~ START MICROFILMED 1985 UNIVERSITY OF CALIFORNIA - BERKELEY GENERAL LIBRARY BERKELEY, CA 94720 COOPERATIVE PRESERVATION MICROFILMING PROJECT THE RESEARCH LIBRARIES GROUP, INC. Funded by . THE NATIONAL ENDOWMENT FOR THE HUMANITIES THE ANDREW W. MELLON FOUNDATION Reproductions may not be made without permission. THE PRINTING MASTER FROM WHICH THIS REPRODUCTION WAS MADE IS HELD BY THE MAIN LIBRARY UNIVERSITY OF CALIFORNIA BERKELEY, CA 94720 FOR ADDITIONAL REPRODUCTION REQUEST MASTER NEGATIVE NUMBER ¢5.260 AUTHOR: Paillavd, Lowts TITLE: Un Lyonnai S ow Klondike vos PLACE: Bourg DATE : 1900 VOLUME - CALL F431 “a gS- NO. P3 x NEG, NO, 3606 » v Paillard, Louis Un Lyonnais au Klondike; correspondance de M, L. Paillard, X adminisrateur délégué du Syndicat Lyonnais du Klondike, Bovrg, F, Allombert, 1900, 24 p. illus, , fold, map, 20cm, cop. 1 1, Klondike gold fields, I, Syndicat Lyonnais du Klondike, II, Tide, -) . CU-B TI FILMED AND PROCESSED BY LIBRARY PHOTOGRAPHIC SERVICE UNIVERSITY OF CALIFORNIA ‘BERKELEY CA 94720 JoBNO. 8/6 0 52/5 DATE 1 |] 8/5 REDUCTION RATIO 8 DOCUMENT "SOURCE THE BANCROFT LIBRARY LLL EEE | J 1 i | 1 2| ! ( y 3 ! | ! 4 I { gl J | 76 METRIC 1 “fas 22 Oo LR 2 lle “fla flee No On Jl = [le MICROCOPY RESOLUTION TEST CHART NATIONAL BUREAU OF STANDARDS STANDARD REFERENCE MATERIAL 1010a ANSI and ISO TEST CHART No. 2) —_ 20 tolondilis A LA VOILE SUR LE LAC BENNETT Se Ayor HH wily 4 Sie ak. aa hv Boge ~A A Sur Ww OO ra % pr Fr » 4 y x em A REINA, gr Ty NR ETRE pe I RK TH HT TV EAL SO AP SH BS re _ i» _ a | on RT ’ 3 . a EI Cd F baci i : 8% LER ea " p % : | ) Retake of Preceding Frame UN LYONNAIS AU KLONDIKE Un Lyonnais au Klondike d= 4 0RRESPONDANCE DE 3. &. BAILLARD Administrateur délégué DU Syndicat Lyonnais du ZS londike ~pi BOURG IMPRIMERIE « FRANCISQUE ALLOMBERT » 18, Rue Lalande, 18 sce 1900 M. Louis Paillard Mon cher Ami, Lorsque vous écriviez, pour vos associés de France, ces lettres familiéres, vous ne pensiez pas qu’elles dussent étre livrées a la publicité. J'ai donc a vous demander pardon de Uindis- crétion commise ; mais excusez-la. Jai cru qu'il était bon de montrer a un public moins restreint que les qualités de notre race vivent encore en ce siecle, et qu’'aux confins de ce Canada, conquis par nos péres et arrosé de leur sang, on reltrouve encore le Francais d’autrefois, son courage, son énergie, sa bonne humeur au milieu des obstacles et son indomptable confiance en Pavenir. Lyon, Février 1900. DB de> Silans J LEGENDE OV i ffl, ne pemmnes Chemin de fer construit. IAT Chemin de fer prajete. . = += + — Frontere entre Je Canada & les 2 Fotypdle eee ... Limite rea duit et 13 Colom nique port Reliance (Fuines] 0 Pogtes de la Pol a pe % e DAWSON, CITY Pd Nord- Ove, on ® al ides. Littl 2 a | . » \ | 3 v/s 3 So, I 4 > : 3 “5 % A ) & \ | . | S| Kush Hoof 3 5 lac | 4, | 3. | {£5 Lbayy X -§ \ = ~\ £ g/l ~) OP IY Fj a Gl gna Srapiderin RN Lac 3 © pesardeash SA Ee T p & / Mile Gako $y: Ae nh 3 eslin le Sl go \ 2c 7La¢. "tuscan. . 4 So Roofer geri sh~House 2g 2 5% j le shi ) TRS Un Lyonnais au Klondike CORRESPONDANCE do M. L. PAILLARD administrateur-délégué du Byndicat Lyonnais du Klondike —EN—— ... Partide Liverpool, le 10 mars 1899, sur le Dominion; débarqué a Halifax le 20, arrivé a Montréal le 23. Montréal, 24 mars 1899 .... Le matin, tout le monde s’est levé de bonne heure, dans I'impatience d’arriver. Le brouillard était toujours aussi épais. Enfin, vers 8 heures, il s'est dissipé et nous avons UN LYONNAIS AU KLONDIKE apercu la terre. A dix heures, nous entrions dans le port d’Halifax, aprés dix jours com- plets de traversée. Nous avons mis pied a terre avec un soupir de soulagement. Le temps de prendre mon billet, de passer a la douane, et me voila en route pour Montréal, aprés avoir fait mes adieux aux autres passagers qui prenaient des directions différentes. Il est probable que je ne reverrai jamais la plupart d’entre eux. Ils ont tous été trés aimables pour M. Tarut et pour mol. M. Tarut a pris un embranchement pour se diriger sur Boston ou il a des affaires a trai- ter; il me rejoindra ici vendredi, je pense. Nous nous accordons trés bien et je me félicite de plus en plus de I'avoir rencontré. J'ai donc continué mon chemin avec un Canadien francais de Québec qui a fait la traversée avec moi. Le train filait au milieu d'un pays couvert de neige. Le paysage dans cette partie n'est pas heau : des sapins, des bouleaux et quelques arbustes rabougris, UN LYONNAIS AU KLONDIKE une plaine sans fin. Toutes les maisons sont construites en bois, elles paraissent au pas- sage jolies et bien confortables. Le trajet d’'Halifax & Montréal par Québec est de 1.300 kilométres et se fait, en temps ordinaire, en 24 heures. J'ai mis 12 heures de plus, parce que nous avons été arrétes par la neige. Heureusement que les wagons sont fort bien aménagés : on y est grande- ment a son aise et bien au chaud. Je suis donc arrivé a Montréal, Thier au soir, a onze heures... Montréal, 28 mars. ... Jutilise mon séjour a Montréal pour me fortifier dans la connaissance de I'anglais et me documenter sur le pays de lor. M. Tarut m’a rejoint hier. Il me fait de plus I'effet dun homme sérieux, prudent, réflé- chi. Il partira sous peu; je profiterar de ea ne cS 10 UN LYONNAIS AU KLONDIKE 23 l'occasion pour voyager avec lui, car jai hate d’arriver la-bas. Nous irons d’abord au lac Atlin, au sujet duquel nous avons re- cueilll, M. Tarut de son c6té et moi du mien, les meilleurs renseignements. Grace aux lettres de recommandation de M. Favre*, jai pu me procurer de bonnes relations. M. Surweyor a été trés aimable ; il m’a présenté au maire, M. Préfontaine, qui s’intéresse beaucoup aux Francais ve- nant au Canada. Nous avons beaucoup parlé du Klondike, ou lui-méme a des intéréts et ou il ira cet été. Il ma dit qu'on pouvait trés bien y réussir, mais avec des capitaux, ar il faut compter acheter cher. Cependant, on peut trouver des occasions merveilleuses a trés bon compte, mais c'est une chance. D’apreés lui, on peut se rendre de Vancouver a Dawson en vingt jours. Jai abordé la question des. concessions * Délégué général du gouvernement canadien a Paris. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 11 de bois, car c'est une corde que je compte bien ajouter & mon arc. II m’a donné une lettre de recommandation pour M. Lafon- taine, ingénieur au Ministére des travaux publics 4 Ottawa, dans laquelle il le prie de me donner tous les renseignements et de me présenter au Ministre dont dépendent ces concessions. Nous nous arréterons donc a Ottawa dans ce but. D’ailleurs ces concessions s’obtien- nent facilement et cela n’engage a rien, si 'on ne juge pas l'affaire rémunératrice. Jai aussi des lettres de recommandation pour différentes personnes au Klondike. Je suis heureux de savoir que l'on s’inté- resse tant 4 moi. J'ai beaucoup d’espoir et vous pouvez étre certain que je ferai tou- jours de mon mieux pour réussir. Pourvu que Dieu me conserve la santé, cest tout ce que je demande, car je suis bien résolu a ne pas me laisser décourager par les ’ échecs. .. | 1 i 8 3 a RE i | UN LYONNAIS AU KLONDIKE Montréal, 31 Mars. Depuis que je vous ai écrit, jai fait la connaissance d'un M. Lacroix, un canadien qui voyage souvent en France et qui s'est montrée a mon ¢égard d'une complaisance exceptionnelle. II m’a promis une lettre pour M. Dugas, juge a Dawson et l'une des principales autorités de I'endroit. J'ai vu aussi M. Galibert, président de la Chambre de commerce francaise, et M. de Sieyes, un Francais devenu un des plus riches commercants de Québec, qui m’ont fait le plus charmant accueil. M. de Siéyes a son beau-frére au Klondike. I1 m’a montré quelques-unes de ses lettres. La note domi- nante de tous ceux qui écrivent de la-bas est celle-c1: « Ah! si javais seulement dix UN LYONNAIS AU KLONDIKE 13 mille dollars 4 ma disposition en ce mo- ment, quelle belle affaire je ferais! » Les gros capitaux des nouvelles compa- gnies, formées cette année, ne sont pas encore arrivés au Klondike et c'est pourquoi il importe beaucoup que je me hate. Jespére bien arriver dans un bon rang. J'ai vu également le Consul de France, qui m'a donné de bonnes indications. Je me porte trés bien, je suis plein de courage ct d’espoir. Aujourd’hui brille un soleil splendide. Avant-hier nous avions encore une grande tempéte de neige. .. Montréal, 6 avril. M. Tarut a décidément lié son sort au mien. Jespére que cette association aura pour nous les meilleurs résultats. Il est trop pénible de se sentir seul et il faut aussi prévoir les cas de maladie. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Nous partons aprés-demain pour Ottawa. Il faudra m’adresser les lettres au lac Atlin, car nous ne nous arréterons a Van- couver que le temps juste nécessaire pour y acheter quelques provisions de bouche. Nous voulions d’abord passer par Seattle afin d’éviter le territoire américain, a cause des mesures vexatoires prises par les Etats- Unis vis-a-vis de toute marchandise débar- quant 4 Skagway et venant de Vancouver. Aussi, beaucoup de mineurs ont été empe- chés de passer. Mais ces mesures ne pou- vaient durer et japprends que des mineurs ont repris le chemin de Vancouver et ont pu pénétrer par Skagway. Cest donc que interdiction est levée. J'ai converti ma traite en deux autres, l'une payable a Atlin-City et l'autre a Dawson. Toutes les banques retiennent 9 of, sur Dawson et 1°/, sur Atlin. Gest énorme. Je me suis adressé¢ a toutes les banques qui ont des succursales a Dawson. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Montréal, 8 avril. Je pars demain, a 10 heures, pour Ottawa, avec M. Tarut. M. Lacroix, dont je vous ai parlé M. Lacroix, dont je vo parlé, un ami de M. Surweyor, m’a fait connaitre, dans le 2 ’A 1 but ne m’étre utile, un M. Dubugue qui revient, assez mal en point, du Klondike, ou il posséde, sur le Dominion, des claims qu'il cherche a vendre. Il sont assez loin de la découverte. Il nous a exhibé, a M. Tarut et a mol, ses titres de propriété, mais il en veut trés cher, prétendant qu’ils valent une for- _ tune. Ce n'est pas un achat que l'on peut faire de loin. Une grosse société pourrait seule s’y hasarder. Nous trouverons sans doute d’aussi bonnes occasions dont nous pourrons mieux juger. J'ai fait mes adieux a M. Surweyor, qui a ¢té tres aimable et m'a demandé¢ de lui 16 UN LYONNAIS AU KLONDIKE donner de mes nouvelles, et de m’adresser a lui dans le cas ou il pourrait m’étre utile. Nous avons ¢té, ce matin, M. Tarut et moi, prendre congé du Consul, qui m’a paru avoir une grande considération pour M. Ta- rut. Cest au point que, dans le cas ou M. Turenne, qui doit étre nommé Consul de France a Dawson, ne retournerait pas au Klondike, c'est M. Tarut que le Consul ferait nommer. Il Ia chargé de lui faire parvenir des notes quil transmettrait au Gouvernement Francais. Le Consul nous a trés gracieusement invités a diner chez lui demain soir, mais nous n'avons pu accepter, car nous devons diner avec M. de Siéyes. Je passerai donc ma derniére soirée ici au milieu de Francais et des bons. Jusquau 1° mai, adressez mes lettres a Tagish-House, c/o Inspector Strickand, British-Columbia. L’inspecteur Strickland connait M. Tarut et lui a offert de faire UN LYONNAIS AU KLONDIKE 17 adresser ses lettres chez lui. Tagish-House, ou il demeure, est le plus proche bureau de poste du lac Atlin qui est dans le ressort de M. Strickland. Il nous sera certainement utile pour arriver a quelque chose de bon. Ottawa, 11 avril. Je suis arrivé ici hier matin et nous repartons pour Vancouver ce soir, a 3 heu- res. Nous aurons cing a six jours de chemin de fer. Les renseignements que nous avons eus, de coté et d’autre, nous engagent a passer par Vancouver. Nous avons passé notre journée d’hier occupés a prendre des ren- seignements et des recommandations. Jai vu M. Lafontaine, ingénieur des travaux publics, pour lequel javais une lettre du Maire de Montréal. Il a été tres aimable et 2 es CRESS CE ———— an oe - crn Cas A o I ER pr UN LYONNAIS AU KLONDIKE m’a donné une lettre de recommandation pour M. Gosselin, a Dawson, le fonction- naire chargé des concessions de bois. J'en aurais bien une ici, mais il me sera aussi facile de l'avoir la-bas et je pourrai mieux choisir. Ottawa est une ville bien moins importante que Montréal, mais c'est le siége du Gouvernement. Il y a trés peu de per- sonnes parlant francais et jen trouverai de moins en moins a mesure que je me diri- gerai vers l'ouest. Je commence a me faire assez bien comprendre en anglais; j'ai plus de difficulté a bien saisir ce qu'on me dit. Cela viendra ct je ne me décourage pas. La ville est batie sur un escarpement qui domine la riviére. Il n'y a de remarquable que le palais du Parlement qui est réelle- ment fort beau. Jen ai pris quelques photographies. | | } Nous sommes poursuivis partout par Parmée du Salut, mais ici le bruit de la QO E O & ll g LS o & a < oO nN Q wn = 0 = O Oo ~ Nn 2 ) 3 “0 dt O Oo J nn = = i= nN . or < -3 — a 5) ~~ a L a, ~— a I Q jb) Si = 2 UN LYONNAIS AU KLONDIKE dépéche cotitera 4 dollars 56 cents (20 fr. 80) les dix mots. Je crois que, de Vancouver en France, le mot cotte 1 fr. 90. La dépéche mettra au moins cinq jours,caril faut compter le trajet de Skagway a Vancouver en bateau. Nous voila donc installés ici,dans un assez joli endroil. C'est un petit plateau, entre le poste de Tagish-house, ou 11 y a a peu preés une quarantaine de policemen, un capitaine et deux majors, et ’hotel ot nous prenons notre pain. Nous sommes assez loin de I’eau et, pour l'aller chercher, il nous faut tra- verser un vral marécage ou l'on enfonce jusqu'aux genoux ; aussi mettons-nous nos bottes de caoutchouc pour cette circons- tance. Nous avons dressé notre tente, que nous avons garnie des deux cotés de branches de sapin sur lesquelles nous couchons dans nos lits-sacs. Nous avons installé notre cuisine derriére la tente, sous un abri; il ferait trop chaud pour avoir le poéle dans la tente D6 UN LYONNAIS AU KLONDIKE maintenant. Nous sommes trés bien installés et je suis dans le cas de regretier ce petit endroit, quand nous le quitterons pour des- cendre a Dawson. Nous sommes chez nous, au moins, et nous nous trouvons infiniment mieux qua Ihotel. Jai pris deux photogra- phies de notre campement. Notre cuisine est peu difficile a faire : du lard, des haricots, du riz et des conserves de viande. Voici notre menu d’hier, qui était excep- tionnel puisque c'était la féte de la Pentecote. Le matin, chocolat ; 4 midi, saucisson (celui du frére Euthyme, nous l'avons trouve ex- cellent), conserve de mouton avec des pommes de terre, compote de fruits et café avec créme. Le soir, soupe julienne au Liebig et le reste de notre boite de conserve accommodé avec du riz, compote de fruits et café. Avant de nous coucher, un petit grog au whisky, dont nous avons réussi a passer une bouteille a la visite de la douane, qui a fouillé toutes nos caisses et nos sacs. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 57 Je confectionne des soupes au lard excel- lentes, & la Lormoise. Quant a la vaisselle, nous n’en salissons que le moins possible et ne nous donnons pas le luxe de changer d’assiettes. Nous sommes trés contents de nos marmites et plats en aluminium. Il faut faire ici tous les métiers: charretier, canotier, bucheron, charpentier, cuisinier, etc..., c’est une bonne école pratique. Nous avons été visiter, I'autre jour, un village indien tout prés d'ici, et composé de sept a huit maisons en bois peint en rouge, vert, bleu, etc. Nous n’avons trouvé que trois ou quatre femmes, sous une tente, au milieu d'une saleté sans nom, et dévorées par une infinité de grosses mouches, attirées par les détritus et 'odeur de peaux de bétes “quelles tannent pendant que les hommes sont a la chasse. Ily a pas mal de gibier: pluviers, bécas- sines, canards, oles sauvages, et aussi de belles truites dans la riviére. Nous avons tue, 8 UN LYONNAIS AU KLONDIKE I'autre jour, quelques pluviers qui nous ont fourni un excellent roti. [.a semaine derniére, nous avons fait une petite expédition, dans le but de nous rendre compte d'une découverte que 'on prétendait avoir été faite sur un petit lac, le petit Atlin, situé a 12 milles d'ici. Nous sommes donc partis jeudi avec, sur notre dos, des cou- vertures pour coucher et des provisions pour deux jours. Nous avons eu beaucoup “de peine a trouver lapiste, car il faut, a tout moment, traverser des marécages, et ce n'est pas drole de marcher la-dedans. Enfin, jeudi soir, nous ¢tions au bord du petit Atlin, ou nous n'avons rien trouvé, sauf deux Américains venus dans le méme but que nous. IIs nous ont offert leur tente pour coucher et nous avons décidé de faire le lendemain une reconnaissance dans les environs. Nous avons eu bien {roid pendant la nuit et jai vu arriver 4 heures du matin avec joie pour nous lever et partir. Apres UN LYONNAIS AU KLONDIKE : H9 avoir contourné le lac en marchant dans une boue gluante et au milieu d'un fouillis inextricable d’arbres morts et renversés les uns sur les autres, nous sommes arrives, vers 11 heures, sur les bords dun creek assez important, ol ne sont jamais venus que des Indiens probablement, et que nous quatre, sur ma proposition, avons baptisé¢ « Emma-Creek ». Apres avoir traverse sur un arbre abattu en travers, nous avons commencé a lexplorer en le remontant et en lavant de temps en temps un pan; mais nous n'y avons pas trouvé d'or, la vallée était encore trop large et il aurait fallu remonter au moins encore 10 a 12 milles. Je crois que, plus haut, on peut trouver quelque chose, car la formation du terrain est la méme qua Atlin. Cest une expédition d'une huitaine de jours qu'il faudrait. Ces sortes d’explorations sont trés pénibles et ne peu- vent étre faites que par des hommes rompus a ce métier et capables de .lrainer avec eux 60 UN LYONNAIS AU KLONDIKE ustensiles, outils, provisions et campement, ce qui n'est pas facile dans ces fourrés et demande du temps. Je ne désespére pas de I'avenir de « 'TEmma-Creek ». Les deux Américains vont continuer leurs recherches. Nous avons regagné leur tente, le soir, harassés de fatigue, et il a fallu encore faire la cuisine avant de se reposer. Nous avons vu, de loin, de magnifiques élans qui paissaient surle flanc d'une colline; nous avons aussi rencontré beaucoup de traces d’ours, mais sans apercevoir un seul de ces charmants voisins. Enfin, samedi, nous avons regagne notre campement, aprés avoir éprouvé, pendant trois jours, ce que cest que prospecter. Je suis en parfaite santé de corps et d’es- prit. NN N “« ~ ~ 2 fe = = ~~ N ~ Notre bateau ¢¢ Le Lac Saint-Jean ” au départ le matin, apres avoir campé sur le rivage pendant la nuit. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Tagish, 31 mai. Les Américains sont revenus, quelques jours aprés nous, sans aucun résultat. Ils continueront cependant a fouiller ces pa- rages, ou ils ont trouvé des « couleurs » pas trés loin, et nous restons en relation avec eux. Depuis mon retour, je m’'occupe a rédiger un rapport a la Société sur mon voyage d’Atlin. II parviendra a Lyon sans doute en méme temps que ma lettre. J'ai également rédigé un article, avec trois cartes, pour la maison Hachette,dont le représentant m’avait fait des offres a Montréal, ou je lal ren- contré. Je pense que la librairie Hachette le fera publier dans la Lecture pour tous. Nous chassons un peu pour améliorer notre ordinaire, car le gibier abonde. Nous sommes dans l'attente du premier bateau qui passera ici. Il y en a un qui a HR UN LYONNAIS AU KLONDIKE essay¢ de partir hier de Bennett el, comme nous en élions avisés par le téléphone, qui fonctionne jusqu'ici maintenant, nous nous apprétions a tout boucler pour pouvoir le prendre. Mais, a 10 milles de Bennett, le bateau a été obligé de rebrousser chemin, arrété par les glaces. Néanmoins, cela ne peut tarder beaucoup; la riviere monte rapi- dement et charrie des glacons. .. 5 juin. Nous nous embarquons pour Dawson. Dawson, 20 juin. Je suisarrivé enfin, avant-hier 18, a desti- nation. Le vovage depuis Tagish a donc duré treize jours. Parti le 5 de Tagish sur le bateau de Mme A..., le Lac Saint-Jean, un petit bateau carré construit par les quatre Sur le lac Marsh. — La flottille des bateaux profitant de la premiere rupture des glaces. