juge : il eft done queftion de faire voir que le fpe&ateur trouve du raifonne- ment dans la Peinture 3 comme l'Au^ diteur dans la Poefie. On entend par le mot de raifonne- ment , ou la caufe & laraifon par la- quelk Pouvrage fait un bon effet , ou Paction de 1'entendement qui connoit une chofe par une autre 3 Sc qui en tire des confequences. Si par le mot de raifonhemeht on entend la caufe & la raifon par la- quelle Pouvrage fait un boh effet, il y a autant de raifonnement dans la Eeinture que dans la Poefie , parce -qu'elles de la feint urt & de la Toefie. 157 qifelles agiffent Pune & Pautre en vertu de leurs principes. Si par le mot de raifonnement oft entend Paction de Pentendement qui infere line chofe par la connoiflance d'une autre , il fe trouve egalement dans la Poe'fie & dans la Peinture > quand Poccafions'enprefente ; le plus fur moyen de rendre cette ve'rite fen- jfible , eft de la dxmontrer dans des 011- vrages qui foient fous nos yeux , & aufquels il foit aife d'avoir recoup -i Its tableaux de la Gallerie du Luxem- bourg , qui repreTentent la vie de Ma- rie de Medicis , en Teront autant de preuves } Je me fervkaixle celui oil eft peinte la naiffance de Louis XIII. par-' ce qu'il eft le plus count!. En voyant ce tableau on infere par exempleque Paccouchement arrivale matin parce qu'on y remarque le So- leil qui s'eleve avec fon char, &c qui fait fa route en montant. On infere audi que cet accouche- ment fut heureux, par la conftellation, de Caftor que le Peintre amis auhaut du tableau , & qui eft le iirnbole des wenemens favorables; a cotediita^> Y X\$ &: f arable bleau eft la fecondite,qui tournee verS; la Reine 3 lni montre dans line come d'abondance cinq petits enfans , pour donner a entendre que ceux qui nai- tront de cette PrincefTe iront jufqu'a ce nombre : dans la figure de la Reine on juge facilement par la rongeur de fes yeux , qifelie vient de foufrir dans ion accouchement; & par ces memes yeux amoureufenient tournez du cote de ce nouveau Prince, joint aux traits duyifage que le Peintre a divinement snenagez , il n 5 y a perfonne qui ne re- marque une double paflion , je veux dire un refte de douleur avec tin com- mencement de joie , & qui n 3 en tire cettc. confequence 5 que Pamour ma- ternel & la joie d'avoir mis tin Daufin an monde,. ont fait oubiier a cette Princeffe les douleurs de Penfante- ment. Les autres tableaux de cette Gallerie , qui font tons allegoriques t donnent lieu detirer des confluen- ces par les iimboles qui conviennent aux (ujtts & aux circonftances que le Peintre a voulu trailer. La Gallerie du Palais Royal., peinte de no.s jours par M* Coypel > dom le de la Teinture & de la foepe. 2/59 fujet eft tire de PEne'i'de de Virgile 9 eft encore un ouvrage qui pent non feulement etre mis en paralele contre tous les ouvrages des plus exceilens Poetes du terns 3 mais qui pent Pern- porter fureux comme un chef-d'cpu- yre de Part de Peinture. Il n'y a point d'habile Peintre qui ne nous ait fait voir de femblables rai- fonnemens 3 quand Pouvrage s'eft trou- ve d'une nature a Pexiger de la forte 5 ear encore que les raifonnemens crt- trent dans la Poefie & dans la Peinture *, les ouvraees de c^s deux arts n*en font pas toujoursmelez ni tou jours fufcep- tibles 3 les Metatnorphofes d'Ovide qui font des ouvrages de Poe'fie , ne font la plupart que des defcriptions. Il eft vrai que le raifonnement qui fe trouve dans la Peinture , n'eft pas pour routes fortes d'efprits > mais ceux qui ont un pen d'e'levation > fe font un plaifir de penetrer dans la penfeedu Feintre 3 & de trouver le veritable fens du tableau, par les fimboles qifou y voit reprefentez y en un mot d ? en- tendre un langage d'efprit qui n'eft fait que pour les ,yeux. Y a-t-ii un; Yij i£o , n Paralek- ' Poete qui vous reprefente plus agrea^ blement les amours de Jupiter pour, Danae & pour Le'da , que les deux ta~, bleaux que leCorege a fait a Rome^ & dont M. Alvares m'a dit .en, .avoir voulu donner vingt-cinq milie e'cus a la Reinede Suede? La trop grande facilke que l'on CKUive a decouvrir les chofes , affpH blit oidinairenientlesdefirs;, les pre** miers Philofophes ont cm qu'ils de- voient enveloper la yerite fous des fa~, bles & des allegories : inge'nieufes 3 afin que leur (cicncc fut recherche'e avec plus de curiofite, ou qu'en tenancies cfprits appliquez 5 elle y jettat des ra- ; cines plus profondes °, ear les chofes font d'autant plus d'impreflion dans, notre efprit & dans notre njempire , qu'elles exercent plus agreablement* notre attention : Jefus-Chrift meme s'eft fervi de cette fac^on d'inftruire , ^fin que les comparaifpns & les para- boles tinffent fes auditeurs plus at-, tentifs aux ve'ritez qu'elles figni- ftpient. On tire encore dc la Peinture des - ipdu&ions par ies attitudes > par les. 'deld Feint me & dl U Foe fie. & #£ C^preffions 5 & par les mouvemens.dea paifions de l'ame. II y a des tableaux qui nous reprefentent des conven- tions & des dialogues , ou nous con^ npiflbns jufqu'au fentiment des figu-. res qui paroiflent s'entretenir. Dans* I'Annonciation , par exemple 5 oil VAnge vient trouver Marie , le fpe^ ftateur demele facilement par Pex- prellion & par 1'attitude de la Sainte^ Vierge , le moment que le Peintre & voulu choifir *, & l'on connott fi c'eft Iqrfqu'elle fut troublee par une appa^ rition impre'vue 5 ou fi elle eft e'tonne'e^ de la propofition de PAnge^ ou enfin ii elle y coixfent , avec xette humilite» qui lui fit prononcerces mots: Voilh* lafervante da Seigneur _, &c. 11 paroit qu'Ariftote meme ne fait wcune difQculte d'accorder le raifon-. nement a la Peinture , quand il dit que oet art inftruit ,.& qu 5 ildonnematiere> a raifonner, non feulement aux Philo*. fophes , mais a toxis les hommes.. Quintilien avoue que la Peinture pe- netre fi avant dans notre efprit , &e : qu'elle remue fi vivement nos paf- fip#s 5 qu'il parois qu'elle a. plus de t %&t Paralele force que tous les difcours diunoiH de. Mais la raifon ne fe trouve pas feu- lement dans les ouvrages de Peinture, elle s'y fait encore voir orne'e d'une elegance & d'un tour agre'able -, le fu- blime s 5 y decouvrc auffi fenfiblenient que dans la Poefie y Pharmonie meme qui les introduit toutes deux & qui leur produit un acceuil favorable % . s 5 y rencontre indifpenfablement. Car on tire des couleurs une har- mionie par les yeux 5 comme on tire des fons par les oreilles. Mais 2 me dira-t-on , quelque efprit que Pon puifle donner a la Peinture , elle n'exprimera jamais auffi nette- nient ni auffi fortement que la parole* - Je f^ai bien que Pen peut attribuer a la parole des expreffions que la Peinture ne peut fupple'er qu'impar- fakement y mais je fcai bien auffi que !a Poefie eft fort eloignee d 5 exprimer avec autant de verite& d 5 e'xa£titude que la Peinture: tout ce qui tombe fous le fens de Pouie , quelque foin qifelle prenne de nous reprefenter la phifionomie , les traits > dc la couleur lie la Peinture & de la Toefie. %&p cPun vifage, fes portraits laiffent ton- jours de Pobfcurite' & de Pincertitude dans Pefprit 5'ils n'approcheront ja- mais de ceux que la Peinture nous ex- pofe. L'on a vu