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Canadiens qui 'accompagnent, nous sommes arrives, le méme soir, sur le lac Marsh, ou la banquise de glace nous a barré le chemin. Forcés de nous arréter, nous avons campé a terre et, peu a peu, tous les bateaux partis de Bennett sont venus se heurter a cette barriére et tout le monde a campé. A un moment donné, il y avait bien, a cet endroit, deux cents bateaux et autant de tentes : une vraie ville. Nous sommes restés jusqu’au 10, la glace persistant. Nous avons employé notre temps principalement a chasser le canard et la sarcelle, qui abondent dans les petits étangs d’alentour. Nous avons trouvé, dans nos promenades, de trés belles fleurs quon est tout ¢tonné de voir dans ce pays. Tout était verdoyant, avec des quantités de fraisiers, de groseillers en fleurs dans les bois et de rosiers prés d’éclore. Nous avons quitté notre campement, le 10 au matin. Il y avait toujours de la glace. Tous les bateaux se sont engagés dans le chenal, au 64 UN LYONNAIS AU KLONDIKE risque de se faire briser entre les blocs, dans le cas ou un coup de vent serait arrivé; tout le monde s’est mis a casser la glace pour ouvrir un chemin aux bateaux. Nous avons failli 1a étre écrasés par un gros bateau plein de beeufs. Enfin, le soir, nous avions tra- versé le mauvais passage et l'eau était libre devant nous. Nous avons marché toute la nuit et, le 11 au matin, nous sommes arrivés au White- ‘Horse, d’ou jai écrit un mot. J'ai déchargé ‘mes marchandises pour ne pas risquer de les perdre et je les ai fait transporter de l'autre cOté des rapides par le tramway qui les longe. Les quatre Canadiens, avec un pilote, ont sauté le rapide sans accident. Jal pris la quelques vues : c'est trés beau. Il y a un tourbillonnement d'eau effrayant; les bateaux sautent la-dessus comme des coquilles. 11 y en a quelques-uns qui ont chaviré, mais sans accident de personne. IT juin. J 1a JAnar - raw Thi 1 ? Point ce départ du tramway de ¢ White Horse rapids \ 9 \ ou s‘opere le transbordement des marchandises jusqu’au bas des rapides. UN LYONNAIS AU KI.ONDIKE Le lendemain, nous arrivons au lac La- barge, 45 kilométres a traverser, et, quand on ma pas le bon vent, cest trés dur a la rame ; aussi nous nous sommes arrétés un moment a un village indien pour attendre le vent favorable. Jai vu 1a des types trés curicux que jai eu de la peine a photogra- phier. Is se sauvaient aussitot qu’ils voyaient Pobjectif braqué sur eux. Les femmes ont des anneaux au nez et un clou qui traverse la Iévre inférieure. Il y en avait une avec un beau peignoir pompadour, et une autre avec une jaquette et un chapeau. L'une delle était trés gentille ; elle est reste tout le temps a admirer M™e A. et tout ce quelle avait sur elle, en lui demandant le prix de tout. Elle avait un bébé, pas trop vilain, de sept a huit mais, qui ne faisait que rire en me regardant. Je crois bien que mon lorgnon a le don de faire rire les petits indiens. Ils répétent assez bien les mots que 'on prononce devant eux. Cette femme a été 9 60 UN LYONNAIS AU KLONDIKE ravie d'un ruban violet de Saint-Etienne que Mme A, lui a donné. Enfin, le vent s'est mis a souffler dans la bonne direction et nous nous sommes mis en route. ‘Bientot, nous avons ¢té assaillis par une véritable tempéte, absolument comme sur la mer. Le lac était d'un beau vert émeraude et les vagues nous ballotaient furicusement. La partie peut-étre la plus dangereuse de ce voyage est la riviére les Trente-Miles, qui fait suite au lac Labarge. Elle est semée de rochers, dont quelques- uns sont invisibles et fatals aux embar- cations. Il faut une attention de tous les instants pour les éviter. La, nous avons eu quelques émotions. Je me rappelle notamment qu'a un tournant ou la riviére est tres rapide, nous avons apercu tout d'un coup les signaux que lon nous faisait d'un steam-boat ¢choué juste entravers de la riviere et ne laissant quun étroit passage. En forcant sur les rames, nous UN LYONNAIS AU KLONDIKE 67: avons pu passer sans ¢étre jetés contre le vapeur. Il fallait constamment avoir I'ceil sur les remous produits par les écuells, pour s’en garer a temps. Une fois, en voulant en éviter un trahi par son bouillonnement, nous avons failli nous jeter sur une autre roche, a laquelle nous ne prenions pas garde. Il s’en est fallu de peu que 'arriére de notre bateau ne vint se briser contre I’écueil. Aprés cette riviére des Trente-Miles, tout a bien marché. Le lendemain, nous franchi- ssions les Five-Fingers, qui sont trés beaux a voir, puis le Rink-Rapid. “n arrivant un peu au-dessous de Fort- Selkirk, ou l'on commence a trouver des iles sur lesquelles le courant vient se briser en causant des amoncellements de débris et de troncs d’arbres, 1l faut faire trés attention et s'y prendre de loin pour diriger le bateau soit a droite, soit a gauche. Une fois, nous voulions passer a gauche d'une de ces iles, 68 UN LYONNAIS AU KLONDIKE mais il faut croire ue nous ne nous sOmMiNes pas mis a4 ramer assez tot: le courant nous a jetés juste sur la pointe, notre bateau s'est cabré en se renversant presque, et nous avons été rejetés a gauche sans aucun mal. Sil y avait eu la des débris comme en beaucoup d’endroits, notre barque aurait pu s'v briser, mais la force de projection nous aurait lancés dans lile. Nous aurions ¢té alors de nouveaux robinsons, sans provi- sions, dans cette petite ile. On rase parfois ces ilots de tres pres et les arbres qui penchent sont trés dangereux. Pas moven de les éviter si I'on ne sy prend pas a temps, le courant est trop rapide. Une fois, un de ces arbres a accroché notre drapeau. Plus bas encore, nous avions trés vilain temps. Un vent violent nous jetait contre de hautes murailles de rocher bordant le fleuve. Il a fallu s'arréter a temps dans un abri pour ne pas étre pris par la ratfale. Enfin, tout s'est bien passe. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 69 C'est bien moins dangereux de faire la descente en bateau a vapeur, mais aussi bien moins intéressant et plus cotiteux. Le soir, nous étions arrivés sans avaries, mais non sans péripéties, a la Steward, ou le mari de M™e A... nous attendait. Enfin, le 18, nous étions a Dawson. Nous nous sommes installés sous la tente, la maison de M. Tarut étant d'une malpropreté repous- sante, apres avoir été, tout I'hiver, habitée par toute espéce de gens. Nous resterons ainsi provisoirement jusqu'a ce que jaie trouvé l'occasion d’acheter une petite maison. D’ici, nous dominons la ville ; nous avons une bonne source a proximité et I'église catholique est au-dessous de nous. [incendie de Dawson n'a pas laissé¢ de trace, tout est déja rebati. Il y a de jolies petites maisons, trés coquettes, trés bien arrangees, avec de petits jardins oll poussent des fleurs, de la salade, etc..: Le premier bateau a vapeur venant de Bennett est arrivé 70 , UN LYONNAIS AU KLONDIKE ° seulement deux jours avant nous. La poste est arrivée, mais le bureau est resté fermé hier et aujourd’hui. Je n’aurai donc que de- main mes premiéres lettres. Dawson, 29 juin. Je me suis a peine arrété a Dawson et immédiatement jai entrepris une tournée sur les creeks. Je suis rentré hier de mon exploration” sur le Bonanza, le Hunker, le Bear et le Dominion ou jai étudié différentes propositions.’ J'ai arrété mon choix sur deux claims et jai acheté I'un deux aujourd hui, Pour l'autre, je suis en pourparlers avec ses propriétaires. Celui que jai acheté est un bench-claim, n° 15, du Bonanza — 250 x 250 pieds. — Il y a eu un commencement d’ex- ploitation, cet hiver, et I'on en a retiré 5,000 dollars. Ce travail est trés bien commencé et m’a permis de me rendre compte, autant 10 juin 1899. Rapides du White Horse au moment ou un bateau traverse la partie la plus dangereuse. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 71 qu'on peut le faire, de la valeur de ce claim. Il y a huit galeries déja creusées. Nous avons pris des « pans » a divers endroits de ces tunnels ; tous ont été bons et nous avons recuellll quelques dollars. L’épaisseur de la couche payante est partout supérieure a deux pieds. Je ne vous donnerai pas le résul- tat de mon calcul concernant la valeur de ce claim, car 1l faut toujours se méfier des calculs théoriques, mais je le crois bon. Il appartenait a trois propriétaires qui ne s’en- tendaient pas entre eux et qui veulent quitter le pays. Ils en voulaient 8,000 dollars; je l'ai eu pour 6,000. II y a deux cabines sur le claim ; je me propose de m’y installer pro- chainement et de le faire activement tra- vailler. Ces bench-claims présentent cet avantage de pouvoir étre travaillés toute année, de sorte que jaurai des résultats immeédiats. Mais je ne me contenterai pas de lo faire travailler au « rocker », ce qui est bien trop long. Je ferai descendre la terre 72 UN LYONNAIS AU KLONDIKE sur le creek, ou elle sera lavée par une « sluice-box » s'embranchant a une déja existante, dont le propriétaire me louera l'eau. J'ai aussi 'intention de dégeler la terre par un appareil a vapeur. Enfin c’est toute une exploitation un peu sérieuse a orga- niser. Je vais m’y employer activement. Ce claim est actuellement travaillé par sept hommes, qui ontun « lay » jusqu’au 1 aout, pour deux d’enlre eux; etjusquau 15 sep- tembre, pour les cinq autres. Voici ce que cest qu'un « lay » : les ouvriers travaillant ainsi ne sont ni nourris, ni payés, mais ont droit a la moiti¢ de ce qu’ils retirent. Cette méthode, si elle donne un bénéfice moindre, permet du moins d’engager un plus petit capital, puisque les dépenses d’exploitation sont réduites a trés peu de chose. Je crois bien avoir fait une bonne affaire pour commencer. La seconde, que je suis en train de traiter, est un creek-claim sur le Dominion; je vous en parlerai lorsque ce UN LYONNAIS AU KLONDIKE sera terminé, si je m’arrange avec les pro- priétaires. Je marche presque a coup sur, car je ne m’engage qua bon escient. II y a _beau- coup de bonnes occasions a trés bon compte ct de quoi employer avantageusement de gros capitaux, mais je dois étre prudent, tres prudent, en conséquence du petit capital dont je dispose. Nous avons fait notre exploration en compagnie de M. Leyton, ce jeune Anglais dont je vous avais parlé et que nous devions retrouver a Londres. Lui, a pu mettre, de suite, 50,000 dollars a I'achat d'une série de bench-claims qu'il va faire exploiter hydrau- liquement. En résumé, d’aprés tout ce que jai vu, je puis vous dire que jai grande confiance dans la réussite. Il y a beaucoup a faire dans ce pays, pour ceux qui ont les capitaux suffisants. Il était impossible d’arriver plus tot a moins de UN LYONNAIS AU KLONDIKE partir de France au mois de février. Nous sommes venus tres vite. Notre bateau, conduit par de vigoureux rameurs, dépas- sait tout les autres, a tel point qu'on nous appelle ici les « fleet-frenchmen », les « IFran- cais volants ». I1 fait une chaleur accablante; nous pré- férons marcher la nuit, et 1l faut étre bon marcheur dans ce pays. Nous sommes reve- nus, d'une seule traite, depuis le Dominion, soit 35 milles (56 kil.), avec quelques heures de repos sur le Hunker et le Bear. Je vous enverrai, ainsi qua I'Exploration, une carte de larégion; elle n'est pas bien dressée, mais elle vous donnera une idée suffisante de I'emplacement de nos propriétés. Mon impression sur le Klondike est que ce pays est sur le point de subir une crise a laquelle peu de régions miniéres échappent. On a dit d’abord de telles merveilles que la foule est accourue de tous cotés. Tous ces gens, plus ou moins sans argent, pensaient « Miles Cannvon ». Le fleuve s’engouffre entre deux murailles basalte de 30 metres de hauteur. J de UN LYONNAIS ‘A KLONDIKE faire fortune en peu de temps et. pour beau- coup, la désillusion a été cruelle. La plupart de ces claims, pris au hasard et ¢éloignés de la découverte, n'ont rien donné ou presque rien. Aussi, bien des gens vont quitter le pays, cet été, désabusés, et parmi eux plusieurs I'rancais. Cela ne pourra que faire du bien. Le commerce de bois n’a pas marché cette année. Tout le monde s'était jeté dessus et le bois s'est vendu 15 dollars la corde, au lieu de 50 qu'il valait année derniére. La réaction peut s’'opérer a nouveau et c'est une question a étudier. Les gages sont encore trés chers, 1 dollar Iheure, maisles vivres ont bien baissé de prix. Nous campons a coté de la maison de M. Tarut. Je compte acheter une bonne cabine a Dawson, pour nous servir de quartier général. J'ai employé mes premiers jours a faire quelques visites. Le capitaine Steams, le juge UN LYONNAIS AU KLONDIKE Dugas, le gouverneur, M. Ogilvie, auquel jai remis la lettre de M. Fabre. L'incendie de Dawson n’a pas laissé de traces. Tout est rebati. Les rues sont propres, couvertes de copeaux et de sciure de bois. II n'y a pas eu d’'inondations comme l'année derniére. Un « excitement » a eu lieu aux environs de Saint-Michel. Sur la foi de nouvelles plus ou moins vraies, beaucoup sont partis; mais on ne se géne pas pour dire que ce mouve- ment est produit par la Compagnie des bateaux du Yukon, pour avoir du monde. En somme, jai bon courage et grande confiance dans la réussite, malgré que je sols bien limit¢ dans mes moyens d'action. J'agirai lentement et en petit, suivant mes ressources, mais jarriveral tout de méme. Je ne suis nullement disposé a me laisser influencer par les bruits pessimistes mis en avant par des gens découragés et qui n'avaient, du reste, rien de ce qu’il faut UN LYONNAIS AU KLONDIKE pour réussir. Je supporte sans peine les privations ct les fatigues qui accompagnent la vie de mineur, mais ne pensez pas que je sols malheureux le moins du monde. Je crois qu'on a dépeint le Klondike plus noir qu'il ne Test réellement. J'ai été heureux d’avoir enfin des nouvelles de France. Grace a I'obligeance de M. Seyton, * j'ai pu obtenir hier mon courrier sans faire (queue a la poste (11 y a eu une queue dau moins cent métres de long toute la journée). Il est inutile de m’'envoyer des journaux, car japprends que la poste ne les transmet jamais a Dawson. Je vous prieral de m'en- vover, de temps en temps, dans vos lettres, les coupures qui pourraient m’intéresser. Le commerce d’absinthe et de whisky est toujours le plus fructueux. M. X., qui avait obtenu une licence du ministre a Ottawa, malgré les prohibitions, s'est défait de sa -argaison avec un beau bénéfice. Il m’a pro- posé de s’associer avec mol pour une sin- 8 UN LYONNAIS AU KLONDIKE guliére affaire dont je vous parle a titre de curiosité, n'ayant ni le gott, ni la volonte, ni les moyens de me lancer dans cette voie, qui, 2 vrai dire, donne ici de magnifiques résultats. Il s’agit du Monte-Carlo de Dawson, qui est a céder par son propriétaire (établis- sement de jeux, bals, théatre). Celui-ci a fait fortune, il est malade et veut sg retirer. M. X. parait y tenir beaucoup et cherche des assocleés. . . Dawson, 3 juillet. Je n'ai pas fait moins de 110 kilométres a pied, dans ma tournée sur le Dominion. mais, ici, on s’habitue a marcher, quoique les chemins ne soient pas fameux. Jai vu, sur le Dominion et sur le Hunker, de trés bons claims, et je trouverais certainement a pla- cer la des capitaux considérables, car on rencontre de bonnes occasions. Mais atten- dons et, pour le moment, je vais tacher de UN LYONNAIS AU KILONDIKE prouver, le plus vite possible, que l'on peut faire quelque chose dans ce pays. Je suis allé, avant-hier, prendre possession de mon claim. Quand nous sommes arrivés, deux des propriétaires étaient déja partis et le troisiéme nous attendait avec impatience pour nous faire la remise de la propriété. Il était bien content de partir, car il se croit tres malade, et il nous a montré de beaux sacs d’or représentant sa part dans ce qui a déja été retiré du claim. Il nous a avoué¢ — et il n’avait aucun intérét a nous tromper, puis- quil parlait — que ce claim leur rapportait environ 40 dollars par jour pour leur part, les ouvriers en ayant autant. It encore, a ce moment, c'est la partie du claim qui paye le moins qui est travaillée, puisqu’ils creusent en profondeur. Quand on abattra des deux cOtés et que jaurai installé le travail conve- nablement, cette production sera bien aug- mentée. Il y a deux cabines appartenant au claim. Nous habiterons l'une d’elles quand 80 UN LYONNAIS AU KLONDIKE nous irons nous y installer, cette semaine, je pense. Lautre est occupée par les ouvriers. Jai acheté la tente de I'un des propriétaires, montée sur cadre en bois, avec poele, ustensiles de cuisine et pas mal de pro- visions, a trés bon compte. Nous en ferons notre cuisine et la salle a manger pour I'été, car il fait trop chaud pour faire du feu dans les cabines. Il y a, en outre, une autre cabine et cinq tentes appartenant aux ouvriers; c'est “un vrai chantier. Je ne paye pas les ouvriers ot ils se nourrissent a leurs frais, mais ils ont droit a la moiti¢ de I'or qu’ils retirent et onl, par conséquent, intérét a bien travailler. Ils ont néanmoins besoin d’étre surveillés, ce qui serait la méme chose, d’ailleurs, si javais des ouvriers a gage. Jen ai septactuellement et je vais en augmenter le nombre. Comme chaque ouvrier ne considére avoir gagne sa journée normale quavec 10 dollars et que jen aurai autant qu'ils en retireront tous en- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 81 semble, je puis espérer rentrer dans mon argent en tres peu de temps. Ce matin, j'étais a I'église catholique avec tous nos amis francais, formant un noyau respectable. Le reste de Iassistance se composait de Canadiens et, en majeure partie, d’Irlandais. | L’¢glise est fort jolie, en bois naturelle- ment, mais avec des peintures et des tableaux. Elle avait bralé, 'année derniére, et Mac Donald, « le roi du Klondike », a donné au curé, le lendemain de I'incendie, un chéque de 25.000 dollars (125.000 francs). Nous demeu- rons juste au-dessus d’elle, et c’est un casse- cou pour y descendre. Il y a deux messes chaque dimanche:I'une 48 h.1/2,0t1le sermon et les annonces sont faits en francais; I'autre, a 10 h. 1/2, qui, avec le sermon et les chants, dure plus de 2 heures. Ce matin, il y avait deux dames et deux messieurs a la tribune, qui ont chanté le Gloria, le Credo, le Sanctus, etc... en musique et fort bien: Je ne pensais 6 i 82 UN LYONNAIS AU KLONDIKE pas entendre de si belle musique a Dawson. J'ai fait nettoyer de fond en comble et passer au sublimé la cabine de M. Tarut, et nous avons commencé a emménager hier seulement. Ce sera notre pied-a-lerre a Dawson provisoirement, car nous passerons presque tout notre temps sur nos claims. Elle elleest située sur une colline dominant la ville, a une extrémité. C'est en bon air et sain, mais, I'hiver, il parait que c’est dur d’y monter l'eau et le bois. Il vient d’arriver quatre ou cinq Francais, dont M. M,, conseiller de préfecture, et M. B,, officier de cavalerie. Ils vont monter un restaurant ici. (est assez drole. Les modes de Paris de M™¢ A. ont un grand succés et elle parait trés contente de ses ventes, qui, les trois premiers jours, ont produit 1.500 francs. Un simple canotier lui est payé 10 dollars (50 francs), et tout dans la méme proportion. .. Aoiit 1899. Sortie de la messe a I’église de Dawson : : un coin du presbytere ; a gauche, hopital catholique. a droite LSS... UN LYONNAIS AU KLONDIKE 83 Claim du Bonanza, 8 juillet. J'ai étudié le claim d'un peu plus prés. Sur les 8 tunnels, quatre sont mal boisés et il ne serait pas prudent d’y travailler avant I'hiver. (C'est ainsi qu'un ouvrier s'est fait tuer dans un claim tout prés du noétre. Mes ouvriers sont les plus grands paresseux que jaie jamais vus ; je n’en ai qu'un, un Norvégien, qui travaille courageusement. Ils espérent trouver une plus riche paie a mesure qu’ils s’enfoncent. | Pour le moment, je ne peux ni augmenter la production, ni améliorer les moyens d’ex- ploitation. L'eau manque pour laver et on ne peut faire ce travail qu'au rocker ; je ne puis non plus forcer les ouvriers a tra- vailler, puisqu’ils ne sont pas a gage ; mais, comme leur contrat finit le 15 septembre, je m’arrangeral, a cette date, pour m’assurer un travail sérieux, cet hiver. En attendant, je a i 1 | | 51 4 84 UN LYONNAIS AU KLONDIKE patienterai avec la petite production actuelle. Je ne me hate pas pour faire d'autres achats; il faut agir avec beaucoup de pru- dence et sans hate. Pour le claim du Domi- nion, dont je vous ai parlé, jattends de voir venir le propriétaire, qui est force de partir. Il m’en demande le double de ce que je puis lui offrir. Dawson, 10 juillet. Je suis de retour a ma maison de ville, car j'ai maintenant maison en ville et habi- tation a la campagne; mais, contrairement aux habitudes de France, je passe la semaine a la campagne et le dimanche a la ville. Je suis donc parti, mercredi dernier, pour commencer mon installation sur le claim. Je suis arrivé juste pour partager Tor que les ouvriers avaient extrait pendant mon ab- sence. Cela représentait un petit tas assez UN LYONNAIS AU KLONDIKE 85 rondelet que j’al eu un certain plaisir a peser dans mes petites balances et a mettre en mon sac, que je tiens d'une Indienne du lac Labarge, mais il me tarde d’étre débarrassé de mes paresseux d’ouvriers et de voir mon travail sérieusement organisé. L'or du claim est généralement assez fin, mais il y a quand méme de beaux morceaux ; on en a lavé, samedi, de trés jolis. Nous nous sommes donc installés dans 'une des deux cabines qui appartiennent au claim. Elle est bien batie, assez grande pour mol et M. Tarut, et éclairée suffisamment par deux petites lucarnes. Il n’y a pas de plan- cher : nous tacherons d’en établir un. Notre premier travail a été de nous installer des lits, composés seulement d'une toile tendue sur deux traverses. Nous laissons nos lits- sacs ici, a Dawson, et nous couchons la-bas enveloppés dans une couverture. Nous fai- sons la cuisine sous une tente a coté, mais il nous faut aller chercher I'eau a 500 meétres - 86 UN LYONNAIS AU KLONDIKE de 1a, par un chemin trés difficile, dans un trou creusé pour recevoir les eaux de pluie. Heureusement que nous possédons un filtre pour la purifier. Le claim est presque au sommet dune colline et il faut fortement grimper pour y ‘arriver. Nous avons la vue sur toute la vallée de la Bonanza et lair y est trés bon. Ven- dredi dernier, nous avons apercu, de la, un trés gros feu, qui a détruit une grande partie du bois, sur la colline dominant Dawson. Nous croyions bien que Dawson bralait encore une fois ; il n'y a eu qu'une trentaine de cabines brulées. Jétais a la grand’messe hier. Il y avait beaucoup de monde. On y voyait de belles toilettes a coté de pauvres diables dégue- nillés. Ainsi, il y avait devant moi un homme pieds nus, en chemise déchirée, sans veston et la téte toute rasée, a coté d'une belle dame en jupe de satin. Cela faisait un drole de contraste. Mais, en général, les assistants sont UN LYONNAIS AU KLONDIKE 87 proprement habillés. Les dames portent toutes au bras leur petit sac d’or enveloppé dans un mouchoir de dentelles, et elles mettent leurs billets de banque dans leurs bas. C’est trés drole de les voir se détourner et chercher dans ce porte-monnaie d'un nouveau genre, Claim du Bonanza, 15 juillet J'a1 assisté, jeudi, a Dawson, a une vente de claims par autorité de justice. On peut quelquefois trouver, a ces ventes, de trés bonnes occasions. L'un de ces claims, sur le Gold Hill, était, parait-il, une bonne affaire, mais jai été prévenu trop tard pour aller m'assurer par moi-méme de la valeur de ce claim. Dans les deux claims qui m’avoisinent, beaucoup plus avancés en travail que le mien, on vient de trouver des poches trés 88 UN LYONNAIS AU KIL.ONDIKE riches. De celui immédiatement a coté, on a retiré 200 dollars par jour, etle propriétaire a mis, en outre, de coOté, en quatre jours, pour 400 dollars de pépites. De l'autre, il a été retiré, cette nuit, une pépite de 112 dol- lars ; je I'ai vue, c'est un trés beau morceau. Mon tour viendra aussi. Mercredi, nous avons trouvé, au lavage, nos premiéres pépites, dont I'une, d'un or jaune splendide, est admirée de tous ceux qui la voient, quoiquelle ne soit pas bien grosse. Nous espérons quelle nous en annonce beaucoup d'autres. Le propriétaire du claim du Dominion a abaissé ses prétentions de 2.000 dollars. D’ici au mois de septembre, au départ des der- niei's bateaux, peut-étre sera-t-il forcé d’en venir a mon chiffre. En attendant, je visite d'autres claims a vendre. Nous sommes montés, hier au soir, sur le fameux Gold Hill et sur I’Eldorado. Ce mont d’or est une colline située a I'embou- chure de ’Eldorado. C'est sur cette montagne Aoiit 1899. M. Paillard et M. Tarut devant leur cabine sur le haut de la colline dominant Dawson. AU KI.ONDIKE UN LYONNAIS que I'on a découvert les premiers bench- claims. Tout ce coin est travaillé avec une grande activité. On a lI'impression d’étre Ia en face du vrai Klondike. de celui qui fait réver tant de personnes par les richesses que l'on en retire. Partoul, sur le creek et sur le flanc des collines, le terrain est éventreé ; de nombreuses machines a vapeur pompent eau, dégelent la terre et montent les déblais du fond des puits qui, sur le sommet du Gold Hill, atteignent 98 pieds de profondeur. On comprend qu'une véritable ville, la Fourche, se soit fondée au confluent de I'Eldorado et du Bonanza. Jespére donc bien faire fructifier le petit capital dont je dispose, mais qui semble vraiment comme une goutte d'eau dans I'océan, en ce pays ou l'on parle de mille dollars comme de vingt francs en France. Je n‘avanceral quavec prudence, autant que possible avec la certitude de relirer un bon intérét de mon argent, et jaurai de plus la 90 UN LYONNAIS AU KLONDIKE chance de trouver un endroit riche ; je crois que cette année est trés favorable pour acheter. La ville de Dawson s’améliore de jour eu jour. On établit actuellement un ré- seau de distribution d'eau, avec des luyaux en bois qui conduiront, cet hiver, 'cau du Klondike, bouillie, filtrée et portée a une cerlaine température pour éviter la congé- lation. De temps en temps il y a un stampede vers tel ou tel endroit. Au mois d’octo- bre dernier, cétait au Kentuki, petit creck en aval de Dawson. Tous nos amis francais et d'autres s’y rendirent et y par- vinrent, aprés avoir beaucoup souffert du froid, qui les avait pris a Ilimproviste. Arrivés sur place, leur enthousiasme tomba aussitot ; ils firent des trous ou ils recueil- lirent quelques couleurs, mais ne poussérent pas plus loin leurs prospects. A leur UN LYONNAIS AU KLONDIKE 91 retour a Dawson, ils « recordérent » quand meéme leurs claims. C’est, je crois, un claim sur ce creek qui fut vendu 8 ou 9 fois par son propriétaire et chaque vente était enregistrée au bureau du gold-commissioner. Ce trafic fut arrété par I'un. des acheteurs, qui cut I'idée d’aller s’en- quérir au bureau des titres de propriété. On s’apercut alors que ce claim avait été bel et bien vendu plusieurs fois successivement a plusieurs personnes. Les aventuriers el chevaliers d’industrie ne manquent pas dans ce pays. Ils savent exploiter au loin l'attrait que le métal jaune a toujours pour I'homme ; ici, ils sont sou- vent forcés de vivre d’expédients. Beaucoup de mineurs descendent main- tenant aux nouveaux champs d'or, prés de Saint-Michel, 4 'embouchure du Yukon. II parait que I'on y trouve quelque chose, mais le climat est rude et le bois manque totale- ment. UN LYONNAIS AU KLONDIKE La banque paie l'or du Bonanza 15 dol- lars 25 a 15 dollars 30, once. Je crois que le propriétaire du claim voisin du mien le vend méme 16 dollars. Je tacherai de le vendre a ce prix, quitte a faire faire un essai. Je suis allé voir M. Gosselin, ce fonction- naire pour lequel M. Lafontaine, a Ottawa, m’avait remis une leltre, dans le cas ou jaurais voulu obtenir une concession de bois. II n’a fait que confirmer ce que je sa- vais déja, ¢’est-a-dire qu’en ce qui concerne les bois de construction, les grandes scieries ont des concessions qu'elles exploitent elles- mémes ; quant au bois de chauffage, 11 n'y a rien a faire pour le moment; 11 a valu 15 dollars I'hiver dernier et il y en a encore de grandes quantités non vendues. M. Lafontaine, dont je vous parle plus haut, vient d’arriver ici, ou il a d'importants intéréts. UN LYONNAIS AU XLONDIKE Claim du Bonanza, 22 juillet. Le propriétaire du claim du Dominion, dont je vous ai entretenu, est parti, cette semaine, sans avoir pu se résoudre a me le laisser au prix que jen offrais et qui efit été assez avantageux pour nous. En raison de I'éloignement de ce claim et de I'inconvé- nient de trop disperser mes intéréts, je ne I'aurais acquis qu'en le payant trés bon marché. Mais il est bien préférable pour moi de grouper mes achats dans un cercle restreint qu'il me sera plus facile de sur- veiller, et les claims a vendre ne manquent pas aux environs. Maintenanl que jai pris pied, jaime mieux ne pas me presser et étre prét a profiter de trés bonnes occasions qui se présentent quelquefois. J'ai visité encore hier de trés beaux bench-claims a vendre pas loin d'ici. Quil 94 UN LYONNAIS AU KLONDIKE faut faire de pas, avant de traiter une affaire! Aussi nai-je guére de moments libres et je mai pu encore rédiger mon rapport officiel sur I'achat du claim. | Sans contenir une fortune (4 moins de surprise), ce claim est bon; jen ai la convic- tion. J'ai encore fait dexcellents « pans » dans la 5¢ galerie, ou travaille mon Norveé- gien, le seul bon ouvrier que jaie. Il a failli se laisser prendre dans un éboulement et 1l s'est empressé de consacrer deux ou trois jours a consolider son boisage ; malgré la perte de temps, il a cependant obtenu un bon résultat dans sa semaine. Au lavage d’hier, nous avons obtenu d'autres pépites, comme les premiéres. Ces tunnels ne sont pas tres sars pour y travailler I'été ; ils sont généralement mal ‘ ’ y TT rN y ’ - e boisés, les terres dégelent et s’effondrent. J me rends bien compte que le gros du tra- vail doit s’effectuer en hiver. J’al réussi a me débarrasser de mes autres UN LYONNAIS AU KLONDIKE 95 ouvriers; je les remplacerai beaucoup mieux. I me faut un peu de temps pour bien m’organiser. Ce propriétaire du claim du Dominion a donc préféré confier ses intéréts, pendant son absence, a un foreman, cest-a-dire 3 un contre-maitre qui surveille le travail des ouvriers. C'est une grosse dépense pour le propriétaire, qui paye cet homme fort cher et s’expose a étre volé. (est ainsi que deux associés, possédant un bon claim sur IEldo- rado, descendaient joyeusement le Yukon, le mois dernier, avec la perspective de se partager une bonne somme, extraite pendant leur absence par les soins de leur foreman ; mais ce dernier, qu'ils payaient 4,000 dollars par am, venait de s'enfuir, emportant 15.000 dollars. Le gouvernement met en adjudication, pour le 1¢ septembre prochain, une série de fractions de claims qui lui appartiennent sur le Dominion. Mais cette vente aura lieu a 96 UN LYONNAIS AU KLONDIKE — BE Ottawa, cest-a-dire qu'elle est réservée aux privilégiés. Il existe, d’ailleurs, une clause par laquelle le gouvernement sc réserve de ne pas accepter la plus haute soumission. Nous avons moins chaud ici qua Dawson, environ 25°, et les moustiques tendent plutot a disparaitre, mais, dans nos tournées de coté et d’autre, nous avons souvent été harcelés par ces insectes, qui nous infligeaient un vrai supplice. Claim du Bonanza, 29 juillet. M. Turenne, qui remplit maintenant les fonctions de consul de France a Dawson, m’'a fait appeler, l'autre jour, pour me parler d'un claim a vendre sur le Gold-Hill ; je lal visité et je n’al pu me rendre encore bien compte de sa valeur. Je vais y retourner et je vous en reparlerai, L’exploitation des claims du Gold-Hill est rendue assez difficile par la raret¢ de l'eau UN LYONNAIS AU KLONDIKE et le prix élevé du bois, qui commence a disparaitre. On dit qu'un entrepreneur se pro- pose d'y monter I'eau du Bonanza a aide de pompes puissantes. Cette région continue a tre travaillée trés activement. Il y a beaucoup de machines a vapeur employées a épuiser, a élever l'eau nécessaire pour le lavage dans les sluice-boxes, a dégeler la terre, a la remonter des puits, etc., etc. Il arrive conti- nuellement de nouvelles machines. Certains claims ont un travail trés bien organisé, avec des lignes de vagonnets pour transporter la terre. On commence a exploiter les creek- claims en été; le travail consiste a ouvrir complétement le claim en enlevant, au moyen de dragues attelées de chevaux, les couches successivement dégelées par la cha- leur du soleil. Cette méthode économise le combustible et permet une meilleure sur- veillance des ouvriers. Le gouvernement va faire construire une 7 08 UN LYONNAIS AU KLONDIKE route a voitures de Dawson a la Fourche, et une autre jusqu'au Hunker et au Dominion. Il y a longtemps que ce travail devrait étre fait ; il retire d’assez beaux revenus de ce pays pour quil améliore les moyens de transport, dont linsuffisance contribue a maintenir les prix trés élevés, dés qu'on s’éloigne de Dawson. Sur mon claim, le travail continue tout doucement. Le tunnel n° 5 n’est plus sur du tout et il n'est pas prudent que mes ouvriers continuent a y travailler avant I'hiver; jai mis mes deux Norvégiens (jen avais adjoint un second au tunnel n° 5) au tunnel n° 1, qui est plus solide. Ce tunnel a 170 pieds de long et, comme il nexiste qu'un seul puits d’aération a environ 50 pieds de I'ouverture, il faut, pour qu'il soit possible d’y travailler d’'une maniére suivie, creuser un autre puits d’aération débouchant au fond du tunnel. Mes ouvriers meénent donc de front ces deux travaux : continuer le tunnel et creuser le UN LYONNAIS AU KLONDIKE 99 puits, Tant que celui-ci ne sera pas terminé, il ne sera pas possible de faire plus de deux ou trois feux par semaine dans le tunnel, ce qui diminuera un peu la production. Mais il faut absolument que ce puits soit creusé ; il sera terminé, je pense, avant quinze jours. Mes deux Norvégiens, qui ne veulent pas perdre leur droit au tunnel n° 5, qu’ils consi- dérent comme trés bon, préférent se con- tenter d'un profit un peu moindre en atten- dant qu’ils puissent y travailler de nouveau. On est bien tranquille sur notre coteau. [emplacement des dumps forme un ter- rain dou l'on apercoit un coin de la vallée du Bonanza ou le travail est tres actif. On y voit, de 13, les hommes qui remuent la terre et la chargent, comme des fourmis occupées a construire leurs galeries en trainant leurs lourds fardeaux. Le soir, on n’entend que le bruit monotone du balance- ment des rockers, qui travaillent nuit et jour, et les clochettes des mules conduites 100 UN LYONNAIS AU KLONDIKE par leurs guides, qui les excitent par des cris. On apercoit, en face, dans les derniers rayons du soleil, tout rouge au travers des brumes du soir, leurs longues files gravissant le sentier qui contourne la colline. La ville de Dawson s’améliore de jour en jour; chaque fois que j'y rentre, je puis cons- tater de nouveaux progrés. On commence a élever de hautes constructions; des trottoirs s’établissent de chaque co6té des principales rues ; on assainit en créant des rigoles, etc. Sans ces boites de conserves éventrées qui gisent en nombre d’endroits, ce serait une ville assez propre, mais il y a encore beau- coup a faire au point de vue de I'hygiéne, dont les régles sont bien négligées. En certains endroits écartés, on respire des odeurs épouvantables. Malgré cela, 1l y adu progres et I'état sanitaire est plus satisfaisant que l'année derniére. Le scorbut, la fiévre typhoide deviennent rares. Cela résulte de ce que, la fiévre d’or étant un peu calmée, on Juillet 1899. Rue principale de Dawson. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 101 se nourrit mieux, on est mieux logé, on a plus de bien-étre que 'année derniére, ou toute cette foule est arrivée d’un seul coup, aprés un voyage rempli de privations et de fatigues. Entassés au hasard, sans prendre le temps de s’installer, tous ces gens cou- raient aussitot sur les creeks, en négligeant les régles les plus élémentaires de I'hygiéne : il en est naturellement résulté un grand nombre de maladies. Cette année, il en est tout autrement: la premiére fiévre est passée, on est plus rassis, on fait plus attention a I'alimentation et a I'hygiéne; les provisions affluent, les prix diminuent, et les pauvres diables qui forment le principal contingent des maladies, venus sans argent dans I'es- poir de n’avoir qua se baisser pour ramasser de lor, aprés avoir mis de coté un petit pécule, en travaillant, se sont hatés de quitter le pays. La vie prend un cours normal, et la région va maintenant se développer régu- liérement apres ce bond formidable. 102 UN LYONNAIS AU KLONDIKE Nous avons encore de fortes chaleurs. A 8 heures du soir, il fait encore trés chaud, le soleil étant haut sur I'horizon. Cependant les jours diminuent et on commence a sen apercevolr. On va exécuter, le 4 aott, 3 ou 4 condam- nés a mort ; cest la pendaison qui est em- ployée ici. Parmi ces condamnés, deux ou trois sont des Indiens de Tagish-house qui, année derniére, ont tué deux blancs pour s’emparer de leurs provisions. Ils devaient étre exécutés au mois de novembre dernier, puis I'exécution a été retardée, et ce retard a méme permis de constater un procédé bien américain. Le jour ou devait avoir lieu I'exé- cution, un journal d’ici en avait imprimé tout le compte-rendu d’avance, et déja les exem- plaires étaient partis pour I'extérieur. UN LYONNAIS A KLONDIKE Claim du Bonanza, 5 Aout. Je vous ai parlé dans ma derniére lettre du claim du Gold-Hill, au sujet duquel M. Turenne m’avait fait appeler a Dawson et que j'avais été voir la semaine derniére. Ce claim est un de ceux qui appartiennent jus- tement a ces deux Américains volés par leur - foreman, comme je vous lai raconté. Je vous ai dit aussi que ce claim ne m’avait pas fait trés bonne impression 4 premiére vue. Malgré cela, jai acheté, de moitié avec M.T., une option valable pendant neuf mois ; avec cette option, nous pouvons acquérir ce claim, jusqu’a expiration du délai, pour la somme de 6,000 dollars. Nous avons versé comptant 550 dollars, dont 275 dollars pour ma part. Si I'achat a lieu, cette somme sera retranchée du total. Voici la seule raison qui nous a engages SE a —— _. 