plufieurs Peintres qui Be pouvant donne'r par le rnoyen de la parole Pidee de certaines chofes qu'il impprtoit de connoitre , fe font fervis de fimples traits pour les deffiner^ fans qu'on put s'y me'prendre* Ceux mimes dont la profeffion etoit de perfuader r ont fouvent appe- le la Peinture a leur fecours pour tou- cher les cceurs, parce que Pefprit 5 comme nous Tavons fait voir , eft plu- tot & plus vivement -ebranle par les chofes qui frappent les yeux y que par celles qui entrent par les oreilles f les paroles paffent & s'envolent, comme on dity.& les exemples touchent rc'eft pour cela qifau rapport de Quintilien qui nous a donne' les re'gles de PElo- quence r les Avocats dans les caufes criminelles expofoient quelquefois un tableau qui reprefentoit Pevenement dont il s'agiffoit v afin d'emouvoir le coeur des Juges par Penormite du fait* Les pauvres fe fervoient aticienne- ^:^4 . Par dele inent du ineme moyen pour fe defend dre contre Poppreffion des riches y fe* Ion le temoignagedu memeQuinti-? lien-, parce que Pargent des riches pouvoit bien gagner les fuflfrages^en particulier ? mais fitot que la peinture du tort qui, avoit e'te fait paroiffoit devant toute. Paffemble'e^ elle arra^r choit la verite du coeur, des Juges en faveur des pauvres : la, raifon en efl ii eft de Peflence de la Poefie de pein- dre par les paroles. : Il n'eft pas veritable , pourfuivra— tron , que la Peinture parle & fe fafle : entendre par les chafes menies ,jjiais , feulement par Pimitation des chofes. On repond que c 3 eft juftement ce ■. qui fait le prix de la Peinture , puifque par cette imitation 5 comme nous Pa- vons fait remarquer , la Peinture plait pom* les preroga- tives de leur art. J'ajouterai encore que fi les Poetes fe vantent d'avoir Apollon pour 1'in- venteur de la Poe'fie , les Peintres pen- vent s'attribuer aufli le Dieu Vulcain pour Pinventeiir dudeflein, fi Pon en juge par les bas reliefs qu'il a fairs fur les boucliers de Mars , de Pallas , d'A- chille & d 5 Ene'e a & par les figures qui font au-defliis de leurs cafques ? fans parler des deux Automates d'or qu'il forgea pour lui fer vir de fer vantes , au de U Pemture& dt la Foijie. 1 €y Me decin ordinaire du Roy : nouvelle Edition revue & augment ie. in iz. r— Sa Chirurgie complete,par deman- des & par re'ponfes. in i %. •—Son Qfte'ologie , contenant la fuire de la Chirurgie complete , avec uix Traite des Maladies des Os. auffi m IX. Hiftoire abregee de l'Ancien-Tefta-- ment 5 avec des Reflexions, in i%* Les Ele'gies d ? Ovide 5 pendant fon e'xil 5 traduites en Francois, avec des Re- marques critiques & hiftoriques 3 le Latin a cote, in 12. Les Secrets les plus cachez de la Phi- lofohie des Anciens , de'eouverts 8c expliquez , a la fuite d'une Hiftoire des plus curieufes , par M* CroJJet de la Heanmerie* in 12. r Abregede la do&rlne de Paracelfe,& de fes Archidoxes 9 in i iv Hiftoire de la Marquife Marquisde Banneville. in 12. OVFRA GE S duPere Buf f i e r^ de la Compag nie af * J E s u s . ■ Grarnmaire Fran^oifefur un plan nou- veau , augmcntee duTraite des Re- gies de la Poefie 5 & de la Pen- cil at ion. / 12. Principes duRaifonnement 5 avec Pe~ xamen de plufieurs Logiques de ce terns, in 12. Hiftoire des Maiforis Souveraines > avec les Tables Gene'alogiques gra- ve'es. 3 vol. in n. Geographie Umverfelle 5 expofee avec le fecours des Vers artificiels 5 dans routes les methodes qui peuvent abre / ger& faciliter Pufagc de cette Science, m 1 1 . Pratique de la Mcnioire artificielle 9 pour apprencke & retenir PHiftoi- re uriiverfelie* 2 vol. in 12.