104 UN LYONNAIS AU KLONDIKE a obtenir une promesse de vente de ce claim : c'est qua c6té on vient de découvrir une veine trés riche, reposant sur un bed-rock d'une toute autre formation que celui qu'on trouve plus haut. Cette veine se continue- t-elle autour de la colline et traverse-t-elle par consequent ce claim ? C’est la chance de affirmative que nous avons voulu courir, moyennant le risque de la somme versée comptant. Si cette veine se trouve, le claim peut acquérir une grande valeur et alors nous l'achéterons au prix convenu, soit pour I'exploiter, soit pour le revendre un bon prix. Les deux propriétaires s’en vont ces jours-ci. Ils mont délégué pleins pouvoirs pour faire travailler deux laymen sur leur claim. Le produit que jen retirerai servira a prospecter et chercher la veine. Ce claim a été trés mal travaillé. C'est un vrai gachis, quand les propriétaires ne sont pas la. Les voisins ne se sont pas génés pour y faire leurs dépots de terre et méme pour sv vv UN’ LYONNAIS AU KLONDIKE 105 installer. Je vais les sommer d’enlever tout cela ou de me payer une certaine somme, qui servira a couvrir nos 550 dollars. Je suis remonté sur le Gold-Hill pour continuer a étudier le claim que jy avais déja visité. Il me produit bonne impression et j'y retournerai encore la semaine pro- chaine. Rien de nouveau sur mon claim. Le puits a maintenant 24 pieds : il en reste encore 11 a creuser, aprés quoi le tunnel avancera vite. Ce puits me cotte cher, mais il est absolument nécessaire pour que l'on puisse travailler le tunnel d'une maniére suivie. Il sera terminé, je pense, la semaine prochaine. Tous les mois, du 1¢* au 5, je dois déclarer, au bureau de police de la Fourche,la quan- tit¢ d'or retirée du claim pendant le mois précédent. On monte beaucoup de machines a vapeur de ce coté. Quand la route décidée sera construite, le transport de cet outillage A ETA EL — 104 UN LYONNAIS AU KLONDIKE a obtenir une promesse de vente de ce claim : c'est qua coté on vient de découvrir une veine trés riche, reposant sur un bed-rock d'une toute autre formation que celui qu'on trouve plus haut. Cette veine se continue- t-elle autour de la colline et traverse-t-elle par consequent ce claim ? C’est la chance de Paffirmative que nous avons voulu courir, moyennant le risque de la somme versée comptant. Si cette veine se trouve, le claim peut acquérir une grande valeur et alors nous l'achéterons au prix convenu, soit pour I'exploiter, soit pour le revendre un bon prix. Les deux propriétaires s’en vont ces jours-ci. Ils m’ont délégué pleins pouvoirs pour faire travailler deux laymen sur leur claim. Le produit que jen retirerai servira a prospecter et chercher la veine. Ce claim a été trés mal travaillé. C'est un vrai gachis, quand les propriétaires ne sont pas la. Les voisins ne se sont pas génés pour y faire leurs dépots de terre et méme pour sy UN’ LYONNAIS AU KLONDIKE 105 installer. Je vais les sommer d’enlever tout cela ou de me payer une certaine somme, qui servira a couvrir nos 550 dollars. Je suis remonté sur le Gold-Hill pour continuer a étudier le claim que jy avais déja visité. Il me produit bonne impression et J'y retournerai encore la semaine pro- chaine. Rien de nouveau sur mon claim. Le puits a maintenant 24 pieds : il en reste encore 11 a creuser, aprés quoi le tunnel avancera vite. Ce puits me coute cher, mais il est absolument nécessaire pour que l'on puisse travailler le tunnel d'une maniére suivie. Il sera terminé, je pense, la semaine prochaine. Tous les mois, du 1¢ au 5, je dois déclarer, au bureau de police de la Fourche, la quan- tit¢ d'or retirée du claim pendant le mois précédent. On monte beaucoup de machines a vapeur de ce coté. Quand la route décidée sera construite, le transport de cet outillage ot re mm To ——_—_—_— SR C— Bi i i —_—, 106 UN LYONNAIS AU KLONDIKE coutera bien moins cher. Il y a dix jours, jai vu une énorme chaudiére que 12 hommes et 4 chevaux s’efforcaient de faire avancer sur des rouleaux. Imaginez-vous ce que doit cotter une telle machine rendue a destina- tion. Je la vois chaque fois que je descends a Dawson. Elle a parcouru a peu pres 8 Kil. en 8 jours. Une fois, elle était engagée sur un pont en bois, & moitié écroulé sous son poids énorme. On a da avoir bien du mal a la sortir de la. Toutes ces machines sont chauf- fées au bois, qui devient rare. Quant au bois de construction, je nen al guére vu que dans le bas du Hunker, en allant sur le Dominion. La, il y a de beaux arbres et la vallée est assez jolie. Le sentier serpente autour du ruisseau entre deux haies d’églan- tines et de plantes variées en pleine floraison. L’herbe y pousse épaisse et donne envie de se reposer 4 I'ombre des grands arbres. Sur le Dominion il n'y en a presque plus, méme sur les hauteurs qui séparent sa vallée UN LYONNAIS AU KLONDIKE 107 de celle du Hunker. On découvre de la une grande étendue ct I'on se rend bien compte de la configuration des vallées du Klondike, du Flat-creek et du Hunker. J'ai assisté 1a, en revenant du Dominion, a4 un magnifique coucher de soleil, dont les derniers rayons doraient les cimes neigeuses des Montagnes- Rocheuses, que I'on apercoit, dentelant I'ho- rizon, au nord-est. Les bateaux a vapeur faisant le service de Dawson au White-Horse luttent entre eux de vitesse. Le record était détenu par le Victoria, qui avait remonté le fleuve, d'ici au White-Horse, en 4 jours 2 heures; puis il a été battu par le Canadian, de la méme Compagnie, effectuant le méme trajet en 3 jours 22 heures. On affiche le temps em- ployé, chaque fois qu'un bateau détient le record, et on arbore un balai a coté: c'est significatif. Le télégraphe fonctionne maintenant jus- 108 UN LYONNAIS AU KLONDIKE quau poste de Little Salmon. On compte qu'il atteindra Fort Selkirk en septembre. Dawson, 12 aot. Notre domaine s'est augmenté hier d'un nouveau claim, situé sur le Gold-Hill. Je ne I'ai acheté qu’aprés un examen des plus sérieux, quatre fois renouvelé. A chaque visite le résultat a été des plus satisfaisants. Ce claim appartenait a un vieil Anglais, a Fair vénérable, qui y travaillait avec ses deux fils, agés d'une vingtaine d’années. Ce sont des gentlemen et non des mineurs, qui, du reste, conduisaient assez mal leur travail, et surtout pas vite. Ce claim a 100 pieds de front sur 140 de profondeur. Il est attaqué par deux tunnels complétement achevés jusqu’au fond. L’'un est travaillé par deux laymen ; autre, I'était par les propriétaires, UN LYONNAIS AU KLONDIKE 109 Pour des raisons que je ne connais pas, cet Anglais avait hate de quitter le pays. Mardi, nous sommes donc monté visiter ce claim, pour la quatriéme fois depuis le 14 juillet. Nous sommes allés dans tous les recoins des galeries, piocher nous mémes les « pans », que nous avons lavés. Comme les autres fois, nous avons obtenu des « pans » trés satisfaisants. Les quatre « pans» pris dans le tunnel des propriétaires ont donné une moyenne de 1 dollar 43. Les quatre pris dans le tunnel des laymen ont donné une moyenne de 1 dollar. Comme vous le voyez, c’était assez encourageant. Puis, nous avons abordé la question de prix. Je suis parti de 4.000 dollars; le pro- priétaire, de 7.000 et, aprés une discussion interminable, nous nous sommes entendus sur le chiffre de 5.400, tout le matériel com- pris. L’affaire était terminée et j'ai poussé un soupir de soulagement, car cela a été vrai- ment dur a tirer. ioe a a a ER —— RRR, . —_ I Biever al 110 UN LYONNAIS AU KLONDIKE [1 était temps ; j'ai appris hier, en effet, que M. C. qui, comme vous le savez, est a la téte d'une grande Compagnie, pour laquelle il effectue des achats importants, se disposait a monter sur ce claim ; il ne l'aurait certes pas laissé échapper. Je lui ai coupé I'’herbe sous le pied. Depuis le mois de février, ou l'on a com- mencé a exploiter ce claim, 1l en a été retiré 5.000 dollars. Jai reconnu que les laymen travaillaient un peu trop haut; nous avons pris des « pans » plus bas et ils étaient fort beaux. | Daprés un certificat dessai, la banque North British paie l'or de ce claim 16 dollars. On ne trouve pas de pépites et presque pas de poudre; c'est du coarse gold (or en mor- ceaux). Je vais maintenant m’occuper des moyens de le faire travailler. Le contrat des « lay- men » expire le 1 septembre. Je verrai si Aoiit 1899. Notre claim sur le Magnet-Bonanza. REL ER UN LYONNAIS AU KLONDIKE 111 * Jal avantage a le faire travailler a la journée ou en lay. Nous avons passé l'acte de vente hier; 20 minutes aprés, quelquun m’offrait 6.000 dollars comptant de ce claim, mais je pré- fere le garder. Je crois que je suis tombé a temps pour le prendre. Mardi soir, en ren- [rant de notre claim du Bonanza, nous avons cu la visite d'un individu venant nous de- mander combien je voulais vendre ce claim. Je lui ai répondu que je ne cherchais pas a le vendre ; mais, sur son insistance, je lui al déclaré que je ne le céderais pas 4 moins de 20.000 dollars. Il a pris note de ce chiffre ct est parti. Pour moi, cet individu a été envoyé par quelqu'un pour tater le terrain ; peut-étre pour le compte de mon voisin, qui posséde trois claims au-dessus de mol, veut y amener l'eau du Bonanza au moyen d'une pompe puissante et serait, pour cela, obligé de passer sur mon claim. C'est pour- (uol il voudrait peut-étre s’en rendre acqué- 112 UN LYONNAIS AU KLONDIKE reur. Le puits d’aération est a 37 pieds. Il y en a encore 8 a creuser. Soyez assurés que je marche avec prudence et en tatant bien le terrain devant moi. Il ne faut pas, en effet, que je rate mon essal. En agissant comme je le fais, il y a beaucoup de chances pour que je réussisse. Pour em- ployer un petit capital actuellement, 11 est “bien plus sage de le placer dans des claims déja travaillés, ou l'on sait que I'on ne per- dra pas son argent, au lieu d’acquérir (bien moins cher, c'est certain), des claims non prospectés, ou l'on a peu de chances de trouver quelque chose. 11 est facile de faire « recorder » des quan- tités de claims, oi 'on ne trouverait pas seule- ment une « couleur », et de laisser supposer que l'on posséde des propriétés considérables. Avec un gros capital, c'est aussi la meil- leure maniére de marcher pour retirer des bénéfices certains; mais on peut en consacrer une partie a des travaux de recherches qui, 3 juillet 1899. Notre cabine au-dessus de Dawson. Photographic prise a minuit. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 113 parfois sont couronnés de succes, tout en courant le risque de perdre son argent. Claim du Bonanza, 18 aout Jai déja recueilli une petite quantité d'or dans notre claim du Gold Hill. Comme je vous lai dit, c'est du coarse gold. Jen ai mis un peu de coté pour vous I'envoyer par M. d’'H., s'il n’est pas encore parti dimanche. Vous verrez que cet or est tres joli et que les morceaux en sont gros. Je compte m'installer la-haut la semaine prochaine et y mettre des hommes au travail pour obtenir un petit résultat avant Thiver. Si je vois quil est plus avantageux de le faire travailler a la journée, nous nous y installerons tant bien que mal pour y passer I'hiver. Le claim dont j'ai la 1/2 option est travaillé, en ce moment, par trois hommes, qui em- 8 114 UN LYONNAIS AU KLONDIKE ploient 2 heures, tous les jours, a creuser la ou l'on pense trouver une riche paie, dans le prolongement de la veine trouvée a coté. C'est un éboulis de grande épaisseur et il faut enlever toutes ces roches écroulées. Le propriétaire a promis aux ouvriers une bonne récompense s’ils trouvaient ce que 'on attend. Il est évident que nous ne lui achéterons son claim que si cela se produit. Ici, je vais mettre des ouvriers au tunnel n°l,caril y en a beaucoup qui me demandent du travail. Ceux qui y travaillaient n'ont pas d’ouvrage depuis le 8, jour ou ils ont cessé. Cela leur fait une bonne somme de perdue, mais ils préférent cela plutot que de céder. Il y en avait comme cela, parait-1l I'hiver dernier, a Dawson, qui aimaient mieux crever de faim que d’accepter du travail a 50 cents (2 fr. 50) I'heure! On s’occupe beaucoup d’amener I'eau sur différents points, ou l'on va commencer i travailler hydrauliquement. Au 62 du Bo- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 115 nanza, deux puissantes machines accouplées pompent l'eau du ruisseau pour la lancer sur les claims a gauche. C'est ’'une de ces grosses machines que javais vu trainer avec tant de peine, ces jours derniers, pour I'amener la. Les méthodes d’exploitation font beau- coup de progrés et, l'année prochaine, je pense que la production dépassera bien celle de cette année qui, avec des moyens pri- mitifs, s'¢léve quand méme a 13 millions de dollars. Le pays se développe rapidement et a beaucoup d’avenir. Les deux Américains avec lesquels nous avons baptisé Emma creek viennent de m’écrire une deuxié¢me fois. Ils ont prospecté sans succes les environs du lac Bennett et, finalement, ils ont quitté le pays pour retour- ner chez eux. Ils me disent que beaucoup de mineurs quittent Atlin. J’al aussi une lettre de ce Parisien qui se rendait a Atlin. I y est tout de méme par- 116 UN LYONNAIS AU KLONDIKE venu, non sans peine, et n’y fait rien de bon. Claim du Gold-Hill, 26 aot. J'ai acheté, a Dawson, une petite maison bien située. Je ne l'ai pas payée bien cher: 450 dollars, y compris le lot de 30 X 32 pieds sur lequel elle est batie. Elle avait été achetée 600 dollars et le terrain 150. Je n’ai pas fait une mauvaise affaire; l'un des deux pro- priétaires avait absolument besoin d'argent et a diminué, sur sa part, le prix quien était demandé. J'y ai fait transporter nos provi- sions, qui sont arrivées, et nous allons en faire notre quartier général. M. d’H. s'est embarqué lundi dernier. Je lui ai confié, comme je vous lai dit, quel- ques spécimens des pépites du Bonanza, de lor du Gold Hill et une vue de ce dernier. Jal engagé deux ouvriers sur le claim du UN LYONNAIS AU KLONDIKE 117 Bonanza pour faire terminer le puits du tunnel n° 1. Clest l'affaire de 4 oub jours, apres quoi je m’'entendrai définitivement avec eux pour continuer le travail. J'ai également engagé deux ouvriers a la journée ici, sur le Gold Hill, ou je suis venu m’installer provisoirement. Ils ont com- mencé a travailler hier et, vraiment, le résul- tat de leur journée me donne les plus belles espérances sur ce claim. Il est plus que pro- bable que je continuerai a le faire travailler a gages et, dans ce cas, nous passerions 'hiver ici. Le premier lavage d’hier m’a fourni deux jolies pépites: l'une trés irréguliére, l'autre absolument plate et ronde comme une piéce de monnaie. Je suis trés satisfait et vais faire travailler ce claim activement, main- tenant que mes achats sont terminés. En effet, il faut que je conserve le capital qu’il me reste, soit dans le cas ou jachéterais 118 UN LYONNAIS AU KLONDIKE une machine a dégeler, soit pour payer les gages des ouvriers cet hiver, s'il y a lieu. Nous voila donc avec un pied sur le Bonanza et un pied sur le Gold Hill, bien établis. Je crois que je suis en bon chemin. On me propose tous les jours des affaires trés belles, surtout sur le Dominion. Ce pays offre un débouché illimité pour les capitaux ‘qui, employés avec prudence, ne courent aucun risque. A Dawson, on construit fiévreusement. Partout on n’entend que coups de marteaux, bruits de scies, etc. Une armée de charpentiers et de menuisiers élévent de nombreuses constructions, que 'on s’applique maintenant a faire aussi confortables que possible et meéme assez coquettes. On double beaucoup de maisons en tole peinte ; les murailles sont formées de deux cloisons en planches avec I'intervalle bourré de sciure de bois. La plus grande animation continue ay régner ; les trottoirs sont sans cesse sillonnés UN LYONNAIS AU KLONDIKE 119 par une foule compacte. En passant devant les saloons, on peut entendre les sons nasillards du phonographe et ceux de la hoite 4 musique, deux instruments qui, avec le piano et 'orgue mécaniques, sont en grand honneur chez les Américains. On en ren- contre sur les claims les plus reculés. Ils font partie de loutfit indispensable de I'A- méricain, au méme titre que ses balances et son gold pan. Gold Hill, 2 septembre. Jal eu, en partant de Dawson, le 28 aot, votre lettre du 30 juillet. Je vois que la nou- velle de I'achat de mon claim de Bonanza a produit une bonne impression. Comme je vous lai dit, je ne puis plus engager le capital qui me reste. II faut que je le garde a ma disposition, soit pour payer ce claim dont j'ai 'option, si le prospect que l'on y fait en ce moment tourne bien; soit HH HE Ae i --ae .....,. a 120 UN LYONNAIS AU KLONDIKE pour payer mes ouvriers pendant I'hiver, car, ici seulement, j'en ai cinqa 7 dollars 1/2 par jour. Et cependant, il y a encore de bonnes occasions. Un bon petit claim voisin, sur lequel javais des vues, vient d’étre vendu trés bon marché. Avec de la prudence et de la circonspection, il faudrait étre tout a fait malchanceux pour rater son affaire. Tout ce voisinage est riche. Espérons que, lorsque les capitaux se décideront a venir, il y aura encore de quoi les placer avantageusement. Les capitaux étrangers commencent a appa- raitre. Des syndicats sérieux font des achats importants. Ce M. S., dont je vous ai parlé, représente une société disposant d'un énorme capital. Non seulement il a fait cet achat de 50.000 dollars sur le Bonanza, mais il a aussi acquis des claims importants sur le Hunker. Les bench-claims du Bonanza seront exploi- tés en amenant l'eau du Yukon. Cest un trés gros projet. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 121 La proposition que I'on m’avait faite der- niérement concernant les claims du Domi- nion, et dont je vous ai parlé dans ma der- niére lettre, consistait a exploiter trois bench-claims en y lancant I'eau, amenée par une forte pompe, pour alimenter les sluice- hoxes. On n'a pas voulu me donner d’option. L’argent comptant, le cash est plus re- cherché¢ et permet dacquérir a meilleur marché. Il est certain quavec 'exploitation a 'aide de machines, le rendement est bien supérieur. Mais linstallation des machines exige d’abord un capital assez élevé. D’ici a la fin du lavage, soit vers les der- niers jours de ce mois, jespére obtenir et vous annoncer un résultat qui pourra vous satisfaire et détruire tous les doutes au sujet de la valeur de nos claims. Je pousse le travail rapidement, car les froids arrivent. J'ai cinq ouvriers sur le Gold Hill, qui me font un excellent travail. Je suis trés satisfait ; une bonne partie de la terre gti ne | 122 UN LYONNAIS AU KLONDIKE quils retirent contient un dollar au pan ; jen ai fait Pexpérience en comptant les brouettes. J'ai a m’'inquiéter de la question du bois, car, a aucun prix, je ne dois arréter le tra- vail. Il faut déja aller loin pour en trouver. Le plus prés que jai pu trouver est encore a 1 mille d'ici et je le paie la somme énorme de 25 dollars la corde, rendu a pied d’ceuvre. (La corde est 4X4 X 8 pieds, environ 4 stéres et demi). Jen ai acheté 8 cordes dans ces conditions pour me faire attendre Ihiver, ou les transports cottent bien moins cher. Jen ai acheté également 25 cordes sur ’Adam, a 5 dollars, pris sur place. Je le ferai amener lhiver. Il faudra que jen cherche d'autres encore. Sur le claim du Bonanza, le puits du tunnel n°1 est terminé. Cela a pris plus de temps que je ne le pensais, parce que, arrivés a une certaine profondeur, les ou- vriers ont di dégeler la terre au moyen de grosses pierres chauffées; il n'y avait plus UN LYONNAIS AU KLONDIKE 123 assez de tirage pour la combustion des bois et I’échappement des gaz. J'ai donné cette partie du claim a travailler en lay a deux bons ouvriers qui auront 50 0/0 de I'or qu’ils retireront. Il m’en faudra encore au moins quatre sur ce claim, aux mémes conditions. Je ne puis songer, en effet, a leur donner des gages. Vous voyez ce que cela me couterait, a 7 dollars 1/2 par jour, comme ici, oll jen ai déja cing. Le foncage du puits a été ce qu'on appelle du dead work, du travail qui'ne pro- duit pas, mais maintenant les ouvriers que J’y ai mis peuvent marcher de I'avant. [’éclairage des tunnels et galeries est vrai- ment trop incomplet et dispendieux ; au moyen de la bougie, employée jusqu’a pré- sent. J'avais justement pensé que de petites lampes a acétyléne, telles par exemple que les lanternes de bicyclette, rendraient ici de réels services pour I'éclairage des mines. C'est lorsqu'on est aux prises avec les dif- 124 UN LYONNAIS AU KLONDIKE ficultés que I'on s’attache a chercher les moyens les plus pratiques de les vaincre. Je ne pouvais prévoir cela avant de partir. J'aurais pu en apporter une certaine quantité qui se serait vite et bien vendue. Les ouvriers ont appris, probablement par les journaux, que M. Tarut remplit les fonc- tions d’agent consulaire et cela lui donne un certain prestige vis-a-vis d’eux. Nous allons vers I'hiver. La nuit fait des- cendre le thermométre a 24 degrés, soit 5 degrés centigrades. Le jour, il souffle un vent trés froid. C'est un brusque change- ment de température. Ah! si javais seule- ment trois bons mois devant moi pour pou- voir laver. Mais on retrouvera tout cela au printemps. Je compte envoyer bientét un rapport officiel sur mon achat; puis, un peu plus tard, un rapport sur ma situation générale et sur les ressources du pays. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 125 Dawson, 10 septembre. J'active le travail sur le claim du Gold Hill, pour profiter des derniers beaux jours. Les résultats de chaque journée sont assez variables, mais la moyenne que j'obtiendrai a la fin du mois me fixera a peu prés sur ce que peut produire le claim. En beaucoup d’endroits, une tres bonne paie, bien constatée, existe juste au-dessous ‘du niveau ou l'on travaille actuellement, mais je ne puis creuser, car l'eau des parties dégelées s’y accumulerait tout de suite et empécherait le travail. On repassera cela trés soigneusement cet hiver. Je continue a chercher du bois, de coté et d’autre. Je cal- cule qu'il m'en faut au moins 150 a 200 cordes. Il me reviendra au moins a 20 francs la corde cet hiver, rendu sur place. Ce claim du Gold Hill m’a encore été de- mandé. Comme je ne suis pas sur de tomber — — I TRE Cth Tt eo. BN See RMI Ei es Se TL ols daw SE pam Sm Ci 126 UN LYONNAIS AU KLONDIKE aussi bien en en achetant un autre, je préfére I'exploiter, malgré le bénéficeimmédiat qui m’est offert. Sur le Bonanza, on trouve des pans de 60 cents (3 francs) dans le tunnel ou mes deux laymen travaillent en ce moment ; c'est un bon présage. Ces deux hommes vont se mettre a creuser, avant les gelées, un fossé prenant assez haut sur la montagne pour amener un peu d'eau sur les claims au prin- temps prochain. On vient de trouver,au n° 34 de I'Eldorado, sur un claim qui n’avait rien donné jusqu’a présent et allait étre abandonné, une grosse pépite pesant plus de 6 livres et estimée 1145 dollars. C'est vous dire que l'on peut toujours s’attendre a des surprises. On commence a construire la route de Dawson a la Fourche. Le gouvernement emploie de préférence, pour ce travail, les hommes venus par Edmonton, pour les dédommager un peu des longues souffrances UN LYONNAIS AU KLONDIKE 127 quills ont endurées en prenant cette direction, sur des rapports officiels mentionnant cette route comme praticable. | Il vient d’arriver encore de ces malheu- reux, qui sont partis depuis 'année derniére au mois de février. D’autres ont mis plus de trente mois. Sur un groupe de 16 hommes, deux seulement sont arrivés; les autres sont morts en route. On dit qu'il est parti au moins 3244000 personnes d’ Edmonton, 'année derniére pour venir ici. Le plus grand nom- bre a rebroussé chemin aprés avoir enduré de terribles souffrances. Maintenant que la voie est frayée du bon cote, tous ces dangers, qui ont rendu le Klondike si redoutable, n’existent plus. Je suis descendu seul, aujourd’hui, a Dawson, pour emménager notre nouvelle cabine. Je commencerai le déménagement, ct M. Tarut descendra a son tour pour le lerminer. Comme cela, nous ne laisserons pas nos ouvriers seuls; ils en prendraient Co ke rect ara or = § — cas ph es Snes SI ECE i 5 ! i 128 UN LYONNAIS AU KLONDIKE par trop a leur aise si personne n’était la pour les surveiller. Cette cabine sera trés commode pour I'eau. Il y a, en effet, maintenant des tuyaux ins- tallés pour amener I'eau du Klondike, et des bornes-fontaines fonctionnent de place en place. Jen ai justement une a deux pas de la cabine. En cherchant du bois, cette semaine, j'ai grimpé sur les montagnes au-dessus du Gold Hill. De la, on domine les deux profonds ravins du Bonanza et de 'Edorado, dont les pentes, creusées par les petites vallées secon- daires, présentent des croupes,apparaissant, 4 ce moment de l'automne, tachetées de jaune d’or, de vert sombre, rouge, etc. Par- dessus ces hauteurs, le regard découvre au loin un coin des Rocheuses, et en bas, le fond boulevers¢ du Bonanza et de I'Edorado apparait comme un ruisseau de sable avec ses monceaux de cailloux et de terre lavée. Le Gold Hill, savancant a leur confluent, UN LYONNAIS AU KLONDIKE 129 arrondit sa croupe éventrée, sur laquelle vient se décharger sans cesse la précieuse terre que l'on extrait de ses flancs. Chaque soir, je fais une jolie petite récolte, qui remplit souvent le plateau de ma balance. Il est vrai que le plateau n’est guére large. Je couche sur mon petit sac d'or, qui se gonfle peu a peu. Une de nos grandes occupations jour- naliéres, le soir, aprés diner, — je diral méme que c'est la plus intéressante, — consiste 4 débarrasser lor, une fois séché, des poussiéres et du black-sand (sable noir) avec lesquels il reste mélangé. Nous nous mettons a le souffler avec précaution, et nous opérons ensuite solennellement le pesage. Nous commengons a devenir assez habiles a ces diverses opérations. Cela fait, nous allumons nos pipes et nous nous chauffons au coin du poele, comme deux bons vieux. Cest le meilleur 9 a ————————— ae ap er pg en PE —— IIE, i. — AT HEI a ——— 130 UN LYONNAIS AU KLONDIKE moment de la journée, ou je puis me re- cuelllir et penser aux étres chers, si éloignés... Gold Hill, 16 septembre. Sur le Bonanza, cela marche aussi bien A qu'on peut le souhaiter pour le moment, parce que, comme je vous l'ai dit, le mauvais ion état des tunnels ne permettrade les travailler LAS SL SRE que pendant I'hiver, sauf toutefois le n° 1, qui est le mieux boisé. Les laymen que j'y ai mis sont deux bons ouvriers, actifs et intel- Aoiit 1899. ligents. Je vais m’arranger avec les propriétaires voisins pour établir, a frais communs, un fossé Road House (auberge) au ne 60 du Bonanza. de débit suffisant pour pouvoir laver a la sluice-box, au printemps prochain. Ce serait une énorme économie de temps et on pour- rait laver, par ce moyen, les graviers qui ne paieraient pas au rocker. J'espére arriver a faire creuser le fossé avant les gelées, pour que tout soit prét a la fonte des neiges. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 131 —— — TI —— Ici, mes cing hommes me font du bon travail. Je les ai mis dans le tunnel d’aval, qui était travaillé par les propriétaires. Ces derniers ont commencé leur tunnel au moins trois pieds trop haut. En effet, souvent le bed-rock senfonce brusquement et, pour atteindre la pay-dirt, il faudrait creuser en contre-bas, ce qui aménerait immédiatement h l'eau des parties dégelées. Il faudra que le niveau général soit abaissé d’au moins deux pieds, et je suis sur de trouver encore une bonne paye dans les parties déja travaillées. Le tunnel en amont, ou travaillaient les laymen, a été trés mal poussé et 11 n'est pas IG FT OA EEA fo prudent de s’y aventurer pour le moment. Au fonds de ce tunnel est creusé un puits d’aération, qui communique également avec le tunnel aval, et que jai fait surélever par et——— une cheminée de tole pour augmenter le tirage “et faciliter I'évacuation des gaz qui ————— rendaient le travail pénible toute la matinée. Voici comment mon chantier est organise : 132 UN LYONNAIS AU KLONDIKE le soir, on allume un feu a 5 endroits diffé- rents ; les feux dégélent une profondeur de 15 4 16 pouces, que l'on extrait le lende- main, en mettant a part la terre payante et en jetant 'autre au remblai. Le produit de chaque feu est placé sépa- rément, et les ouvriers marquent le nombre de brouettes qu’ils apportent sur chacun des cing tas, au moyen d’une aiguille en bois se mouvant sur un cadran en carton ou sont inscrits les chiffres de 1 a 15. Le produit de chacun des tas est placé séparément, et je me rends compte ainsi exactement de la richesse de chaque endroit. Les tunnels sont poussés jusqu’'au bout du claim. Je fais travailler actuellement des galeries latérales, laissant entre elles un palier de 4 pieds d’épaisseur pour soutenir les terres. | Je crois que nous avons encore une dizaine de jours bons pour le lavage. Pour le moment, j'ai complétement rempli UN LYONNAIS AU KLONDIKE 133 mon sac d'or et jen commence un second. Les capitaux venus d'Europe apparaissent et font de gros achats. M. C. vient d’acquérir encore trois claims sur le Hunker pour 115.000 dollars. Un syndicat francais, russe et belge vient d’acheter quatre claims de I'Eldorado pour 300.000 dollars. Je con- nais le représentant russe, qui est venu nous VOIr. Il semble que I'argent, d’abord hésitant a se lancer, prend confiance dans l'avenir du pays. Gold Hill, 23 septembre. Nous touchons, je le crains, a la limite de la période de lavage. Il gele fortement pen- dant la nuit et la chaleur du soleil n’est plus suffisante pour dégeler. On est obligé de casser la glace pour que le travail du rocker soit possible et on ne peut plus faire des pans que dans les tunnels ou le froid se 134 UN LYONNAIS AU KLONDIKE fait moins sentir. Si cela continue, nous n’en avons plus que pour quelques jours. Quoi quil en soit, je suis tres satisfait de mon résultat. Le travail de ce claim est assez délicat. Il faut suivre, pas a pas, ce que fait chaque ouvrier, pour le guider au besoin et ne lui faire négliger aucun moyen d’obtenir le meilleur résultat possible. Je n'ai pas 4 me plaindre deux. Ils sont intelligents et il suffit qu’ils sachent qu'on a I'ceil sur eux. Mais c’est un soin constant. La route de Dawson a la Fourche vient d’étre terminée. Ce travail a été rapidement mené, mais cette route ne donne pas satisfac- tion a la majorité des mineurs. On I'a fait pas- ser par le sommet des collines dela rive droite du Bonanza, sous prétexte que, établie dans le creek, elle aurait été sujette a des dégra- dations constantes ; cela va trés bien si l'on se rend directement de Dawson ala Four- che, mais, pour tous ceux qui ont affaire sur UN LYONNAIS AU KLONDIKE 135 les claims, il n'est pas pratique de la sui- vre. Il parait que l'on construit un chemin de Bennett a Fort-Selkirk en suivant la voie tracée par la ligne télégraphique. Ce che- min est destiné a étre suivi par les courriers cet hiver. Ceest la Canadian Developement Company qui s'est chargée d’assurer le ser- vice postal avec des attelages de chiens. On dit aussi que la continuation du che- min de fer, de Bennett a Fort-Selkirk, est décidée. La ligne suivrait la rive des lacs et du fleuve. Mais le projet le plus intéressant serait celui d'un chemin de fer, a traction électrique ou a vapeur, pour desservir tous les creeks les plus importants : Bonanza, Eldorado, Hunker, Dominion, etc... Un embranchement aboutirait au Rocky-creek (affluent de droite du Klondike, a environ 12 milles de son em- bouchure), dans le but d’exploiter et d’ame- ner a bon marché, a Dawson, le charbon d'une mine que l'on a découverte la. UN LYONNAIS AU KLONDIKE On étudierait aussi le moyen de fournir I'énergie électrique pour I'éclairage et l'ex- ploitation des claims. Il y aura loin alors de la simple chandelle qui, dans le début, se payait jusqu’a 1 dollar piéce. Tous ces projets prouvent que beaucoup ont confiance dans l'avenir de ce pays; et cette confiance est justifiée, tout en mettant de coté les grosses illusions que lon se forgeait sur la richesse du Klondike. II ne suffit pas de sy rendre pour faire fortune, comme certains ont intérét a le faire croire. Dés mon arrivée ici, j'ai vu ce qu'il en était, c’est-a-dire que l'on peut faire des placements de capitaux trés avantageux avec, en plus, la chance de tomber sur des endroits tres riches. J'ai toute confiance dans la réussite de mon entreprise et, dés que les lavages seront terminés, je vous annoncerai mon reésultat, dontil y alieu d’étre tres satisfait, si I'on con- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 9 sidére le peu de temps que jai mis a I'obtenir. Avec des capitaux suffisants pour pouvoir se munir d'un outillage, on peut augmenter beaucoup la production, avec des frais d’exploitation bien moindres. Gold Hill, 30 septembre La période des lavages est terminée depuis mardi dernier (26 septembre) ; maintenant, la terre géle aussitot qu'elle est extraite et nous organisons le travail d’hiver. Sur le claim du Bonanza, il y a peu de travail de fait a cause, comme je vous Iai dit, du danger de travailler dans les tunnels avant les gelées, et aussi en raison du temps employé au percement d'un puits de 40 pieds de profondeur. Sur le Gold Hill, jai commencé le travail le 21 aout, avec deux ouvriers, et jen al eu cinq a partir du 2 septembre. Jal retiré en c 138 UN LYONNAIS AU KLONDIKE tout 2872 dollars (14.360 fr.) dont 638 dollars pour le claim du Bonanza. Je suis assez satisfait de ce résultat, que je n'espérais pas obtenir en si peu de temps, ¢tant donné surtout que javais a organiser complétement le travail. Voici comment jorganise le travail pour cet hiver. J’al commencé a faire creuser ici des fossés embrassant toute la surface du claim et des- tinés a recueillir toute I'eau possible pro- venant de la fonte au printemps. Je 'emma- gasinerai dans deux réservoirs et, s'il yen a suffisamment, nous laverons tout le stock en quelques jours a la sluice-box, ce qui exige- rait deux ou trois mois au rocker. Si je nai pas assez d’eau, J’examinerai un autre moyen. Je fais égaliser la plate-forme devant la bou- che des tunnels pour recevoir la terre que mes ouvriers vont extraire. Elle sera rete- nue, du coté du Bonanza, par une muraille UN LYONNAIS AU KLONDIKE 139 qui permettra de I'élever considérablement sans augmenter sa base. On commence a creuser les galeries et les tunnels, ce qui exige le reboisage de ces derniers. On trouve une trés bonne paye en faisant ce travail, ce que ne soupc¢onnait probablement pas mon prédécesseur. La dépense de bois sera moins forte que je ne l'estimais tout d’abord, en travaillant sur le claim d'une certaine facon que je vous expliquerai. Je suis paré de ce coté : j'ai une provision de bois d’environ 140 cordes. Ce sera, je crois, suffisant pour travailler tout ce claim. Le plus cher me reviendra a 11 dollars au pied du Gold Hill. Jen ai d’autre plus prés. Je pense que cela cottera bien deux dollars la corde pour le faire monter du pied de la montagne jusqu’ici. Jai acheté, a environ 200 métres d'ici, une cabine ou nous pourrons passer 'hiver, ce qui nous permettra de suivre de pres le travail. Nous nous y installerons la semaine r 140 UN LYONNAIS AU KLONDIKE prochaine, et je mettrai dans celle-ci les trois ouvriers qui logent encore sous la tente ; les deux autres ont une cabine. Nous pourrons nous y abriter pendant que nous serons sur le claim et y entretenir constam- ment de I'eau chaude pour panner. Cet achat s’éléve a 125 dollars. Jaurai vite [ait de les rattraper en louant la cabine du Bonanza, que des ouvriers m’ont souvent demandée. Sur le claim du Bonanza, je me suis décidé a établir une chute (260 pieds de longueur) pour envoyer la terre au bord du ruisseau et la laver a la sluice. J'organiserai ce travail la semaine prochaine, pour qu’on puisse descendre la terre au fur et 4 mesure de son extraction. La ligne télégraphique a gagné Dawson hier. Je calcule que vous serez preés de deux mois sans recevoir mes lettres, et moi je seral privé des votres pendant trois mois peut-étre, Aoiit 1899. Machin: a vapeur fonctionnant sur le Gold-Hill ¢t servant cn méme temps a dégeler la terre et a remonter les deblais dun puits de go pieds de profondeur. ee | i UN LYONNAIS A KLONDIKE Gold Hill, 27 octobre Le Yukon, aprés avoir charrié d’énormes glacons, dont quelques-uns ont plus de 50 metres de longueur, est pris depuis Tundi, bien plus tot que 'année derniére. Ce brusque amoncellement de glace a causé un accident qui a failli cotter la vie aux passagers d’un bateau a vapeur, le Stratkon, qui descendait a Dawson. Dimanche dernier, a minuit, il a ¢té pris par les glaces qui 'ont brisé sous leur formidable pression. Les passagers, a moitié endormis, n'ont eu que le temps de sauter, sans étre habillés, sur la glace, et le bateau a sombré aussitot, avec trente-deux sacs de dépéches qu'il apportait. Clesl Je lélégraphe qui nous a appris tout cela. On dit que l'on va envoyer des scaphandriers pour faire des recherches et tacher de retirer les sacs de lettres, mais ce sera difficile, car on ignore méme I'endroit ou ce bateau a UN LYONNAIS AU KLONDIKE 142 ee —— _ sombre, la glace s'étant reformée immédia- tement au-dessus de lui. Jai eu assez de mal & me procurer un enable. Jai fini par en trouver un 5 dollars. C'est un chien conv que j'ai payé assez cher, 3 gros chien noir, a poil frisé ; nous I'appe- lons Niger, un gros pataud avec une bonne i] est robuste et tire le traineau Quand je joue du violon, t, il se met a téte de béte ; courageusement. ce qui ne m'arrive pas souven pousser de petits grognements ; je ne sals “pas encore sl je dois les attribuer a la satis- faction ou au mécontentement. Nous sommes remontes sur le Gold Hill, le 17, avec le chien, pour pouvoir redes- cendre le traineau, qui était 1cl. La cabine que jai achetée était enfin libre et nous nous sommes mis en devoir de nous y installer. Du claim a la nouvelle cabine, il y a beaucoup 4 monter : nous nous sommes attelésau traineauavecle chien,etnous I’avons hiss¢ sur la neige glissante, en nous cram- UN LYONNAIS S$ AU KLONDIKE KE 143 Tee wsowms Ww ponnant des pieds et des mains. Aprés quatre ou cing voyages, le déménagement Cait fait et nous avons commence Finstal lation : monter le poéle, poser les ravons pour la vaisselle, etc., etc. Les lits on ie simples toiles tendues sur deux traverses, Nous nous y couchons dans des couverture, Jusqua ce que le froid nous oblige a trans- porter nos lits-sacs dans tous nos déplace meni Les fenétres, du coté de Stocku navalent plus de vitres ; nous y avons colle de J3 toile. Les planches de 1a porte jissaiont des intervalles a Passer la main ; nous le avons bouchés avec du papier ct des chiffon et Hous avons tendu une toile par-dessus | Nous nous sommes confectionné une table ant bien que mal et nous avons apporté nos ahourets, Je crains que nous n’y soyons pas i ehaundemen, car on sent déja de petits zephirs qui viennent de partout, et qui n'ont rien d’agréable. am L ci a moitié seulement de a cabine est I | an UN LYONNAIS AU KLONDIKE 144 ——— ee ere Elle est tendue d’étoffes des planchéiée. drap, toile blanche, toile plus disparates: bleue, elc., cela garantit toujours un peu du froid. Samedi dernier, nous SOMINES redes- cendus a Dawson avec le chien attelé au {raineau. La piste n'est pas cncore bien bonne : il n'y a pas assez de neige pour faire disparaitre les rochers, les morceaux de bois, etc., qui génent bien les traineaux. De plus, le chien n’était pas encore bien habitue ous. Nous n’avions pas de cordes pour le tenir en laisse et, s1 nous I’abandonnions a lui-méme, il filait comme une fleche avec le traineau a vide dansant derriere lui, au risque d’occasionner un accident en ren- contrant d'autres attelages. Enfin nous avons fini par arriver 4 Dawson, cn traversant le Klondike sur la glace. Cela va nous épargner maintenant, a chaque passage, 50 centimes qu'il nous fallait payer pour traverser le pont ou prendre le bac. UN LYONNAIS AU KLO NDIKE 145 A Dawson, on ne voit plus maintenant que des traineaux dans les rues et 'on n'en- tend plus que des “ much on!” Cest le cri ne mement employé pour exciter les chiens, qui le comprennent a4 merveille Les dames semblent prendre un grand plaisir a se faire promener en traineau par les chiens. Mais le progrés marche et, cette année, les traineaux a chevaux ont fait leur apparition, de jolis traineaux comme en voit . Montréal, avec des grelots aux harnais du C oe i y a ainsi quelques jolis attelages. € Crois que nous pourrons avoir, a Dawson, de l'eau a la borne-fontaine, tout Fhiver. En effet, la Compagnie qui a fait Installer ces borne-fontaines les a fait en- tourer d’une petite construction en planches abritant un poéle chauffé nuit et jour. De ps lean est envoyée chaude dans les yaux et avec une g omer ne grande pression, ce qui probablement de geler dans les 10 N S .ONDIKE 146 UN LYONNAIS AU KLON grands froids. Je paye l'eau un dollar par mois. Nous avons arboré nos casquettes de fourrure ct nos gros paletots en cuir doublés de peau de mouton. Nous portons comme chaussures, ici sur le claim, de gros bas froncés, qui s'ajustent par-dessus le pantalon, et une paire de mocassins. Ges mOCassInS sont tres incommodes et Ion se fatigue beau- coup a marcher avec lorsquon n’y est pas habitue. ~ A Dawson, nous avons été, cette semaine, pour la premiere fois, au grand opera. On y donnait Faust, et nous avons voulu voir ce que c'¢tait que Faust jou¢ a Dawson. Cruelle déception ! D’abord, c’é¢tait Font sans musique !I1 y avait bien quatre ou cinq musiciens, mais il ne jouaient que pendant les entractes. Et quels costumes ! els acteurs | Méphistophéles lisait tranquille- ment son role, et le reste a I'avenant. Ce théatre est assez grand, avec deux etages de UN LYONNAIS AU KILONDIKE 147 loges. Le public était curieux a voir: des mineurs, pour la plupart, avec de gros pale- tots et des bonnets de fourrure, et tout ce monde fumant a qui mieux mieux. (était amusant a voir; mais, quant a Faust, lorsque je le reverrai en France, Je me souviendrai de cette représentation. Mais jarrive a I'affaire qui m’a retenu 3 Dawson jusqu'a hier. C'est I'achat d'un ter- rain a I'angle de la troisiéme avenue et de Ig deuxiéme rue. Cette troisitme avenue se batit beaucoup et prend une grande impor- tance. | Sur ce terrain est batie une maison tres bien construite, trés coquette, avec un étage et toutes les commodités que l'on peut trouver maintenant 4 Dawson. Au rez-de- chaussée, il y a une salle a manger, une cuisine pour un restaurant et une grande salle ou doit s’installer le Dawson-Club. Au premier étage, il y a neuf chambres, dont deux sur la facade, tres jolies. Les fenétres 148 I. UN LYONNAIS AU KLONDIKE sont dans une petite tourelle savangant en avant de la facade et produisent le meilleur effet du dehors. Toute la construction est tres soignée. Cette maison occupe un peu plus de la moitie du lot que jai acheté. L’autre partie pourra étre batie, comme jen ai I'intention, et rapporter un bon bénéfice. Elle est louée 350 dollars par mois, payables d’avance. Comme jai payé le tout 7.000 dollars, c'est un bon revenu. Nous voila donc proprié¢taires, a Dawson, ‘d'une jolie maison bien louée. Il y a comme cela beaucoup de bonnes occasions a saisir. Le propriétaire de cette maison ink criblé d’hypothéques qu'il devait wor’, avant le 25, sous peine de perdre sa propriété, 1 I * beaucoup ce qui I'a rendu plus coulant sun I de choses. | Pour le moment, il n’y a rien a craindre de l'incendie venant de lextérieur, puisqu 1 ructi jacente. Si I'on n'y a aucune construction adja batit a proximité, je ferai assurer la maison. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 149 La prime a payer est de 7 0/0 de la valeur déclarée. Sur le claim du Gold Hill, mes six ouvriers sont en plein travail. J'ai fait creuser de deux pieds le sol des tunnels des galeries, et 'on gratte ainsi une quantité notable dor qu’il eut ét¢ dommage de perdre. Je crois que ce claim sera exploité, cet hiver, d'une facon modéle. Mes ouvriers me sont attachés par contrat, sans augmentation de prix, jusqu’a la fin des lavages du printemps. Au claim du Bonanza, mes laymen ont été pris de la fiévre d'or du cap Noune et sont partis. Il faut que je les remplace. Peut-étre ferai-je travailler a gages. Malgré les nombreux départs pour le cap Noune, qui ont eu lieu par les derniers bateaux, Dawson est toujours aussi animé. La méme foule encombre les trottoirs des rues et, comme toujours, la base de la conversa- 150 UN LYONNAIS AU KLONDIKE L tion est le dollar. On n’enttend que ce mo dollar. C est bien le dieu du pays. On peut prévoir quil y aura encore une forte émigration pour le cap Noune au prin- temps prochain. Ce sera une crise passagere pour Dawson, mais il n'y a rien a craindre, car le pays est riche et ily a de lor pour longtemps. On oblige les émigrants a hiverner a Saint-Michel et, malgré cette précaution, on craint que plus de 25 0/0 des mineurs peéris- sent sur les nouveaux champs dor. Il parait que c'est un pays terrible Ihiver, surtout a cause du manque de bois. A Saint-Michel méme, nous apprenons quil y a 350 cas de fievre typhoide. A Dawson, au contraire, I'état sanitaire est excellent. Les hopitaux sont obligés de fermer et de se transformer en bars. Les médecins cherchent une autre profession ou émigrent. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Dawson, 13 novembre Notre chien s'est habitué a nous. Il remue intelligemment la queue quand on lui parle. Je lui dit qu'il a I'air béte et qu'il n’est qu'un gros pataud. Il est content et prend cela pour des compliments. Comme nous montons, presque chaque fois, avec des provisions ou des outils, nous suivons le traineau a pied, mais, en descen- dant, nous montons sur le traineau et il nous mene rapidement. Jal engagé un ouvrier de plus sur le claim. Il y a déja un fameux tas de terre d’extrait. Combien contient-il d'or ? Mystére. Il faut patienter jusqu’aux lavages, mais les indices sont trés bons. Depuis trois ou quatre jours, il souffle une petite bise qui vous coupe la figure en quatre. Quand nous sommes descendus, samedi, le thermométre marquait 28 degrés 152 UN LYONNAIS AU KLONDIKE au-dessous de zéro: c'est déja un joli petit froid. En arrivant a Dawson, ma barbe était transformée en un seul bloc de glace, pro- duit par ’haleine qui géle aussitot. Ma mous- tache, a chaque brin de laquelle était sus- pendu un glagon, était collée avec ma barbe, de sorte que je ne pouvais presque pas ou- vrir la bouche. Le chien, lui-méme, était tout blanc de givre. Ce sont les extrémités qui craignent le plus: pieds, mains, nez, oreilles. Nous portons un casque de fourrure qui se rabat tout autour du cou et des joues, de sorte qu’il n'y a que le milieu du visage qui soit exposé au froid. Encore en voit-on quel- ques-uns coiffés de casques formant masque ; nous avons d’énormes gants de peau d’'ours et, quand il fera plus froid, nous mettrons encore des mitaines par-dessus : cela nous fait de longs bras qui descendent presque jusqu’aux genoux et nous font ressembler a des gorilles. | Nous allons prendre deux ou trois jours UN LYONNAIS AU KLONDIKE pour organiser notre cabine a Dawson, qui est notre quartier général ; je veux que nous ayons ici une habitation convenable, car il ne faut pas oublier que nous abritons, ici, le Consulat de France ! Nous avons déja cloué du papier sur les murailles. Le papier empéche beaucoup le froid de pénétrer. Nous avons tendu le pla- fond de toile blanche et nous allons tendre lesmursavec une belle étoffe a fond rouge sur lequel se détachent de jolies fleurs. Cela ne fait pas mauvais effet du tout. Aprés, nous mettrons des rideaux aux fenétres, une ten- ture a la porte, etc. Je me félicite d’avoir bien jugé Atlin, lors- que nous y avons pass¢ au printemps. Nous voyons journellement des gens qui en reviennent. Le travail d’été n’a pas été satisfaisant et trés peu de monde y passera Phiver. Il y a certainement de I’or, mais pas en quantité suffisante pour étre exploité in- dividuellement par les méthodes ordinaires, 154 UN LYONNAIS AU KLONDIKE L’exploitation hydraulique, par de puissantes compagnies, peut seule y donner des résultats. Quand on a quelque chose a faire a Dawson, cela nen finit plus. Les gens ne se levent qu'a 10 ou 11 heures, et toutes les ma- tinées sont perdues. Jal touché, le 2, mon loyer de 350 dollars pour le mois de novembre. Je vais faire construire une petite cuisine derriére le batiment afin de donner plus d’espace ala salle & manger. Je me suis entendu avec mon locataire général, qui me payera 5 0/0 par mois de I'argent dépensé a cette petite cons- truction. On s’occupe de mettre la grande salle de devant en état de recevoir le Dawson-Club qui aura sa salle a manger et sa buvette. La viande a bien augmenté, a cause d'une quantité de bateaux, amenant du bétail, qui sont pris dans les glaces. Nous nous en pri- vons un peu en attendant qu'elle baisse de UN LYONNAIS AU KLONDIKE prix. Il faut payer, au minimum, 85 cents (4 fr. 25) la livre. C'est étonnant ce qui se consomme de bonbons a Dawson. Ily a un marchand qui, avec une petite boutique de quatre sous, a gagné 30.000 dollars. Le premier courrier sur la glace va partir aprés demain. Pourvu que mes lettres ne fassent pas un plongeon au fond du Yukon. En somme, l'interruption n’aura pas duré longtemps, grace au télégraphe qui permet d’étre renseigné sur I'état de la glace a chaque point du fleuve. C'est aujourd’hui que I'école catholique a commencé a recevoir des enfants. C'est notre curé, le Pére Gendreau, qui I'a fait batir. Hier, a I'église, était exposé le chapelet en pépites dont les catholiques de Dawson ont fait présent au Pére Gendreau, qui va l'en- voyer a I'Exposition de Paris. C'est un joli travail. Les pépites qui le composent sont remarquablement belles, 156 UN LYONNAIS AU KLONDIKE Jespére que le Pére Gendreau le confiera en mains sures pour l'emporter, et que le chapelet en question maura pas le sort d'un lot de pépites qu'il avait remis a un soit disant comte de X... et que ce dernier a vendues en route, au lieu de les remettre a leur destinataire. Tous les dimanches, Mac Donald, le roi du Klondike, assiste a la grand’messe avec sa jeune femme quil vient dépouser a Londres. Ils ont de splendides appartements a I'hotel Mac Donald, récemment terminé et qui lui appartient. C'est ce Mac Donald qui a fait reconstruire, en partie, I'église détruite par un incendie. Gold Hill, 17 novembre Je suis revenu ici hier,. sans méme (ue notre installation a Dawson soit compléte- ment terminée. Maintenant que le plus gros du travail est fait : le plafond, les murailles, UN LYONNAIS AU KLONDIKE 157 les rayons pour la vaisselle et notre linge, etc., notre cabine a un aspect trés engageant ; quand les rideaux ect les porlieres seront poses, ce sera parfait. Nous la garderons le plus propre possible, quoique ce soit assez difficile pour une piéce qui sert a tout faire. A ce sujet nous avons, Tarut et moi, les mémes gotits de propreté. Notre table a toilette est formée d'une planche clouée contre le mur et que nous avons recouvert d'une belle serviette blanche. Les rayons pour la cuisine, placés dans I'endroit le moins apparent, sont revétus de toile blanche; ceux destinés a notre linge sont habillés de la méme étoffe que celle des murailles. L’ensemble n’a pas mauvais air. Nous avons planté force clous. Nous avons pu, enfin, déballer tous nos effets, dont beancoup étaient encore dans des sacs. C'est une grande amélioration pour nous d’avoir un intérieur propre, bien tenu, méme 158 UN LYONNAIS AU KLONDIKE un peu coquel... pour le Klondike. Nous y dépenserons, avec plaisir, trois ou quatre jours, de temps en temps, pour nous reposer de la rude vie que 'on méne sur les claims. Je suis remonté seul au Gold Hill et jai couru toute la journée pour le bois, dont il me faut une bonne quantité chaque jour. Les charretiers sont trés occupés et ont besoin d’étre poussés. Ici, je suis obligé de faire fondre la neige pour me procurer l'eau nécessaire au filtre. II ny a pas moyen de faire autrement, mais c'est long et cela nous fait perdre du temps. Il y a beaucoup de femmes sur le Gold Hill. Les Américaines n'ont pas froid aux yeux. On en rencontre méme conduisant, aussi bien qu'un homme, leur traineau de trois ou quatre chiens. Aujourd’hui, sur mon chemin, j'ai croisé un petit bonhomme de cing ans environ, qui sefforcait d’atteler quatre chiens a un traineau. Il m’a appelé a son secours, ne pouvant y parvenir seul, puis UN LYONNAIS AU KILONDIKE 159 il est parti comme un homme avec son attelage, lancant force mush-djé-ha. 11 avait de grands cheveux blonds s’échappant en meéches folles de son bonnet pointu. IIs sont a bonne école, ces gamins, pour devenir débrouillards. On rencontre, en ville et sur les creeks, quelques bicyclistes semblant fort bien s’ac- commoder du plus ou moins bon état des chemins. Ce serait fort agréable, I'été, sil'on avait de bellesroutes,carla marche est bien fatigante. Les Indiens profitent de ce temps froid pour faire de belles péches. Ils sont curieux a voir, hommes et femmes, enveloppés dans des couvertures, accroupis, immobiles, au bord d'un trou creusé a coups de hache dans la glace. Ils semblent étre pétrifiés. Seul, le bras, qui manie une courte ligne, s’éléve et sabaisse alternativement. On les rencontre ensuite en ville, promenant leurs poissons gelés, raidis, qui ressemblent aux poissons 160 UN LYONNAIS AU KLONDIKE en fer-blanc des enseignes des marchands d’engins de péche, en France. Leur butin vendu, ils vont faire leurs emplettes et se chauffer auprés des gros poéles des maga- sins. La, 11s observent, attentifs, le va-et-vient des clients, mais sans montrer jamais aucun ¢tonnement a la vue de tous les produits de la civilisation, bien qu’intérieurement ils soient ¢merveillés. | Je suis donc seul, ce soir, etjai passé ma soirée a ¢crire. C'est mon seul plaisir ici, au milicu de cette vie de luttes, d’anxiétés et de fatigues. Dawson, 20 novembre. Je suis descendu, samedi, a- Dawson et nous allons remonter demain sur le claim. Un courrier, que l'on attendait depuis deux jours et qui a ¢té retardé par le mauvais état de la glace, est arrivé dans la soirée. Je suis Oo allé trois ou quatre fois a la poste, mais je Juillet 1899. Convoi de chiens transportant des provisions. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 161 & n'ai pas encore de lettres. Je me console en pensant que le courrier n'est pas encore complétement dépouillé et que je pourrai avoir quelques lettres demain matin avant de partir. Sur le Gold Hill, le travail marche bien, les prospects sont bons. Il est probable que jattendrai d’en avoir fini avec le Gold Hill pour attaquer le claim du Bonanza, pour lequel je mai pas encore de laymen. Je préférerais y mettre des ou- vriers a gage et surveiller de prés le travail. J'ai fait Pacquisition, pour 20 dollars, d'une petite forge destinée a aiguiser les pics. Cet aiguisage, tres simple a faire, devenait en effet trés cotteux. Le forgeron se fait payer un dollar pour trois pics et, avec des ou- vriers qui piochent dix heures par jour, les pics ont besoin d’étre aiguisés souvent. Je réaliserai donc par la une économie assez sensible. 162 UN LYONNAIS AU KLONDIKE UN LYONNAIS AU KLONDIKE 163 On commence a pouvoir se procurel du mencement et a la fin. Je suppose que, de charbon, qui cotte environ 4 dollars les 100 | votre coOté, il en est absolument de méme et que vous recevez mes lettres tres irrégu- livres, rendu sur le claim. | | La température s'est bien adoucie. Cer- liérement. tains, qui habitent le pays depuis une dizaine Ce mois de novembre a été vraiment ains, 3 d’années et plus, prétendent qu’ils n'ont exceptionnel. La moyenne de la plus basse jamais vu un temps aussi doux a cette température de chaque jour est de 14 degrés époque de novembre. Peut-éire palerons- centigrades, tandis que cette méme moyenne, nous cela plus tard, mais, en attendant, c'est année derniére, etait de 29 degrés. Le jour autant de pris sur I'hiver. le plus froid a été le 12, ou le thermométre a marque 26 degrés. L’année derniére il a atteint 41 degrés le 19 novembre. Mais cette température, relativement élevée pour la Dawson, 3 décembre. saison, géne beaucoup le travail sur nombre de creek-claims ot les trous sont envahis Nous n’avons pas de nouvelles de France par l'eau, méme sur les bench-claims on est depuis quinze jours, et il ny a pas de cour- obligé de boiser dans beaucoup de cas rier d’annoncé. Cette absence de nouvelles ou une température plus basse rendrait le est toujours pénible, mais il faut en prendre boisage inutile. ti : le service de la poste, en hiver, ne Sur le Gold Hill, mes ouvriers sont main- son parti ; le . . sans a-coups dus aux tenant occupés a retirer de la pay. dirt (boue e se faire sans a-C peut guere A > » nm- variations de température, surtout au co | | : I payante). Nous travaillons, en ce moment, 164 UN LYONNAIS AU KLONDIKE dans une paye excellente : 2 pieds de hauteur avec une moyenne approchant un dollar au pan. C'est trés encourageant. Les deux tunnels sont percés jusqu’au fond du claim. Au fond de celui d’amont, est perce un puits d’aération, qui communique égale- ment avec la partie aval du claim par une galerie transversale. Ces deux tunnels étaient creusés trop haut. Le bed-rock étant trés onduleux, on ne pouvait l'atteindre en de certains endroits et, par conséquent, extraire toute la terre payante. J'ai donc fait creuser de deux pieds le sol des tunnels et galeries et fait reboiser complétement les tunnels. Ce travail a ¢t¢ amplement payé par or qu'il a produit et qui, autrement, etit été perdu. Si je puis avoir suffisamment d'eau au printemps pour pouvoir sluicer, le lavage sera fait en trés peu de temps, et jattaquerai aussitot le claim du Bonanza. Le Dawson-Club va s’installer incessam- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 165 ment dans notre immeuble. La salle prin- cipale possede maintenant un joli parquet en bois de Californie. Les murs et le plafond sont tapissés avec du trés beau papier. Il y a, en plus de cette salle, une salle de jeu et un salon particulier. La salle a manger et la cuisine sont installées dans une annexe ajoutée au batiment principal. Dawson posséde maintenant une compa- gnie de pompiers trés bien organisée. Les pompes a vapeur,constamment sous pression, sont remisées a deux endroits différents reliés téléphoniquement. Moins de quatre minutes aprés l'alarme, elles sont capables de combattre le feu a n'importe quel point de la ville, au moyen d'un long tuyau qui les relie au point incendié. Les pompes restent sur la glace, ou des trous sont creusés pour les mettre en communication avec l'eau du fleuve. Le Gouvernement du Canada vient d’en- | | h 166 UN LYONNAIS AU KLONDIKE trer dans la voie des réformes nécessaires a apporter aux lois qui régissent les placersdu Klondike, en modifiant, pour commencer, les conditions que doit remplir chaque pro- priétaire de claim pour obtenir le renouvel- lement de ses titres. Jusqu'a présent, ce re- nouvellement n’était acquis que par trois mois de travail ininterrompu sur le claim ; sl cette condition n’était pas remplie au bout d'un an, le porteur du titre était déchu de ses droits. Il suffira maintenant de verser 200 dollars au bureau du Commissaire de I'or et le titre sera renouvelé. On nous fait espérer que l'abaissement du prix de la royalty ne tardera pas non plus. J'étudie différentes affaires pour la pro- chaine campagne et je chercherai a obtenir des options, s'il est possible, mais les bonnes occasions peuvent se présenter d'un moment ~ a l'autre et elles échappent si on n'est pas a méme d’en profiter immédiatement. 11 y a’ notamment sur I'Edorado, des claims excel- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 167 lents a vendre. Les prix sont élevés, mais on est sur de ne pas perdre son argent. Apres ce travail d’hiver, jaurai acquis toute l'expérience désirable, connaissant, dans tous leurs détails, les nombreux frais d’exploitation, le rendement que l'on doit exiger d'un claim pour en retirer un bon profit, les améliorations a apporter aux méthodes de travail, etc. A cette époque, Dawson est calme, car tous les mineurs sont sur les claims pour tra- vailler. Les magasins commencent a organiser leur vitrines en vue de Christmas. Ils expo- sent tout ce qu’ils ont de beau a cette occa- sion. On prépare aussi un Bazar de la Charité en faveur de I'Hopital Sainte-Marie. Les dames seront en costumes de Nurses (garde-malades). Il y aura toutes sortes d’attractions. Un traineau attelé de quatre chevaux fait, A CR EA, 168 UN LYONNAIS AU KLONDIKE deux fois par jour, le service de Dawson a la Fourche. Hier, au moinent ou je le rencon- trais, il est venu justement a verser, accident assez fréquent dans ces mauvais chemins. Heureusement, personne n’a eu de mal et les voyageurs, parmi lesquels il y avait deux dames, se sont relevés en riant. Nous avons diné hier, M. Tarut et moa, chez un vieux Savoyard qui posséde un claim au n° 46 du Bonanza. Il y a douze ans qu'il habite I’Alaska et ce long séjour dans le pays n'a pas altéré sa bonne humeur. Nous nous arrétons souvent chez lui en passant et il a tenu absolument a nous faire les honneurs d'un lapin. Son lapin, du reste, était bon, tendre et gras. La sauce seule laissait a dé- sirer par manque de vin, mais, au Klondike, on n'y regarde pas de si pres. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 169 Gold Hill, 13 décembre. J'ai fait connaissance avec le froid, cette semaine. La température s’est brusquement abaissée, dans la nuit de lundi a mardi, et le thermometre a marqué 42 degrés de froid. A 5 heures du matin, j'ai ¢té obligé de me lever pour faire du feu. Javais froid dans mon lit-sac. Cela m’a fait profiter de la vue d'un joli phénoméne, une sorte d’aurore boréale. C’était un grand et large cercle lumi- neux qui, comme une immense écharpe, traversait tout le firmament, au nord de Dawson. Nous nous sommes mis en route ce matin, malgré le froid. En nous couvrant suffisam- ment, cette température se supporte encore facilement, si le vent ne souffle pas; mais en traversant le Klondike pour entrer dans | | : 1 - 8 : i £ t By _—. 170 UN LYONNAIS AU KLONDIKE la vallée de la Bonanza, il souffle presque toujours une brise qui rend le froid terrible. En prenant des précautions, on parvient facilement a se rendre inaccessible au froid, sauf cependant le visage qu'il n'y a guére moyen d’abriter. C’est le bout du nez qui est le plus en danger, d’autant plus que le froid finit par le rendre insensible, au point de ne pas sentir quand il géle. Aussi, on se regarde de temps en temps et réciproquement le bout du nez, pour voir s'il est en bon état, car il blanchit quand il commence a geler, puis devient tout rouge et cela est bien dou- loureux, parait-il. Je ne puis porter mon lorgnon dehors, parce que l'haleine se dépose sur les verres ct est transformée immédiatement en glace. Dailleurs, toute la figure ne forme bientot plus qu'un bloc de glace, ma moustache colle & ma barbe, au point d’empécher la bouche de souvrir; partout ou I'haleine peut saccrocher, sur les cils, les sourcils, UN LYONNAIS AU KLONDIKE elle se transforme en glace. Mais cela n’a rien de terrible ; on s’habitue parfaitement au froid. La cabine n'était pas chaude quand nous sommes arrivés ici. Ila fallu deux bons jours pour la réchauffer. Mais nous n’y avons pas eu froid la nuit, dans nos couvertures. Je Crols que nous y pourrons supporter assez facilement les périodes de froid intense, comme celle que nous venons de traverser, et qui se renouvelleront certainement encore. Je suis monté deux fois vers I’'Edorado, pour visiter un trés riche claim qui est a vendre. Je fais a son sujet une enquéte mi- nutieuse, car il ne s’agit pas d'une affaire de peu d’'importance. Je chercherai a obtenir une promesse de vente. Aucun ruisseau au monde n’a une richesse comparable a cet Eldorado. Ses claims sont bien intéressants a visiter. Je suis descendu dans quelques-uns et partout on voit briller 172 UN LYONNAIS AU KLONDIKE I'or. Au bord d'un trou, duquel on retirait de la terre, jen ai examiné un bloc gelé, littéra- lement criblé d’or, comme si on l'avait jeté a poignée. Je suis revenu émerveillé de ces deux visites. Je n’épargnerai rien pour me rendre comple, autant qu'on peutle faire, de la valeur probable des propriétés que je vais examiner. Nous avons din¢, dimanche, chez le juge D... Le juge et madame D... sont des plus aimables a notre égard. Voici le menu du diner : potage au riz, roti froid, olives, vol- au-vent, canard roti aux petits pois et dessert, créme au chocolat, ete, le tout arrosé avec un bon petit vin blanc de Cali- fornie.Cela nous change un peu de notre or- dinaire. Puis on passe au salon prendre le café, et la soirée s'achéve en bavardant. Le juge a toujours quelque chose d’intéressant a raconter. | Le Bazar de la Charité ouvrira le jour de UN LYONNAIS AU KLONDIKE 173 Noél. Il y a toutes sortes de divertissements et les visiteurs seront mis a contribution sous toutes les formes. Des diners seront donnés chaque soir au prix de 3 dollars. II y aura de la musique, des danses, ete. Ces dames qui font partie du Comité ont con- sent a tout, pourvu qu’il y ait des danses. Elles seront en costumes d’ambulanciéres avec la croix rouge en brassard. Dawson, 24 décembre. En I'honneur de Noél, nous avons débou- ché, ce soir, une boite de sardines et une boite de conserves de rognons. Ajoutez a cela une livre de noix, deux petits gateaux feuilletés du grand patissier de la ville, et vous aurez un aper¢u du luxe de notre réveillon. La viande fraiche est toujours aussi chére 174 UN LYONNAIS AU KLONDIKE et, comme le paysan francais, nous nen mangeons que le dimanche. Les autres jours de la semaine, nous vivons de conserves, beeuf ou mouton, de riz ou de légumes secs. Malgré le roulement établi, nous n’arrivons pas a la variété. Pour dessert, les fruits séchés nous sont d'un grand secours ; avec poires, pommes, abricots, péches, nous confectionnons des marmelades excellentes et trés hygiéniques. Nous faisons aussi des juliennes au Liebig, aussi bonnes qu'avec du bouillon. Du reste, pour répartir équitablement la peine entre nous deux, nous faisons la cui- sine chacun a notre tour et, 'amour-propre aildant, nous sommes déja d'une jolie force. Nous avons subi, cette semaine, un petit froid de 45 degrés, avec lequel on n'est guére a l'aise dehors. Les premiers grands froids sont assez durs, puis on finit par s’y accou- UN LYONNAIS AU KLONDIKE tumer un peu et, quand il n'y a que 30 degrés, on se trouve comme dans un paradis. L'aspect de Dawson est assez curieux par ces grands froids. On se croirait dans un pays habité par des animaux fantastiques, vétus de toutes sortes de fourrures. Certains ont méme un masque qui ne laisse apercevoir que les deux yeux, car c'est le visage qui est le plus difficile a protéger. Je me suis fait geler le nez, mercredi dernier, un tout petit rond sur le bout, large comme une piéce de 50 centimes. Heureusement que M. Tarut sen est apercu a temps, car je ne sentais rien. II m’a dit tout 4 coup : mais votre nez gele | Jal aussitot pris de la neige et jaifrotté vigoureusement, de sorte qu’il n'y a pas eu grand mal. - Nous voici, maintenant, dans la période des jours les plus courts. Quand le ciel est clair, vers midi, les rayons de soleil rasent la montagne, au pied de Dawson, et viennent ¢clairer d'une belle lumiére rose la neige des 176 UN LYONNAIS AU KLONDIKE pentes qui dominent la ville au nord. Mais le soleil a comme honte de se montrer. Dans (quinze jours, je pense, on commencera a I'apercevoir de nouveau. Dawson, pendant I'hiver, ressemble a une immense usine, dont les cheminées vomis- sent des torrents de fumée. Cest un véri- table nuage qui couvre toute I'é¢tendue de la ville. Le systéeme de distribution d'eau ne fonc- tionne plus. C'est dommage, car c’était bien commode. On est obligé maintenant d’avoir recours aux porteurs d’eau, qui en délivrent un seau d’environ 20 litres pour 25 cents. En revanche, les rues sont sur le point d’étre éclairées a I'électricité. Jusqu'a présent, pour sortir le soir, il fallait ¢tre muni d’une lanterne pour ne pas tomber dans quelque fossé. (’était comme une troupe de feux follets se promenant de coté et d’autre. Mes ouvriers sont descendus hier pour fater Christmas. Je leur ai donné a chacun UN LYONNAIS AU KLONDIKE 177 un acompte de 50 dollars. Ils voulaient plus, mais je n'ai pas consenti, me doutant bien quills allaient dépenser tout leur argent. En effet, ce matin, 'un d’eux, un Norvégien, est venu me trouver et m’expliquer, la bouche empatée, qu'il avait tout dépensé dans la nuit. Je lui ai donné cinq dollars pour le faire vivre aujourd’hui ici. Les autres en ont fait autant. Ils auraient eu 100 dollars et plus, que tout cet argent aurait suivi le méme chemin. Ces gens-la sont comme des brutes. Quand ils viennent en ville, ils jettent I'or sans compter. Sur mes claims, le travail continue a bien marcher et a4 me donner les meilleures espérances. Gold Hill, 29 décembre. Nous sommes remontés mardi dernier. Il ne faisait pas trop chaud, mais on se réchauffe 12 UN LYONNAIS AU KLONDIKE en marchant et, en prenant la précaution de se garantir le visage, on ne risque pas grand’chose. La cabine ici était bien froide. Tout était gelé et il y avait au moins un cen- timétre de glace sur les vitres de la fenétre. Il a fait trés froid cette semaine. En ce moment, le thermomeétre est encore au-des- sous de 45 degrés; ce temps-la est bien désagréable. 11 faut entretenir tout le temps un feu d’enfer si 'on veut avoir suffisamment chaud, et encore il faut se mettre tout a coté du poéle. Pendant la nuit, tout gele. On entend la glace qui fait craquer les vases et on se blottit un peu plus sous les cou- vertures. Tout le temps que nous ne passons pas a la mine, nous le passons a la cabine. Ce n'est pas trés. gai, avec ces jours si courts. Je suis allé, dimanche soir, a la messe de minuit. L’église était pleine. La messe a duré de minuit 4 deux heures. Ily avait de jolis chants. Les enfants de I'école catholique ont UN LYONNAIS AU KLONDIKE 179 chanté des cantiques, accompagnés d'une mandoline. II y a maintenant 46 enfants a cette école. En rentrant, nous avons fait un petit réveillon avec des sardines. Cela manquait un peu de paté de foie gras, d’huitres et de volaille froide, mais bah! Ce sera pour une autre fois. Nous sommes allés au bazar de la charité qui se tient au Grand Opéra. La salle convient trés bien. Elle était parfaitement décorée : fleurs artificielles, lampes électriques, guir- landes, a profusion. Les petites boutiques ¢taient trés bien organisées. Un essaim d'une quarantaine de jeunes dames, cos- tumées en ambulanciéres (vétement noir avec bretelles, brassard avec croix rouge), s'efforcaient de faire dépenser le plus d'argent possible aux visiteurs. Ce costume leur allait fort bien, surtout aux blondes; quelques- unes de nos Dawsonites sont jolies! Il y avait 180 UN LYONNAIS AU KLONDIKE une foule compacte ; le Tout-Dawson y était : les dames en grande toilette dans les loges, les messieurs en redingote. Beaucoup de divertissements : roue de fortune, péche miraculeuse, etc., etc. Pendant toute la soirée, la scéne du théatre a été occupée par différents numéros : ballets dansés par une vingtaine de jeunes filles costumées en Ecossaises ; morceaux de musique, violon, piano, orchestre complet, chansons, réci- tation, etc., etc., les artistes du théatre ont prété leur concours gratuit. Le pére Gendreau ne sait pas qua la cloture, demain, sera donné un bal que toutes les jeunes dames ont réclamé. Pourvu que l'argent vienne, il fermera bien les yeux la-dessus. Enfin, tous les moyens de faire de 'argent ont été employés. Cest qu'il s’agit de cou- vrir une dette de 30,000 dollars, contractée par les religieuses de I'hopital Sainte-Marie UN LYONNAIS A KLONDIKE 181 pendant qu'il y avait beaucoup de malades a Dawson. Beaucoup de dames protestantes se sont jointes aux catholiques pour leur aider. Elles se réunissaient pour tout organiser et pour fabriquer elles-mémes de petits objets a vendre. L.e Bazar ferme demain, par une vente aux enchéres, qui sera rapidement menée, sil'on en juge par I'impatience qu'ont toutes ces jeunes dames de danser. Dawson, ler janvier 1900 Nous voici dans la nouvelle année. Quelle somme de joles ou de peines nous appor- tera-t-elle ? Mais il est bien permis de la commencer avec, au ceceur, le ferme espoir de la réussite et la volonté inébranlable de tout mettre en ceuvre pour y parvenir. Ily a un an, a cette époque, que le pre- 182 UN LYONNAIS AU KLONDIKE mier germe de notre entreprise a été semé; nous avons maintenant beaucoup de che- min parcouru, et la partie la plus difficile est bien pres d’étre accomplie. Nous savons maintenant ou nous allons. Les ténébres de contradictions, d’exagérations de toutes sortes qui entouraient ce mystérieux Klon- dike sont enfin dissipées, et on peut voir clairement qu'il est possible d’y faire des opérations trés fructueuses. Mais, comme partout, pour réussir il faut s’en donner la peine et I'or ne se remue pas a la pelle, comme certains répandent cette légende si allegrement. Nous avons donc lieu de nous réjouir, pour ce qui nous concerne, du résultat ob- tenu, et nous pouvons entrer dans cette nouvelle année avec confiance dans Ia réussite. Je souhaite, de tout mon cceur, que 'année qui commence vous apporte toute la satis- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 183 faction, tout le bonheur que vous pouvez désirer. Mes ouvriers, aprés avoir pris deux ou trois jours de vacances, pour les fétes de Noél, ont repris le travail sur le claim du Gold-Hill. J’ai fait construire un petit abri a entrée du tunnel aval pour y installer la forge et un poéle afin d’avoir constamment de I'’eau pour panner. Je vous ai envoyé, par le dernier courrier, mon rapport sur l'option du claim 28 de I'Eldorado. Une chose curieuse c'est que, M. Tarut et moi, nous sommes arrives a la méme estimation en la faisant séparément et sur des bases différentes. Il a ¢té fait sur ce claim, la semaine derniére, 4 pans qui ont produits 300 dollars. Le propriétaire de la fraction 27 A, a qui on demandait sil voulait vendre son claim, a répondu que son argent était aussi str la que dans une banque. Nous avons a peu pres la méme tempera- ture, de 35 445 degrés centigrades au-dessous 184 UN LYONNAIS AU KLONDIKE de zéro. On commence a s’y habituer, mais ce froid est bien ennuyeux parce qu'il oblige a prendre certaines précautions pour sortir. Encore deux mois comme cela! Mais le soleil va vite nous revenir et, quand mars sera la, le plus mauvais temps sera passé. Nous sommes redescendus samedi du Gold Hill sans avoir trop froid. Nous nous préci- pitons, chaque fois, 4 la poste pour voir si nous avons des lettres, mais, cette fois, il n'y avait rien. Un courrier était attendu pour le méme soir, il ne nous a rien apporté. Jai été bien décu de passer le 1° janvier sans avoir de lettres. Pour les journaux, c’est une chose décidée: nous ne les rece- vrons pas cet hiver, a cause de leur poids. Mais soyez quand méme assez bon de m’en envoyer ; ils me parviendront peut-étre en bloc au printemps. Vous pourriez, dans vos lettres, mettre quelques coupures qui vous paraitraient de nature a m’intéresser. C'est UN LYONNAIS AU KLONDIKE trés ennuyeux de ne pas savoir ce qui se passe en France. Nous sommes allés faire nos visites aujour- d’hui : chez le pére Gendreau, le major Primrose, M. et Mme Stams, puis chez le juge Dugas qui nous a invités a diner pour le SOIT. Le Bazar a cloturé samedi soir dans une véritable apothéose. Je vous raconterai cela dans une prochaine lettre ; je n'y élais pas. Aprés avoir fait le trajet du Gold Hill a Dawson, on a plus envie de se reposer que de danser. Mais on m’a mis au courant; les bénéfices s’éléevent a 12,000 dollars, c'est magnifique. Gold Hill, 5 janvier. Pour la premiére fois, cette semaine, nous avons vu le soleil se montrer au-dessus de I'horizon, sous la forme d'une grosse sphére 186 UN LYONNAIS AU KLONDIKE d'un rouge cerise. Il va faire, chaque jour, de nouveaux progres, qui deviendront trés sensibles d'ici peu. Cela vous remonte le moral, car c’est une dure privation que cette disparition si longue. Le grand froid affaiblit beaucoup. Je suis tout essoufflé, maintenant, pour gravir le Gold Hill. On redescend rapidement en se laissant glisser sur la neige. Quand il s’agit de hisser le traineau chargé, c'est bien autre chose. Aussi. nous ne nous servons du trai- neau que le moins possible. D’ailleurs, dans les grands froids, on est tellement emmi- toufflé qu'il est difficile de s’occuper a guider le chien et a l'aider dans les mauvais en- droits. Nigger est maintenant complétement habitué a nous; il mest trés fidéle et c'est un bon compagnon pour moi. La cloture du Bazar de la Charité a eu lieu mercredi dernier. D’aprés ce que j'ai entendu raconter, ¢’a été un succés. Il vy a eu un vote : la dame, qui réunissait le plus de sul- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 187 frages,devenait propriétaire d'un magnifique nécessaire de toilette. Le billet de vote coutait 50 cents; on pouvait en prendre, bien entendu, autant qu'on voulait. Il y a eu 7,000 votes, qui représentaient, par conse- quent, 3,500 dollars. Le service a toilette est ¢chu a Madame Spencer, qui habite Dawson depuis deux ans. Madame Mac-Donald, la jeune femme du roi du Klondike, comme on appelle son mari, était 'une des principales candidates. Bref, le Bazar a produit 60,000 francs, qui aideront bien les bonnes sceurs. Au diner, chez Madame Dugas, on avait mis le champagne dechors pour quil soit plus frais ; mais, quand on a voulu le boire, il I'était tellement — frais — qu'il était gele. Cest un domestique francais qui sert a table. Le juge est placé a un bout de la table et Madame Dugas a l'autre. Clest le juge qui découpe et qui a la sonnette a sa portée. Il met la part de chacun dans une assiette que 188 UN LYONNAIS AU KLONDIKE le domestique porte 8 Madame Dugas, pour quelle y ajoute la sauce, s'il y a lieu, puis, a son destinataire. Vieilles coutumes de la France d’autrefois ! Au moment ou j’écris, le temps est trés clair ; les étoiles brillent d'un vif éclat et toute la partic nord du ciel est éclairée d'une belle aurore boréale. Dawson, 7 janvier. Nous sommes redescendus, hier, par 40° de froid. C'est bien dur de voyager par un temps pareil. Nous avons trouvé le pétrole _gelé dans la lampe, et il a fallu longtemps pour réchauffer un peu la cabine. Aujour- d’hui, il fait meilleur. Dehors, également, la température s'est bien radoucie. Je couche avec une paire de bas et une paire de gros chaussons de fourrure. Quand on dit qu'on se déshabille pour se coucher, icl, ce n'est pas tout a fail vrai. On laisse UN LYONNAIS AU KLONDIKE 189) juste un petit trou, a I'ouverture du lit-sac, pour pouvoir respirer; le matin, il est tout entouré¢ de glace, produite par la respiration. Enfin, ce n'est pas encore la saison idéale. Aujourd’hui, le soleil est venu jeter un furtif coup d’cell dans notre cabine ; nous I'avons revu avec plaisir et avons salué comme une vieille connaissance. Il apparail pendant dix minutes ou un quart d’heure, puis il se recouche, le pauvre ! On est, tout de méme, heureux de le voir réapparaitre. Ses rayons remettent un peu de joie et de courage au cceur. Mon intention est toujours de faire tra- vailler le claim du Magnet-Bonanza, cet été, avec une machine a dégeler, aussitot que J'aurai fini les lavages sur le Gold Hill. Mais un de mes voisins de Dawson, m’ayant ins- tamment prié de lui procurer du travail, je lui ai donné un lay sur le claim du Bonanza. [ly est monté aujourd'hui avec son associé, 190 UN LYONNAIS AU KLONDIKE de sorte que j'aurai maintenant deux ouvriers sur ce claim. Sur le Gold Hill, le travail se poursuit activement ; la paye varie de richesse, mais la moyenne se maintient trés bonne. Si mes propositions, concernant le claim 98 de I’Eldorado, sont acceptées, mon inten- tion est de rester ici jusqua la fin de I'ete pour le travailler. On parle toujours beaucoup du cap Noune. Il y aura encore 1a bien des désillusionnés, qui ne trouveront, pas plus qu’ici, l'or a remuer a la pelle. Cet hiver, la misére et la maladie y régnent. On dit que les vivres y deviennent rares et atteignent des prix exorbitants. Le charbon coftite 75 dollars la tonne ct le bois fait défaut. Les hopitaux sont pleins. Tout cela est bien triste. Eh bien! cela ne décourage pas du tout les chercheurs d’or. Ce mois-ci, il y aura de nombreux départs, sur la glace, pour accomplir le plus dur voyage que l'on puisse concevoir. Au UN LYONNAIS AU KLONDIKE 191 printemps, avec tous ceux qui partiront de Seattle par les premiers bateaux, on prévoit un rusch énorme. A l'automne, il est proba- ble que beaucoup de ces chercheurs de fortune seront bien heureux de trouver du travail ici. Mercredi soir, a eu lieu un incendie con- sidérable 4 Dawson. Tout un paté de mai- sons, compris entre deux rues consécutives, a ¢té la proie des flammes. Le feu a pris au Monte-Carlo et, a un moment donné, les pompiers semblaient étre maitres de I'incen- die, mais le vent s'est élevé et a vite eu fait de propager le fléau. Il serait possible que je profite de cet incendie en vendant, avec un bon bénéfice, la maison du Dawson-club, qui serait trans- portée sur la premiére avenue. Je réaliserais ainsi un bon bénéfice et le terrain me res- terait pour rebatir, s’il y avait lieu. La semaine a été assez douce, mais, depuis hier, le thermométre est au-dessous de 45° 192 UN LYONNAIS AU KLONDIKE centigrades. Je supporte parfaitement le froid. Vous pouvez éire sans inquiétude. La ligne télégraphique est souvent endom- magée. Ses constructeurs n'ont pas tenu compte de lI'énorme contraction que subis- sent les fils, par ces grands froids, et qui pro- duit de fréquentes ruptures. Il n'y a donc pas a s'inquiéter, Jorsqu’on ne re¢oit pas une dépéche attendue. “Gold Hill, 12 janvier. Nous avons été favoriseés, cette semaine, par une température trés supportable. II na pas fail plus de 95° degrés. Aussi, quel soulagement de meétre pas obligé de s'em- mitoufler pour sortir. Mais, ce soir, il fait une vraie tempéte qui, si elle ne cesse pas d’ici demain matin, pourrait, peut-étre, nous empécher de descendre a Dawson. Mais il faudrait qu'il fasse bien mauvais, car l'espe- Village sur le Gold Hill. UN. LYONNAIS AU KLONDIKE 193 rance d’avoir des lettres m’attire comme un aimant. [1 y a, maintenant, une certaine société a Dawson, et il parait que de nombreux diver- tissements s’organisent pour cet hiver. Lundi dernier, avant de revenir ici, nous avons passé la soirée chez les Héron, qui sont tres gais et chez lesquels on samuse beaucoup. Nous avons bu de la biére, en mangeant des sandwichs au fromage. On a discuté Ia ques- tion du flirt, quaiment tant les américaines, et, sur ce chapitre, on a jasé et ri un bon moment. La veille, dimanche, avait eu lieu au Grand Opéra, ce qu'on appelle un sacred concert. Dans le programme ne figurait que de la musique profane: Le Trouvére, Cavalliera rusticana, etc., etc. Mais, comme les spec- tacles sont interdits le dimanche, I'hypocrisie anglaise trouve le moyen de tourner la difficulté, en donnant a ce concert I'épithete 13 194 UN LYONNAIS AU KI.ONDIKE de sacré, la musique religieuse étant seule permise. Je n'y étais pas ; mais 1l parait que c’était tres réussi. 11 yavaitun orchestre d'une vingtaine de musiciens. En remontant ici, mardi dernier, nous avons rencontré le juge Dugas qui revenait d'une tournée sur ses claims. Il était accom- pagné de M. Girouard, fonctionnaire a la téte du bureau des terrains. Il est en méme temps avocat, et c'est de lui que je prends consell, quand j’en ai besoin. Plus loin, nous avons trouvé un petit traineau, dans lequel il y avait un bébé; le papa le tirait par une corde, tandis que la maman poussait par derriére. (était tout a fait couleur locale, un vrai ménage du Klon- dike. A Dawson, on voit, comme cela, de petits traineaux d’enfants, attelés d'un chien, que la maman dirige par derriére. Car ily a maintenant de nombreux bébés a Dawson. Cela ne veut pas dire .quils y soient tres bien, car le climat ne leur est guére favorable. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 195 Aux étalages de Noél et du 1 janvier il y avait beaucoup de jouets et de bonbons et dans plusieurs maisons, la présence den. fants justifiait I'érection d’un arbre de Nodl. Mon droguiste (je ne lui ai jamais acheté que du papier a lettre, mais c’est un francais), m’a fait cadeau d'un beau calendrier qui représente une blonde fillette bien occupée a ccrire, avec cette légende en dessous : Writing to papa! — écrivant a papa. — Puisque mon petit Paul connait déja ses lettres jusqu’au D, j’espére qu'il ne tardera pas trop a Write to papa. Je suis content de mon travail sur le Gold Hi Sur le Magnet, mes deux hommes paraissent disposés a rester. - Dawson, 23 janvier. Vous avez eu I'explication du retard des télégrammes que vous m’avez envoyés. 196 UN LYONNAIS AU KLONDIKE Maintenant que le bureau de Lyon connait la marche a suivre, il ne se produira plus de ces retards facheux, bien faits pour donner naissance a linquié¢tude. Mais il faudra toujours compter avec les accidents qui sur- viennent a la ligne. Actuellement, elle ne fonctionne plus depuis quelques jours. Ces accidents peuvent trés bien étre le fait de malfaiteurs, que l'on signale sur le chemin de Bennett, et a qui I'on attribue la dispari- tion de quelques personnes dont on a perdu les traces entre deux stations, notamment d'un employé¢ du télégraphe envoyé pour réparer le fil. Ces malfaiteurs couperaient le fil pour empécher les poursuites. Des Arres- tations ont été faites et la police croit avolr mis la main sur les coupables. La partie brilée de Dawson se recons- truit trés rapidement. Dans 15 jours, tous les otablissements détruits seront de nouveau ouverts aux affaires. Les nouvelles construc- tions semblent devoir étre moins belles que UN LYONNAIS AU KLONDIKE 197 les anciennes. Cet incendie a amené le Yukon Council a prendre des mesures en- core plus énergiques pour conjurer de pareils désastres. Je nai pas accepte l'offre, que l'on m’a faite, d’acheter le Dawson-Club pour le trans- porter sur la premiére avenue. Je n'ai pas trouvé le bénéfice suffisant, d’autant plus quil m’aurait fallu indemniser mon loca- taire et que la somme réalisée aurait été quelque temps sans produire d’intérét. En rebatissant, au printemps, pour que cela colte moins cher, ce capital eut été improductif pendant 3 ou 4 mois. Le locataire a construit une salle a manger et une cuisine, a ses frais, derriére le bati- ment dont le rez-de-chaussée contient la salle de club, salle de billard, salle de jeu et bar. Ces différentes salles ont été garnies de Joli papier et tout le mobilier est en place. L'installation du club ne pouvant qu’augmen- ter la valeur de I'immeuble, il était naturel 198 UN LYONNAIS AU KLONDIKE que je contribue un peu aux améliorations. Jai donc fait établir, a mes frais, un double chassis a toutes les fenétres. Je travaille, en ce moment, 4 une réduction du plan de Dawson, mais les instruments primitifs dont je dispose rendent ce travail trés long. Ne soyez donc pas étonné si je tarde a vous I'envoyer. Mes deux hommes du Magnet continuent a y travailler. Jespére qu’ils pousseront jusqu’au bout la partie que je leur ai donne en lay a 50 0/0. Je serais assez curieux de voir ce que nous trouverons, au fur et a mesure, car le claim, immédiatement der- riere, donne de trés bons résultats. Sur le Gold Hill, cela marche toujours bien. Les feux exigent environ trois cordes de bois par semaine. Je suis en excellente santé et supporte trés bien ces grands froids. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Dawson, 29 janvier. Aucun courrier n'est arrivé cette semaine. On n'en attend un que mercredi ou jeudi, de sorte que je n'aurai de lettres qua mon retour des claims, samedi. Je puis trouver,ici, 4 employer n’importe quel capital qui pourra étre réuni. J'attends de savoir si le projet que je vous ai soumis peut étre mis a exécution, c'est-a-dire si je puis. compter sur le capital ‘nécessaire au 1¢* mai, ou si, au contraire, il faut attendre (ue j'ale obtenu mes premiers résultats. Dans ce dernier cas, je partirai aussitot apres les lavages, soit dans le milieu de juin. D’ailleurs, la navigation n’est .ouverte, d'un bout a l'autre, que vers cette date et il n'est pas possible de partir avant. Je serai donc en France vers la fin de juillet, et une fois les capitaux réunis, il me faudrait repartir en 200 UN LYONNAIS AU KLONDIKE toute hate pour arriver avec les premiers bateaux, vers le milieu d’octobre, sous peine de perdre trop de temps en rentrant pendant I'hiver. Il serait bien préférable, de toutes maniéres, que mon plan puisse s’exécuter, c'est a dire que je puisse employer le capital au printemps, travailler I'été, et partir en septembre prendre un peu de repos pen- dant I’hiver pour revenir sur la glace. Mais, suivant le cours des événements, je m’arrangerai pour le mieux dans n'importe quel cas. La ligne télégraphique fonctionne de nou- ~veau. Dawson, 6 février. Nous voila, maintenant, débarrassés du gros hiver, je pense. Le soleil fait chaque jours de rapides progrés et la température, depuis le commencement du mois, s'est sin- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 201 << guliérement radoucie. Ce beau soleil me fait un peu réver au printemps de France, mais chaque jour qui passe me rapproche du moment tant désiré de mon retour. Cette température, de 10 a 15 degrés au- dessous de zéro, nous cause quelques ennuis sur les claims, en produisant des éboule- ments qui nous obligent, fréquemment, a établir de solides boisages. Cet inconvénient n'existe pas sur les creek-claims ou la terre végétale, le muck, comme on l'appelle, qui ‘recouvre le gravier payant, forme une votite compacte, solide, au-dessous de laquelle les mineurs sont en streté. Sur les bench-claims tout est gravier, depuis le bed-rock jusqua 1 ou 2 pieds de la surface. Tout le travail se fait donc en plein gravier qui s’¢éboule facilement. L’'usage des machines a vapeur a dégeler diminue beaucoup les chances d’éboulement, car les pointes de vapeur ne dégélent que juste ou elles fonetionnent, tandis quavec la mé- p— ___ me tm 202 UN LYONNAIS AU KLONDIKE thode ordinaire des feux de bois, la fumée dégele partout ou elle passe avant d’atteindre le puits d’aération. Avec l'expérience, on se rend compte de Favantage de telle ou telle méthode. Sur le Gold Hill, la paye est maintenant distribuée irréguliérement, par poches, et requierl beaucoup de soins pour étre loca- lisée, se trouvant tantot sur le bed-rock, tan- (ot a 3 ou 4 pieds au-dessus. Sur le Magnet, mes deux ouvriers conti- nuent a travailler avec un bon résultat. Le tunnel sera bientot terminé jusquau fond du claim, J’al regu, ce qui m’a beaucoup étonné et bien fait plaisir, un paquet de Nouwvellistes, du 16 novembre au 17 décembre. Vais-je continuer a en recevoir ? Je n'ose I'espérer et mets cette aubaine inattendue, sur le compte d'un hasard. On s’occupe de la ligne télégraphique de- vant relier Ashcroft, sur le Canadian Paci- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 203 fique, a Tagish. Les travaux sont commencés, de sorte qu'il est bien possible que, cette année, nous soyons en communication télé- graphique directe avec « I'Ouiside », comme on dit ici. Un télégramme sera alors trans- mis dans une demie journée, tandis que, maintenant, la correspondance des bateaux de Vancouwer a Skagway peut reculer le délai de transmission jusqu’a dix jours et plus. Gold Hill, 9 février. J'al eu de quoi m’occuper, ces derniers soirs, 4 lire les journaux que Jal recus; les veillées diminuent vite. Il fait assez jour, dans la cabine, pour se passer de lumiére jusqu’a 0 heures. Dans 15 jours, nous aurons autant de soleil que vous, en France, a la méme époque et, apres, cela augmentera encore rapidement puisque, vers le milieu de mai, il n'y a déja presque plus de nuit. 204 UN LYONNAIS AU KLONDIKE Je ne sais si nous sommes complétement débarrassés de I'hiver, mais, depuis la fin de janvier, nous avons une température qui ne dépasse jamais 20 degrés et qui nous met complétement a notre aise. La neige tombe, de temps en temps, en petite quantité, et il n'y en a pas plus d'un pied d’épaisseur. L’augmentation de lumiére va me per- mettre de refaire de la photographie et d’em- ployer la douzaine de plaques qui me reste, en attendant que je recoive celles que vous avez confiées a M™ A. Il y a des vues d’hiver trés intéressantes a prendre. ~ On a inauguré a Dawson, il y a déja un mois, une salle de lecture libre pour les mineurs. La salle est trés confortable, bien chauffée, éclairée a Iélectricité, avec des tapis, tentures, etc. Les mineurs y ont libre accés et ont a leur disposition toutes sortes de livres, jour- naux, revues, etc. Cet établissement a été or- ganisé par les dames de Dawson, avec l'aide UN LYONNAIS AU KLONDIKE 205 pecuniaire du gouvernement, pour tacher d’¢loigner les mineurs, quand ils viennent Dawson, de ces maisons de danse, de jeux, ou ils perdent tout leur argent. Le jour de I'inauguration, il y avait, le soir, une foule énorme. J 'y suis allé, on avait peine a entrer. Les rafraichissements étaient gratuits et étaient distribués aux mineurs par des messieurs et des dames comptant parmi les plus notables de Dawson. On patine beaucoup. M. Héron qui est gérant de I’Alaska commercial, a fait établir une piste trés bien disposée et éclairée a I'¢lectricité, a 'usage de son personnel et de ses amis. Nous y sommes allés, l'autre soir, et la séance 1a pas manqué de gaité. Un qui nous a beaucoup fait rire, c’est le marmiton de la C, un japonais, qui faisait tous ses efforts pour apprendre, mais sans succes, II tombait & chaque instant et se trouvait tou- jours sur le passage d'un autre. Il prenait 2006 UN LYONNAIS AU KLONDIKE tellement chaud a cet exercice qu'il a été jus- qu’a se mettre en bras de chemise. Apres cette petite séance, nous sommes rentrés chez les Héron, ou nous avons mangé des sorbets a la glace, en buvant du whisky. Javais apporté mon violon et nous avons fait un peu de musique. Ils aiment bien rire et samuser. Nous avons passé, ce soir 1a, un bon moment. Miss Gates, la sceur de celui qui m’a donné I'option du 28 de I'Eldorado, est partie, ces jours derniers, pour le cap Noune, VOIr Sl elle pourra encore augmenter sa fortune la. Elle a un homme pour la conduire en trai- neau et le voyage ne sera pas bien dur pour elle, car elle a tout ce qu'il faut pour I'adoucir. Elle possédait une mine de charbon, pas bien loin de Dawson, qu'elle a vendue a I'Alaska Exploration et C°, pour 20.000 dol- lars. Elle est trés versée dans les affaires, comme beaucoup d’Américaines. Elle habite le Klondike depuis 1896, année ou elle est UN LYONNAIS AU KIL.ONDIKE 207 venue avec son frére. Ils ont joliment bien réussi tous les deux. Son frére, en dehors de ce claim de I'Eldorado, a beaucoup d'autres intéréts trés importants sur le Sulphur. C'est un tout jeune homme, 22 ou 23 ans, qui parait avoir une mauvaise santé. Sa fortune ne lui profitera peut-étre pas beaucoup, mais il en prend, en attendant, tout ce quill peut. Tout marche bien sur mes. claims, Sur le Gold Hill, ma dump commence a étre ¢norme. Combien contient-elle 9 Cela est difficile a dire. Aussi, vous pouvez penser comme je serai dans I'anxiété jusqu’aux lavages. Néanmoins, les prospects sont bons et je ne prévois pas de désappointement. Jespére pouvoir laver a la sluice. Un entre- preneur va. organiser des machines ‘pour pomper Teau du Bonanza et la louer, sur le Gold Hill, au prix de 100 dollars par jour et par sluice. Ce prix n'est pas encore défi- nitivement établi, et je calculerai si le lavage, dans ces conditions, ne reviendrait pas beau- 208 UN LYONNAIS AU KLONDIKE coup plus cher quau rocker. En tous cas, il - y aurait économie considérable de temps. Sur le Magnet, mes deux ouvriers ont encore 10 pieds a creuser pour que le tunnel parvienne a la limite du claim. Les prospects s'améliorent sensiblement cette semaine. Nous verrons, ces jours-ci, ce qu'il en sera. IIs ont déja une belle petite dump. Nous sommes montés, aujourd’hui, sur I'Eldorado, voir ce qui se passe au 28. Que ces claims sont riches | Partout, I'or brille au fond des trous, de vrais nids ! C'est unique au monde, je crois. 11 est bien a souhaiter que mes proposi- tions soient acceptées et que l'argent soit prét au 1° mai. Sur le 29, on vient de trouver une grosse pépite, en forme de cceur, qui vaut 603 dollars. Le propriétaire la garde précieuse- ment dans un coffre-fort et ne la céderait pas, dit-il, pour 2.000 dollars. Nous avons mangé sur le claim 28 (puis- UN LYONNAIS AU KLONDIKE 209 je appeler notre futur claim ?). Les hommes y sont soignés comme des princes. On y mange mieux qu'a n’importe quel rosin: rant de Dawson. Nous sommes redescendus du 28, a la Fourche, en traineau, précédés du proprié- taire du claim, a bicyclette. La bicyclette filait comme I'éclair et les chiens couraient ventre a terre pour suivre leur maitre. Mais cest un vrai casse-cou, dans les tournants, a cette allure. Nous avons versé deux fois, sans nous faire de mal, heureusement. Nigger avait de la peine a nous suivre par derrire. Il'y a longtemps qu'il n’avait tant courn. Je compte avoir des lettres en descendant demain, car jai appris qu'un courrier était arrivé hier. Il a mis 6 jours 1/2 pour venir de Bennett dont la distance est de 900 kil. environ. C'est joliment rapide. Les chiens sont changés a chaque relai et ils voyagent nuit et jour. UN LYONNAIS AU KLONDIKE Dawson, 19 février, A mon retour, samedi soir, jar trouve votre dépéche, arrivée ici le 14, qui map- prend que vous vous occupez a réunir le nouveau capital. Je souhaite que vous réus- sissiez, car jai grande confiance dans cette affaire, qui me parait offrir beaucoup de sécurité. Je la surveillerai, d’ailleurs, de trés prés jusqu’au 1° mai et, si le résultat de mes futures investigations n’étaient pas aussi ~ favorables, je ne serais pas embarassé de trouver d'autres placements pour le capital. J'ai visité I'Eldorado cette semaine, comme je vous l'ai dit. Les dumps forment de véri- tables montagnes. Sur tous les claims régne une grande activité. Je suis descendu au fond du n° 7, qui est a vendre, mais dont une grande partie est déja travaillée. En en- levant des parties de bed-rock, on découvre UN LYONNAIS AU KLONDIKE 211 de véritables nids d'or. J'ai ramassé moi- méme 52 dollars dans un tiers de pan. L’or de ce claim est gros et il y ade nombreuses pépites. Sur le 28, dont j'ai l'option, le travail marche activement. II y a, en ce moment, 15 hommes, dont 3 employés a faire fonc- tionner une pompe a vapeur pour épuiser eau, qui avait envahi un trou de l'année derniére. Les 6 dumps, correspondants aux 6 puits, ont déja de belles dimensions.J'y ai vu laver quelques pans dont un de 28 dol- lars. Chose curieuse, 'or de ce claim est plutét fin, on n'y a jamais trouvé de pépites de plus de 10 a 15 dollars, ce qui me por- terail a supposer que lor en gros morceaux se trouve dans la partie marquée B sur mon plan, c’est-a-dire au-dessous du lit actuel du ruisseau, 1a ou le bed-rock doit étre un peu plus profond. Les trous de prospect, dans la partie C, ne sont pas encore foncés jus- ran —— 212 UN LYONNAIS AU KLONDIKE qu’au rocker, a cause du retard produit par I'épuisement de l'eau. Ils seront terminés dans une quinzaine de jours; je descendrai, alors. dans la mine y faire une visite minu- tieuse. Sur le Gold Hill, le travail marche bien. La partie en dessous du tunnel aval est sortie jusqu’a vingt pieds de ouverture environ. Les ouvriers travaillent, mainte- nant, entre les deux tunnels. Tout le claim sera bien prét d’étre exploité, je pense, au moment des lavages. Je tiens a le terminer le plus vite possible, afin de m'occuper des autres affaires. Dawson, 27 février. Je recois, a l'instant, le télégramme m’an- noncant que ma proposition est acceptée et que jaurai la somme nécessaire. UN LYONNAIS AU KLONDIKE 213 Plus je réfléchis et étudie le pays, plus je me convainc que ce sont de tels placements qui offrent le plus de sécurité et les béné- fices les plus immédiats. Inutile de dire que, d'ici a I'expiration de I'option, je continuerai a examiner le claim de trés pres. Bons prospects sur le Gold Hill. Sur le Magnet, mes ouvriers ont atteint le fond et vont commencer a creuser des galeries trans- versales. Tout est donc en bonne voie. Je suis plein de courage et d’espoir. Nous arrétons la ces extraits pris dans les diverses correspondances de M. Paillard. Ils ont pour but de faire connaitre la période d’étude d'une entreprise qui ne man- quait pas de hardiesse. Cette période est close. M. Paillard a main- 214 UN LYONNAIS AU KLONDIKE tenant a sa disposition les moyens de tirer largement parti des ressources qu’offre ce merveilleux pays de lor, oii néanmoins, comme ailleurs, les capitaux et la valeur personnelle de homme qui les emploie sont les conditions nécessaires de la réussite. Bourg, imprimerie Francisque ALLoMBERT, 18, rue Lalande, - Cr d \ ol Re cs Spm” N nye mn nN we : Hotton ad i Pd oN | 7 ' = ~ Day son QodZ Ss G 2 Tia Seat # TNR ent 7 v +23 -, \ 4 yn. Y, oe Chisto Island En,, b Seley, Rory i Boh rhare % Cd “they, high d & ’ fs, “og oo “4, a a) \v g, z 7 LL i L7 TN g The Haszpers Weelfyr aod N.Y. Times ~ MAP o of the » KLONDIKE GOLD FIELDS." v [=> Compiled, from be mot rable Sources, by A = a pe ‘TAPPAN ADNEY and °° = \B NL Je ale” 3 m & wn E.Le Roy Pelletier. ¥ Te o = Duscovery DAWSON : leg Se EE Tr Tappan * Kine oy nght appld Bor See. mrt rp Retake of Preceding NY Tay 77; . hyo Pure Gold asain NT J { ) offe (isto Island En a z The Harpers Weelfyyr aod N.Y. Times ~~ MAP \ Nm sole eo of the » Ey / y «gol ¢ KLONDIKE GOLD FIELDS \J rr Compiled, from. be Tost rable Sources, by rd . a fats ‘TAPPAN ADNEY and °° >, ~~ Te ale” 3 me # nk ' E.Le Roy Pelletier. & TT &b = Duscovery Eq, J DAWSON: ® \& ~e e, ~~. x Ce Drawn by Tappan YL, cy rght appld &r- . 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